Campagne européenne célébrant « la liberté dans le hijab » : la droite et l’extrême droite françaises s’emballent
Lancée jeudi par le Conseil de l’Europe, vigie des droits humains sur le continent contre les discriminations et cofinancée par l’Union européenne, une campagne proposant sur les réseaux sociaux des portraits de plusieurs jeunes femmes, voilées sur une moitié de l’image, non voilées sur l’autre, a finalement été retirée.
Un message en anglais indiquait notamment : « Beauty is in diversity as freedom is in hijab » (la beauté est dans la diversité comme la liberté est dans le hijab).
Passée tout d’abord relativement inaperçue, elle a fini par déclencher une vive polémique en France, où le voile islamique est une question sensible depuis plus de 30 ans.
D’autant que le pays est entré dans une campagne présidentielle où sont très présents les thèmes de l’identité, de l’islam, de l’immigration.
Jugeant la campagne « opposée à [ses] valeurs » car « prônant le port du voile », « la France a fait part de sa désapprobation extrêmement vive, d’où [son] retrait », a expliqué mardi soir à la chaîne LCI la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse Sarah El Haïry.
« Évidemment nous défendons la liberté de conviction, la laïcité, la liberté religieuse mais cette vidéo ne prône pas ça. Cette vidéo prône le voile comme élément identitaire », a-t-elle lancé.
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a de son côté qualifié mercredi la campagne de « choquante » du fait de sa « promotion active d’un signe religieux ou vestimentaire particulier ».
« Cette campagne, par le contenu des messages passés, par les réactions qu’elle a suscitées, a de fait conduit au résultat inverse à celui recherché », a poursuivi le ministre devant le Sénat français, appelant la secrétaire générale du Conseil de l’Europe à « confirmer publiquement la suppression de ces tweets ».
« Combattre tout type de discours de haine »
« Ces tweets ont été retirés et nous allons réfléchir à une meilleure présentation de ce projet », avait fait savoir mardi le Conseil de l’Europe, basé à Strasbourg.
Ils « faisaient partie d’un projet conjoint » du Conseil et de l’Union européenne « contre la discrimination, dont l’objectif était de sensibiliser à la nécessité de respecter la diversité et l’inclusion et de combattre tout type de discours de haine », avait encore justifié le Conseil dans un communiqué.
Les tweets « reflétaient les déclarations faites de manière individuelle par des participants dans l’un des ateliers du projet et ne représentent pas la position du Conseil de l’Europe ou de sa secrétaire générale » Marija Pejčinović Burić, avait encore assuré l’organisation.
La campagne a notamment déclenché la colère de l’extrême droite française, le pamphlétaire et probable candidat à la présidentielle Éric Zemmour dénonçant ainsi un « jihad publicitaire ».
« Cette communication européenne en faveur du voile islamiste est scandaleuse et indécente alors que des millions de femmes se battent avec courage contre cet asservissement », a fustigé de son côté Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national.
À droite, la présidente de l’Île-de-France (région parisienne), Valérie Pécresse, a elle aussi fait part de sa « stupeur », estimant que le voile n’était « pas un symbole de liberté mais de soumission ».
À gauche, l’ancienne ministre socialiste des Droits des femmes, Laurence Rossignol, a estimé elle aussi que « dire que la liberté est dans le hijab » revenait à « en faire la promotion ».
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