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Paris Saint-Germain vs. Başakşehir Istanbul : un match politique sur fond d’insulte raciste

Le terme « noir » lancé par un des arbitres lors de la rencontre a causé l’interruption du match et provoqué des réactions à tous les niveaux, y compris politiques
L’attaquant du Başakşehir Istanbul, Demba Ba (à gauche), s’entretient avec un des arbitres après la suspension du match contre le PSG, le 8 décembre 2020 (AFP)
L’attaquant du Başakşehir Istanbul Demba Ba (à gauche) s’entretient avec un des arbitres après la suspension du match contre le PSG, le 8 décembre 2020 (AFP)
Par MEE

C’est l’histoire d’un match qui, comme cela arrive parfois, a pris une tournure politique. Il n’aura duré que 22 minutes et 23 secondes. Alors que le Paris Saint-Germain (PSG) et le Başakşehir Istanbul jouent leur match de Ligue des champions, la rencontre est interrompue sur fond d’accusations de racisme portées par les Turcs contre le quatrième arbitre, une première dans l’histoire de la C1.

Entre le Başakşehir, déjà éliminé, et le PSG, presque qualifié pour les huitièmes de finale, le score est toujours de 0-0 et il n’y a encore eu aucune occasion franche.

Sur le terrain, l’ambiance est tendue. Neymar subit des fautes chaque fois qu’il a le ballon. Dans le premier quart d’heure de jeu, deux joueurs du Başakşehir, Mahmut Tekdemir (10e) puis Rafael (12e), sont sanctionnés d’un carton jaune.

« Shame on you ! » (« C’est honteux ! »), lance un défenseur du Başakşehir après une décision de l’arbitre, Ovidiu Haţegan.

Le Roumain, âgé de 40 ans, est un vieux routier de la Ligue des champions, où il arbitre depuis 2011, avec plus d’une trentaine de matches à son actif.

Mais après un nouvel accrochage, cette fois impliquant le défenseur parisien Presnel Kimpembe, le ton monte sur le banc de touche du Başakşehir.

« Negru » !

Pierre Achille Webo, assistant camerounais de l’entraîneur turc Okan Buruk, conteste une décision de l’arbitre.

S’ensuit une discussion, en roumain, entre Ovidiu Haţegan et le quatrième arbitre, Sebastian Coltescu, roumain lui aussi.

« Vous ne dites jamais ‘’ce blanc’’, vous dites ‘’celui-là’’, alors quand vous parlez d’un homme noir, pourquoi dites-vous ‘’ce noir ?’’ »

- Demba Ba, joueur du Başakşehir

L’arbitre inflige un carton rouge à Webo, lequel proteste en anglais, affirmant avoir entendu ‘’negro’’, terme très imprégné de racisme en français et anglais, dans la bouche de Sebastian Coltescu.

La tension monte et tandis que le chronomètre continue de tourner, les joueurs des deux équipes et le corps arbitral se réunissent au bord du terrain.

Selon des images télévisées, le Sénégalais du Başakşehir, Demba Ba, remplaçant, proteste auprès du quatrième arbitre. « Vous ne dites jamais ‘’ce blanc’’, vous dites ‘’celui-là’’, alors quand vous parlez d’un homme noir, pourquoi dites-vous ‘’ce noir ?’’ », s’emporte-t-il.

Sebastian Coltescu rétorque en évoquant la langue roumaine, dans laquelle selon lui negru n’a pas de connotation raciste. En réalité, le terme peut signifier tant noir que nègre.

Selon des extraits de la conversation entre les deux arbitres diffusés à la télévision et traduits par un journaliste de l’AFP, le quatrième arbitre dit en roumain : « Le noir là-bas. Ce n’est pas possible. Allez vérifier qui c’est. Celui-là, le noir. »

« Başakşehir ne reviendra pas »

Au bout de dix minutes d’explications, les joueurs du club turc quittent la pelouse, suivis par ceux du PSG, sous quelques applaudissements du staff dans le Parc des Princes à huis clos.

Selon le PSG, « l’arbitre a invité les deux équipes à regagner leur vestiaire respectif ».

« Le quatrième arbitre a dit ‘’negro’’ devant tout le monde ! Si le quatrième arbitre est écarté du terrain, alors nous reprendrons. Si le quatrième arbitre reste sur le terrain, alors Başakşehir ne reviendra pas », déclare le président du club Göksel Gümüşdağ à la chaîne de télévision turque TRT Spor.

Les réseaux sociaux s’emballent. Le Başakşehir tweete le slogan de l’UEFA « No to racism/Respect », accompagné d’émojis représentant des poings levés, blanc et noir.

Des joueurs de toute l’Europe embrayent en partageant ces poings : le Brésilien d’Everton Richarlison, puis les Turcs du Championnat de France Umut Bozok (Lorient) et Yusuf Yazici (Lille).

Puis l’affaire prend une tournure politique. Après plusieurs ministres, le président turc Recep Tayyip Erdoğan, réputé très proche des dirigeants du Başakşehir, « condamne fermement les propos racistes tenus à l’encontre de Pierre Webo, membre du staff technique de Başakşehir ».

Sur Twitter, il se dit « convaincu que l’UEFA prendra les mesures qui s’imposent ».

Tard dans la nuit de mardi, L’UEFA confirme que les arbitres de la soirée ne seront pas reconduits pour la reprise de PSG-Basaksehir ce mercredi. 

« L’UEFA a – après discussion avec les deux clubs – décidé à titre exceptionnel de jouer demain les minutes restantes du match avec une nouvelle équipe d’officiels de match ».

Les joueurs du PSG Presnel Kimpembe et Kylian Mbappé dénoncent eux aussi le racisme, le premier en partageant sur Instagram « No to racism », le second en affirmant « M. Webo, nous sommes avec vous », accompagné d’un poing levé.

La ministre des Sports Roxana Maracineanu, française née en Roumanie, a salué mardi « la symbolique forte » des joueurs du PSG et de l’Istanbul Başakşehir quittant la pelouse du Parc des Princes, après des accusations de racisme portées par les Turcs à l’encontre du quatrième arbitre de la rencontre de Ligue des champions.

De son côté, le ministre roumain des Sports Ionut Stroe a condamné mercredi les propos « racistes » attribués à l’arbitre assistant roumain.

« Je condamne fermement tout propos qui peut être interprété comme raciste, xénophobe ou discriminatoire », a-t-il déclaré à la chaîne DigiTv.

« Je présente mes excuses au nom du sport roumain pour cet incident malheureux, qui ne nous représente pas », a-t-il ajouté.

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