« Accord d’Abraham » : les Émirats arabes unis ciblés par une campagne de boycott
Une vingtaine d’anciens lauréats, présélectionnés, membres du jury et ex-membres du conseil d’administration du Prix international de la fiction arabe (IPAF, appelé communément « Arabic Booker Prize ») ont appelé l’administration de ce prix, l’un des plus prestigieux du monde arabe, à refuser tout financement des Émirats arabes unis (EAU) après la conclusion de l’« accord d’Abraham » entre les EAU et Israël.
« Cette stratégie d’alliance avec Israël inclura tous les domaines, y compris celui de la culture »
- Des intellectuels arabes
L’appel a été lancé par le romancier palestinien Ibrahim Nasrallah, lauréat du Prix de la fiction arabe 2018 pour son livre The Second War of the Dog.
L’IPAF est financé par le département du Tourisme et de la Culture d’Abou Dabi, depuis sa création en 2007, et est soutenu par la Booker Prize Foundation de Londres.
Dans son texte publié sur Facebook et signé par les ex-lauréats et ex-jury de ce prix, Ibrahim Nasrallah considère « qu’à la lumière de la normalisation officielle des Émirats arabes unis avec l’entité colonialiste israélienne qui représente la pire des occupations à travers le monde […] nous appelons les secrétaires généraux du prix à assumer leur responsabilité culturelle historique pour protéger ce prix en cessant tout financement émirati ».
Les EAU abrogent le boycott d’Israël
Pour l’écrivain palestinien et ses cosignataires, dont l’écrivian libanais Elias Khoury, le romancier marocain Bensalem Himmich, le critique libanais Pierre Abi Saab ou l’universitaire palestinien Khaled Hroub, ancien membre du conseil d’administration du prix, l’objectif est de libérer le prix des financements étatiques afin de préserver son indépendance.
Les hommes de lettres signataires affirment être « soucieux de l’indépendance de la culture arabe et des intellectuels face à la dévastation politique opérée par certains régimes, et cela découle également du récent mouvement de normalisation mené par les Émirats arabes unis ».
Les intellectuels arabes craignent les conséquences des « déclarations de responsables émiratis » car, à leurs yeux, « cette stratégie d’alliance avec Israël inclura tous les domaines, y compris celui de la culture ».
Samedi 30 août, le président des Émirats arabes unis, le cheikh Khalifa ben Zayed al-Nahyane, a abrogé par un décret « la loi fédérale n° 15 de 1972 concernant le boycott d’Israël ainsi que les sanctions en découlant » .
« Il sera permis de faire entrer, d’échanger et de posséder des biens et des produits israéliens de tout type aux Émirats et de les commercialiser », précise le décret.
Les entreprises et les particuliers aux Émirats peuvent désormais conclure des accords avec des entreprises ou des personnes résidant en Israël. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a salué cette décision. « C’est une étape importante pour faire progresser la paix et la sécurité dans la région », a-t-il relevé samedi soir dans un communiqué.
Ce lundi 31 août, le premier vol commercial direct entre les Émirats arabes unis et Israël s’est posé à Abou Dabi en provenance de l’aéroport international David Ben Gourion de Tel Aviv.
L’avion de la compagnie israélienne El AL avait survolé l’Arabie saoudite. La délégation est emmenée par Jared Kushner, conseiller à la Maison-Blanche et gendre du président américain Donald Trump.
Appel du BDS
Le mouvement BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) pour la Palestine a appelé les citoyens des EAU à « boycotter toute présence ou activité israélienne dans le pays ou ailleurs et à refuser de s’engager avec l’ambassade israélienne ou avec les entités qui sont leurs partenaires et avec toutes les institutions israéliennes complices ».
Le BDS appelle également les Arabes à boycotter « toutes les activités, festivals et projets parrainés par le régime des Émirats arabes unis, notamment l’EXPO de Dubaï, le Festival du shopping de Dubaï, ainsi que les festivals et conférences sportifs, culturels et économiques/financiers ».
Le 18 août, le gouvernement palestinien avait annoncé sa décision de se retirer de l’Exposition universelle prévue à Dubaï, aux Émirats, en octobre.
L’appel du BDS cible aussi « le boycott et le désinvestissement de toute société émiratie ou autre qui se rendrait complice de la mise en œuvre de cet accord de normalisation avec Israël ».
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