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« Un dépotoir » : Israël critiqué pour avoir tenté de transférer aux Palestiniens des vaccins anti-COVID presque périmés

Le gouvernement israélien est accusé d’avoir usé d’un stratagème « cynique » après avoir tenté de livrer à l’Autorité palestinienne des vaccins proches de leur date de péremption en échange d’une future cargaison de doses Pfizer
Un Palestinien reçoit une dose de vaccin contre le COVID-19 à son domicile près d’Hébron, en Cisjordanie occupée, le 9 juin 2021 (AFP)

Le plan échafaudé par Israël pour échanger des vaccins contre le COVID-19 presque périmés contre une future cargaison de doses Pfizer destinée aux Palestiniens de Cisjordanie occupée a suscité l’indignation sur les réseaux sociaux. 

Vendredi, l’Autorité palestinienne (AP) a annulé la réception prévue d’un million de vaccins proches de leur date de péremption, quelques heures seulement après la conclusion de l’accord. 

Le porte-parole de l’AP, Ibrahim Melhem, a annoncé l’annulation lors d’une conférence de presse conjointe avec la ministre de la Santé Mai al-Kaila. Les premières doses envoyées ne répondaient pas aux spécifications convenues, a-t-il déclaré. 

Lors de la conclusion de l’accord, Israël a clairement indiqué que les doses de vaccin arrivaient « bientôt à expiration », sans préciser publiquement la date.

Après avoir reçu la première livraison, les Palestiniens ont affirmé que la date de péremption des doses était plus avancée que prévu.

La Palestine, « dépotoir » d’Israël

Sur les réseaux sociaux, les internautes ont dénoncé une tentative d’échange « inhumaine » et « raciste » ainsi qu’une opération cynique de relations publiques de la part du gouvernement israélien. 

« Qu’y a-t-il de plus cynique et de plus tordu que de donner aux gens que vous opprimez et occupez des vaccins presque périmés afin de pouvoir récupérer leurs nouveaux vaccins plus tard dans l’année ? », s’est interrogé Salem Barahmeh, directeur exécutif du Palestine Institute for Public Diplomacy. 

« Les Palestiniens réclamaient des vaccins depuis des mois, mais Israël nous prend pour une décharge. Nous ne sommes pas des êtres humains à leurs yeux. » 

Traduction : « Juste au moment où l’on pense avoir touché le fond, on creuse encore avec cette opération israélienne de relations publiques consistant à envoyer aux Palestiniens des vaccins presque périmés en échange de nouveaux vaccins dans deux mois. »

Hanan Ashrawi, ancienne membre du Comité exécutif de l’OLP, a accusé Israël de « racisme et [de] corruption » pour avoir tenté d’utiliser la Palestine comme « un dépotoir de vaccins périmés ». 

Plusieurs observateurs ont critiqué le gouvernement israélien pour avoir maquillé cette manœuvre en geste altruiste. 

« Israël est un État qui, lorsqu’il prétend faire le bien, fait en réalité le mal. Il ne peut tout simplement pas s’en empêcher », a écrit Asad Abukhalil, professeur à l’université d’État de Californie. 

D’autres ont reproché aux défenseurs d’Israël d’avoir publié des tweets dithyrambiques tout en omettant de préciser la date de péremption proche des vaccins. 

https://twitter.com/abgutman/status/1405988332228784134

Traduction : « Ceux qui font aujourd’hui l’éloge du nouveau gouvernement israélien pour avoir donné des vaccins [périmés] contre le COVID-19 à l’Autorité palestinienne sont *ceux-là même* qui ont dénoncé comme étant des mensonges les critiques adressées à Israël au printemps pour ne pas avoir fourni de vaccins aux Palestiniens. Ça ne peut pas être les deux, voyez-vous. »

Marco Rubio, sénateur américain de droite et ancien candidat à la présidence, a été accusé de s’être montré « extrêmement cynique » après avoir décrit la livraison comme une preuve manifeste de l’« engagement d’Israël à améliorer la vie des Palestiniens ». 

Dans le même temps, le groupe Democratic Majority for Israel lié au lobby pro-israélien AIPAC a repris un mème populaire tiré de Star Wars pour se moquer du rejet des vaccins par l’AP. 

D’autres internautes ont répondu avec une version détournée du mème, que le Super PAC démocrate a initialement tenté d’étouffer sur Twitter. 

Traduction : « Israël a accepté de donner à l’Autorité palestinienne 1 million de vaccins / Et ils les ont acceptés, c’est ça ? / Et ils les ont acceptés, c’est ça ? »
« Israël a accepté de donner à l’Autorité palestinienne 1 million de vaccins / Et ils n’étaient pas périmés, c’est ça ? / Et ils n’étaient pas périmés, c’est ça ? »

Un utilisateur a également créé une caricature avec la légende : « Si nous ne vous vendons pas de vaccins périmés, quelqu’un d’autre le fera. » 

Traduction : « Si nous ne vous vendons pas de vaccins périmés, quelqu’un d’autre le fera ! Inspiré de @JareerKassis »
« Jacob, ces vaccins sont périmés ! / Si nous ne vous vendons pas de vaccins périmés, quelqu’un d’autre le fera ! »

Ce mème fait référence à un échange largement relayé entre Mona al-Kurd, une activiste palestinienne vivant à Sheikh Jarrah, et Yaakov Fauci, un colon israélien qui squatte la maison de la famille al-Kurd. 

« Ce n’est pas une faveur de leur part »

Samedi, le frère jumeau de Mona, Mohammed al-Kurd, a dénoncé dans un tweet un transfert déguisé en acte humanitaire. 

« Ce n’est pas un acte de charité. Les autorités d’occupation vont s’emparer de la cargaison de vaccins en parfait état destinée à l’AP. Ce n’est pas une faveur de leur part », a-t-il affirmé. 

La vie a totalement repris son cours normal en Israël, où environ 85 % de la population adulte est vaccinée. Le pays a toutefois fait l’objet de critiques pour ne pas avoir partagé ses vaccins avec les 4,5 millions de Palestiniens vivant en Cisjordanie et à Gaza. 

En vertu du droit international, les puissances occupantes sont pourtant responsables de la fourniture des soins de santé aux populations qu’elles contrôlent. 

« Si nous ne vivions pas sous un colonialisme brutal, nous n’aurions pas besoin d’un colonisateur pour recevoir des soins. Cette livraison de vaccins arrive bien trop tard, de nombreux mois trop tard », a déclaré Mohammed a-Kurd.

« Même si les vaccins n’étaient pas périmés, même si les Israéliens guérissaient tous les cancers, la réalité matérielle ne changerait pas : le colonialisme et la domination militaire sionistes continuent de déstabiliser et de détruire notre santé physique et psychologique. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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