Les hommages se multiplient pour saluer l’intellectuelle féministe Nawal al-Saadawi
La féministe égyptienne Nawal al-Saadawi, décédée dimanche à l’âge de 89 ans, est restée pendant des décennies une figure controversée en Égypte, mais mondialement reconnue pour ses écrits brisant les tabous du sexe et de la religion.
Traduction : « C’était une militante féministe radicale, une auteure critique qui n’a jamais cessé de défier le système patriarcal et de démanteler la conscience masculine dominante. Malgré quelques observations critiques, la pensée progressiste réformatrice arabe doit beaucoup à Nawal al-Saadawi qui nous a quittés en ces temps du recul de la rationalité, des mouvements d’émancipation et des droits des citoyennes et citoyens arabes. »
Auteure d’une cinquantaine d’ouvrages traduits dans une trentaine de langues, Nawal al-Saadawi s’est toujours prononcée contre la polygamie, le port du voile islamique, l’inégalité des droits de succession entre hommes et femmes en islam et surtout l’excision, qui concerne plus de 90 % des Égyptiennes.
« Je ne me soucie pas des critiques universitaires ou du gouvernement, je ne cherche pas les prix », avait déclaré dans un entretien à l’AFP en 2015 cette psychiatre de formation, célèbre pour ses convictions de gauche et anti-islamistes.
Son franc-parler et ses positions audacieuses sur des sujets jugés tabous par une société égyptienne largement conservatrice lui ont valu des ennuis avec les autorités, les institutions religieuses et les islamistes radicaux. Par le passé, elle a d’ailleurs été accusée d’apostasie et d’atteinte à l’islam.
« La jeunesse, en Égypte et à l’étranger, m’a toujours couverte d’amour et de reconnaissance », avait souligné celle dont le tempérament d’acier tranchait avec sa frêle silhouette, son élégante chevelure blanche et son sourire chaleureux.
Née le 27 octobre 1931, Nawal al-Saadawi est notamment l’auteur de deux livres féministes de référence dans le monde arabe : Au début, il y avait la femme et La Femme et le sexe.
En 2007, l’institution théologique al-Azhar, l’une des plus prestigieuses de l’islam sunnite, portait plainte contre elle pour atteinte à l’islam. Un mois plus tôt, son autobiographie et l’une de ses pièces de théâtre avaient été bannis de la foire du livre du Caire.
Elle avait alors quitté le pays, avant d’y revenir en 2009.
Traduction : « C’est avec beaucoup de tristesse et beaucoup de douleur que nous avons appris la triste nouvelle. Nawal al-Saadawi n’est plus là, mais ses idées seront là pour toujours. Nous n’oublierons jamais tout ce qu’elle nous a appris et tout ce que nous avons appris d’elle. Repose en paix Maîtresse. »
Nawal al-Saadaoui avait envisagé de se porter candidate à l’élection présidentielle de 2005, mais elle s’était rapidement retirée de la course, dénonçant une « parodie » de démocratie orchestrée du temps de l’ex-raïs Hosni Moubarak, chassé en 2011 par une révolte populaire.
Elle s’était retrouvée au centre d’une procédure judiciaire visant à la séparer de son époux. En 2001, un avocat attiré par les procès à sensation avait estimé que leur mariage devait être annulé, l’islam interdisant à un homme d’épouser une femme non croyante.
Traduction : « Ce n’est pas un hasard si tu es partie ce jour-là [fête des mères]. Tu es notre mère et la mère de nos blessures ouvertes, nous les femmes de ce coin triste du monde. Ta colère reste à jamais vivante en nous, et ton amour aussi. »
Dans les années 1990, l’apparition de son nom sur une liste de personnalités à abattre, dressée par des milieux extrémistes islamistes, l’avait poussée à s’installer aux États-Unis de 1993 à 1996, où elle enseigna alors à l’université de Dukes.
Car Nawal al-Saadawi s’est longtemps battue contre « les fondamentalistes religieux ».
Traduction : « Nawal al-Saadawi est partie, une féministe historique égyptienne. Une femme immense : créative, courageuse et combattante. En 2011, nous l’avons vue aux manifestations de la place Tahrir avec un visage illuminé et la certitude que la liberté se construit chaque jour. Son héritage est incommensurable. »
Mais elle avait été critiquée pour son soutien à la destitution de Mohamed Morsi par le général Abdel Fattah al-Sissi, devenu président.
« J’ai dédié toute ma vie à l’écriture. Malgré tous les obstacles, j’ai toujours continué d’écrire », avait déclaré cette mère de deux enfants, une fille et un garçon, « divorcée de ses trois maris ».
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