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Coupe arabe : l’Algérie sort victorieuse devant le Maroc, mais c’est la Palestine et le Sahara occidental qui gagnent

Joie à Gaza, célébration au Sahara occidental, drapeau palestinien porté par les joueurs algériens : le quart de finale Algérie-Maroc a dépassé le seul enjeu sportif 
 Les joueurs algériens arborent leur drapeau et celui de la Palestine après leur victoire face au Maroc à Doha, le 11 décembre 2021 (AFP / Karim Sahib)
Les joueurs algériens arborent leur drapeau et celui de la Palestine après leur victoire face au Maroc à Doha, le 11 décembre 2021 (AFP/Karim Sahib)
Par MEE

C’est un match tendu, plein de suspense et de prouesses, qu’ont offert, samedi 11 décembre, les sélections algérienne et marocaine au stade al-Thumama de Doha (Qatar), comptant pour les quarts de finale de la Coupe arabe 2021

Au bout de deux heures et cinquante minutes, l’affrontement entre les Lions de l’Atlas (les joueurs marocains) et les Fennecs (l’équipe algérienne) s’est conclu par la victoire de l’Algérie aux tirs au but (5-3) après des prolongations soldées par un nul (2-2).

La rencontre a battu des records d’audience pour le live YouTube de beIN Sport, avec 1,6 million de vues, sans précédent depuis 2005.

Après cette victoire à l’arrachée, l’Algérie affrontera en demi-finale le pays hôte, le Qatar, le 15 décembre. 

Du Qatar à l’Agérie, la fin de la séance des tirs au but a fait exploser de joie les supporteurs algériens. Cette jeune Algérienne filme sa réaction, chez elle en Algérie, à la fin du match, et l’ambiance dans son quartier : 

Malgré les tensions politiques entre les deux voisins maghrébins, les journalistes sportifs ont salué la haute tenue du match, la combativité des deux sélections et le spectacle d’un football aussi bien tactique que physique de deux grandes équipes du continent.

Si dans les tribunes comme sur le terrain, il n’a été question que de football, la victoire algérienne a été célébrée de manière très... politique, faisant ressortir la question du Sahara occidental et la normalisation du royaume marocain avec Israël.

C’est ce que rappelle dans ce tweet la diplomate Farida Aiouaze, ancienne ambassadrice d’Algérie en Suède : 

L’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc fin août. En plus du dossier litigieux du Sahara occidental – territoire contesté sur lequel le Maroc réclame la souveraineté et pour lequel l’Algérie demande un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU –, s’est greffé un autre motif de désaccord : la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël.

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Traduction : « Avertissement imaginé par un internaute de l’entraîneur Madjid Bougherra à ses joueurs, ‘’S’ils gagnent aujourd’hui, ils vont se moquer de nous jusqu’à Mohammed XV’’. »  

La crise entre les deux pays a connu une évolution dramatique, le 1er novembre, quand Alger a accusé Rabat d’avoir tué, par un tir de drone, trois chauffeurs de camion algériens près de Bir Lahlou, dans une zone contestée du Sahara occidental, non loin de la frontière avec la Mauritanie. 

Traduction : « En souvenir de Bir Lahlou. » (Commentaire après un but algérien, allusion au lieu de l’attaque contre les routiers algériens)

D’autres internautes sur les réseaux sociaux ont utilisé un langage militaire pour parler, par exemple, du but de l’Algérien Youcef Belaili (tiré à un peu plus de 40 mètres) et désigné par des médias spécialisés comme « le but de l’année ». 

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Traduction : « Le deuxième but de l’Algérie face au Maroc. » 

La prouesse de Belaili a été beaucoup commentée, avec, sans surprise, des allusions très politiques. Comme dans ce montage où l’attaquant algérien est intronisé… roi du Maroc : 

Tandis qu’un internaute algérien contourne le slogan marocain « Dieu, la patrie, le roi » par « Dieu, la Patrie, Belaili » ! 

Les réactions des responsables algériens ont aussi été teintées de politique, climat de tensions avec Rabat oblige.

Le président algérien a tweeté : « Un million et demi de bravos à nos héros », une référence au million et demi de martyrs revendiqués par l’Algérie comme victimes de la guerre de libération contre la France (1954-1962).

En condamnant le décès des trois routiers algériens, la présidence algérienne avait rappelé que cette attaque avait été menée « le 1er novembre 2021, alors que le peuple algérien célébrait dans la joie et la sérénité le 67e anniversaire du déclenchement de la glorieuse révolution de libération nationale ».

De plus, le match s’est tenu un 11 décembre, date anniversaire des manifestations anticoloniales de 1960 en Algérie.

Même le chef d’état-major de l’armée, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, a félicité les Fennecs sur la page Facebook officielle du ministère de la Défense.

D’autres célébrations ont mis l’accent sur la position antagoniste des deux pays sur la question du Sahara occidental. 

Le match a été, par exemple, suivi sur grand écran en pleine 45e Conférence de soutien et de solidarité avec le peuple sahraoui (EUCOCO) réunie à Las Palmas en Espagne : 

Et des internautes ont même affirmé que des célébrations pour fêter la victoire algérienne avaient eu lieu dans les villes de Smara et Laâyoune, au Sahara occidental, considérées par le Front Polisario comme « villes occupées ».

Le site Algérie patriotique affirme même que « le régime marocain a réprimé des Sahraouis qui fêtaient la victoire de l’Algérie sur le Maroc ».

L’autre fait saillant reste, comme à chaque fois que joue l’Algérie, le soutien des Palestiniens aux Fennecs et la ferveur des supporteurs algériens envers la cause palestinienne. Mais à l’occasion de ce match, et en réaction à la normalisation du Maroc avec Israël, cette tendance a pris une autre dimension. 

Traduction : « L’équipe d’Algérie gagne face au Maroc et brandit le drapeau palestinien pour fêter la victoire. »

Sur Twitter, le Gazaoui Mohamed Said Nachwan témoigne : « Le public palestinien a supporté l’équipe d’Algérie comme si c’était la sienne. »

Dans plusieurs villes d’Algérie, la fête a duré une bonne partie de la nuit, renouant avec une ambiance d’avant la pandémie. Alger n’a pas vécu de telle fête depuis la finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en 2019, remportée par l’Algérie.

Ailleurs, depuis les gradins du stade de Doha qui a accueilli le choc Algérie-Maroc, d’autres images ont tenté d’apaiser l’ambiance surchauffée de l’après-match. On y voit notamment des supporteurs marocains arborant, eux aussi, le drapeau palestinien.

Traduction : « Une joie immense, le drapeau palestinien aussi bien dans les gradins algériens que marocains. »  

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