Face à l’arrivée des talibans, la France évacue en urgence ses ressortissants d’Afghanistan
Signe que la chute de Kaboul approchait, l’ambassadeur de France David Martinon a tweeté son départ de la zone verte de la ville, à bord d’un avion vraisemblablement militaire.
Ce dimanche 15 août, le ministère français des Affaires étrangères a annoncé que Paris déployait des renforts militaires aux Émirats arabes unis (EAU) pour faciliter l’évacuation de ses ressortissants encore en Afghanistan, après avoir déplacé son ambassade à l’aéroport de Kaboul face à l’avancée des talibans.
« Le ministère des Armées va déployer dans les prochaines heures des renforts militaires et des moyens aériens aux Émirats arabes unis, pour que de premières évacuations vers Abou Dabi puissent commencer », a indiqué le Quai d’Orsay dans un communiqué, ajoutant avoir aussi « décidé de relocaliser l’ambassade sur le site de l’aéroport de Kaboul […] pour procéder notamment à l’évacuation de l’ensemble de nos compatriotes qui se trouveraient encore dans le pays ».
Le président Ashraf Ghani a fui l’Afghanistan dimanche, laissant de fait le pouvoir aux talibans qui ont atteint Kaboul, symbole de leur victoire militaire totale, en une offensive de tout juste dix jours.
« L’ambassade et le centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sont en contact avec les Français qui se sont signalés », précise Paris, qui rappelle que ces « opérations d’évacuation méthodique de nos ressortissants sont en cours depuis des semaines » et qu’un vol spécial avait été affrété dès le 16 juillet.
« Vent de panique »
La France a par ailleurs réitéré sa volonté de « continuer de mettre en protection les personnalités de la société civile afghane, défenseurs des droits, artistes et journalistes particulièrement menacés pour leur engagement. Tout est mis en œuvre actuellement pour maintenir, autant que possible, une capacité de délivrance des visas depuis l’aéroport de Kaboul ».
La France met actuellement « tout en œuvre pour assurer la sécurité des Français » encore en Afghanistan, a indiqué l’Élysée.
« La priorité immédiate et absolue dans les prochaines heures est la sécurité des Français, qui ont été appelés à quitter l’Afghanistan, ainsi que des personnels sur place, français et afghans », a indiqué l’Élysée à l’AFP.
« Un vent de panique s’est emparé de Kaboul », a témoigné sur TV5Monde Sonia Ghezali, correspondante française à Kaboul. « On a vu les talibans marcher dans Kaboul. On savait qu’ils allaient entrer d’un moment à l’autre mais personne ne s’attendait à ce que ça se fasse aussi rapidement. Il y a eu ces comportements assez étranges, ces hommes qui se sont mis à arracher les portraits des femmes qui ornent les devantures des salons de beauté, une agressivité à l’encontre des personnes étrangères. On a vraiment senti un changement d’atmosphère assez immédiat. »
« Ces opérations [d’évacuation] qui concernent plusieurs centaines de personnes ont été menées à bien au cours des dernières semaines et se poursuivent », a précisé l’Elysée.
« La France est l’un des rares pays à avoir maintenu sur le terrain les capacités pour protéger les Afghans qui ont travaillé pour l’armée française, ainsi que des journalistes, des militants des droits de l’homme, des artistes et personnalités afghanes particulièrement menacées », ajoute la présidence.
« Les Français présents en Afghanistan ont été invités dès le mois d’avril 2021 à quitter le pays et ont eu la possibilité d’emprunter un vol organisé le 16 juillet dernier par les autorités françaises pour faciliter ce départ », avait précisé vendredi le ministère des Affaires étrangères.
Le sort des Afghans recrutés par la France localement pour aider son personnel sur place, en particulier des interprètes, suscite une vive inquiétude.
Philippe Juvin, maire Les Républicains et député européen, s’est par exemple déclaré inquiet pour tous les Afghans qui pourraient « payer très cher cette francophilie ».
La France a déjà organisé l’accueil de 550 personnes avec leur famille entre 2013 et 2015 et de 800 en 2018 et 2019, a précisé l’Élysée.
Et comme d’autres pays européens, la France a suspendu depuis juillet les expulsions de migrants afghans déboutés de leur demande d’asile.
Emmanuel Macron, qui suit « la situation heure par heure », s’exprimera lundi, a indiqué l’Élysée. Le chef de l’État doit auparavant présider un Conseil de défense en visioconférence.
Drapeau américain retiré
L’évacuation des diplomates et d’autres ressortissants étrangers a été organisée à un rythme effréné ce week-end.
Les citoyens afghans et étrangers voulant fuir l’Afghanistan « doivent être autorisés à le faire », ont plaidé les États-Unis et 65 autres pays dans un communiqué commun, avertissant les talibans qu’ils devaient faire preuve de « responsabilité » en la matière.
L’Union européenne avait auparavant souligné que l’arrivée des talibans à Kaboul avait « rendu encore plus urgente la protection » contre de possibles représailles à l’égard de son personnel afghan, qu’elle essaye de mettre en sécurité.
Traduction : « Nous regardons en état de choc les talibans prendre le contrôle de l’Afghanistan. Je suis profondément inquiète pour les femmes, les minorités et les défenseurs des droits humains. Les puissances internationales, régionales et locales doivent appeler à un cessez-le-feu immédiat, fournir une aide humanitaire d’urgence et protéger les réfugiés et les civils. »
L’armée américaine a « sécurisé » lundi l’aéroport où a été regroupé le personnel de son ambassade dans l’attente d’être évacué. Le drapeau américain a été retiré lundi de l’ambassade des États-Unis dans la capitale.
Comme la veille, des hélicoptères américains ont continué dimanche leurs incessantes rotations entre l’ambassade américaine, un gigantesque complexe situé dans la zone verte ultra-fortifiée, dans le centre de la capitale, et l’aéroport, désormais la seule voie de sortie du pays.
D’autres pays membres de l’OTAN dont le Royaume-Uni, l’Italie, le Danemark et l’Espagne ont également annoncé l’évacuation de leur personnel diplomatique, tout comme la Suède.
Alors que le Sunday Times affirmait que le Royaume-Uni préparait l’évacuation de son ambassadeur Laurie Bristow et ne comptait pas maintenir de présence diplomatique, le ministère des Affaires étrangères a assuré que ce dernier restait à Kaboul en l’état.
Le Canada a annoncé dimanche soir la fermeture provisoire de son ambassade, précisant que le personnel canadien était déjà sur le chemin du retour.
Pour sa part, la Russie ne prévoyait pas d’évacuer son ambassade.
« Aucune évacuation n’est prévue », a affirmé dimanche Zamir Kaboulov, émissaire du Kremlin pour l’Afghanistan, cité par l’agence de presse Interfax.
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