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Rapatriement du chef du Polisario à Alger : Rabat menacerait de rompre ses relations diplomatiques avec Madrid

D’après le site d’information El Español, Rabat aurait qualifié le départ de Ghali de « ridicule » et étudierait « la rupture [des relations diplomatiques] avec l’Espagne et le renvoi de l’ambassadeur espagnol »
Brahim Ghali, président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et secrétaire général du Front Polisario (AFP/Tony Karumba)

Le président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali, dont l’accueil en Espagne pour y être soigné du COVID-19 a provoqué une crise majeure entre Madrid et Rabat, a quitté l’Espagne dans les premières heures du mercredi 2 juin.

Selon le quotidien espagnol El País, l’avion de Brahim Ghali a décollé à 1 h 40 du matin (heure espagnole) de l’aéroport de Pampelune à destination d’Alger. L’avion médicalisé, selon des médias espagnols, a été affrété par l’Algérie à une compagnie aérienne française.

Plus tôt dans la journée de mardi, Enaire, l’aviation civile espagnole, avait indiqué à l’AFP qu’un avion « civil » appartenant à l’« État » algérien, provenant d’Alger et avec Logroño (nord) pour destination, était entré mardi dans l’espace aérien espagnol et avait fait demi-tour sur « ordre des contrôleurs aériens militaires ». L’avion devait, selon le site El Confidencial, récupérer le leader du Polisario.

Le gouvernement espagnol, par la voix du ministère des Affaires étrangères, avait annoncé mardi que « [Brahim Ghali] a[vait] prévu de quitter l’Espagne ce soir à bord d’un avion civil depuis l’aéroport de Pampelune », sans préciser la destination de l’appareil mais en indiquant avoir prévenu les autorités marocaines. Selon Madrid, Ghali « avait les papiers à son nom avec lesquels il [était] entré en Espagne ».

Cette annonce intervenait quelques heures après l’audition de Brahim Ghali par la justice espagnole dans le cadre de deux plaintes le visant pour « tortures » et « génocide ». La décision du juge Santiago Pedraz de ne pas prendre de mesure coercitive à son encontre a ouvert la voie à son départ.

Des sources sahraouies, citées par El País, ont indiqué que Ghali achèverait son rétablissement du COVID-19 en Algérie.

Le chef du Polisario était arrivé le 18 avril en Espagne, dans le plus grand secret, à bord d’un avion médicalisé de la présidence algérienne et muni d’un « passeport diplomatique », selon le quotidien El País. Il avait ensuite été admis dans un état critique à l’hôpital de Logroño.

Sa présence en Espagne a déclenché une crise diplomatique majeure entre Madrid et Rabat avec pour point culminant l’arrivée, mi-mai, de près de 10 000 migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta, à la faveur d’un relâchement des contrôles par les autorités marocaines.

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Le départ de Ghali risque de raviver ces tensions alors que le Maroc a mis en garde, il y a quelques jours, contre un « pourrissement » de la crise s’il était permis au chef du Polisario « de rentrer chez lui ».

Selon le site d’information El Español, Rabat aurait qualifié le départ de Ghali de « ridicule » et étudierait « la rupture [des relations diplomatiques] avec l’Espagne et le renvoi de l’ambassadeur espagnol ».

Selon El País, « les Affaires étrangères [espagnoles] ne s’attendent pas à ce que, après le départ de Ghali, il y ait un retour rapide de l’ambassadrice du Maroc à Madrid, Karima Benyaich ».

« Il sera très difficile pour le chef de la diplomatie espagnole de rétablir les relations avec les autorités marocaines, qui soutiennent que le problème sous-jacent est ‘’une question de confiance brisée’’ », analyse le quotidien.

Imbroglio judiciaire

Brahim Ghali a été entendu mardi en visioconférence depuis l’hôpital de Logroño par un juge du haut tribunal madrilène de l’Audience nationale car il est visé par deux plaintes en Espagne.

La plus récente, pour « arrestation illégale, tortures et crimes contre l’humanité », a été déposée en 2020 par Fadel Breika, dissident du Front Polisario naturalisé espagnol, qui affirme avoir été victime de « tortures » dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, en Algérie.

L’autre avait été déposée en 2007 par l’Association sahraouie pour la défense des droits de l’homme (ASADEDH) pour « génocide », « assassinat », « terrorisme », « tortures » ou « disparitions », qui auraient été commis là encore dans les camps de Tindouf, d’après cette organisation basée en Espagne.

Des accusations « totalement fausses » et résultant d’un « objectif totalement politique », a affirmé l’avocat du chef du Polisario, Manuel Olle, à la sortie de l’audition, en suggérant à demi-mot que Rabat pourrait être derrière ces plaintes.

« Les tortures sont confirmées par des milliers de témoins », a rétorqué l’avocate de Fadel Breika, Maria José Malagon Ruiz del Valle, balayant le caractère « politique » du dossier.

À l’issue de l’audition, le juge a rejeté la demande des plaignants, qui réclamaient la confiscation du passeport de Brahim Ghali et sa détention provisoire. 

Il a justifié sa décision en estimant que « le rapport de l’accusation n’a[vait] pas apporté d’indices » prouvant que le chef du Polisario était « responsable d’un délit ».

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