Tawakkol Karman face à des critiques venant du Golfe en raison de son nouveau poste chez Facebook
La lauréate yéménite du prix Nobel de la paix Tawakkol Karman est devenue la cible de critiques provenant de comptes et de sites d’informations favorables à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis après sa nomination au conseil de surveillance de Facebook, pour l’instant composé de vingt membres.
En 2018, le PDG de Facebook Mark Zuckerberg qualifiait ce panel de « cour suprême » du réseau social. Son rôle est de surveiller toute forme de harcèlement et de discours de haine, ainsi que les images et contenus trompeurs sur la plateforme.
« Je suis heureuse de rejoindre le Conseil de surveillance global du contenu Facebook et Instagram. Grâce aux plateformes de réseaux sociaux, le monopole des gouvernements sur les médias et l’information n’est plus possible » a écrit Tawakkol Karman sur Facebook.
Le conseil, qui regroupe des personnalités de 27 nationalités parlant 29 langues, aurait pour objectif de fournir un espace sûr pour les utilisateurs et gérer les critiques grandissantes contre le réseau social.
Cependant, Tawakkol Karman, qui a reçu le prix Nobel en 2011 pour son rôle dans le Printemps arabe, est depuis sa nomination la cible d’une campagne de dénigrement en ligne. Ses détracteurs l’accusent d’avoir des « opinions radicales » et d’être liée aux Frères musulmans pour avoir été membre de leur branche yéménite, le parti al-Islah.
« Je fais l’objet d’un harcèlement généralisé et d’une campagne de dénigrement par les médias de l’Arabie saoudite et de ses alliés », a écrit la jeune femme dans un tweet lundi.
« Ce qui m’importe le plus aujourd’hui est d’être à l’abri de la scie utilisée pour découper le corps de Jamal Khashoggi en morceaux », a-t-elle ajouté, en référence au journaliste et critique saoudien brutalement assassiné en 2018.
Traduction : « La campagne de dénigrement en cours contre @TawakkolKarman après sa nomination au conseil de surveillance de @Facebook est choquante. Les campagnes de dénigrement sont des outils violents pour détruire les gens. J’espère que Tawakkol la surmontera, même si son tweet nous prévient d’un danger futur #Yémen. »
Outre les articles critiques de la part de sites d’informations pro-Arabie saoudite et pro-Émirats, de nombreux comptes sur les réseaux sociaux ont exprimé leur opposition à sa nomination, arguant que cela signifierait que Facebook était devenu un outil pour promouvoir le « plaidoyer idéologique et l’activité extrémiste des Frères musulmans ».
Traduction : « #Facebook_No_Tawakkol_Karman À l’intention des personnes concernées, nous sommes inscrits sur les réseaux sociaux, sur Facebook et Instagram, nous nous opposons vivement à votre choix de #tawakkolkarman en tant que membre du conseil de surveillance car elle n’est pas indépendante et elle a des tendances partisanes et des affiliations idéologiques extrémistes. »
Traduction : « #Tawakkol_Karman diffuse la haine entre les peuples et utilise les médias pour déstabiliser les pays arabes. Par ailleurs, elle soutient des pays et des organisations impliquées dans le terrorisme. Facebook ne fait plus preuve de principes moraux et de liberté d’expression avec l’arrivée de #Karman. »
Traduction : « J’ai supprimé l’application Facebook, à cause de Tawakkol Karman, je n’en ai plus besoin, elle n’est pas crédible #حذف_الفيسبوك_بسبب_توكل_كرمان. »
Les Frères musulmans, confrérie fondée en 1928 en Égypte en tant que mouvement religieux, social et politique, sont considérés comme une organisation terroriste par l’Arabie saoudite et plusieurs États alliés, pays dans lesquels ses membres sont incarcérés et – particulièrement en Égypte – meurent en détention ou ont été tués.
Aux États-Unis, l’inclusion de la confrérie sur la liste du terrorisme a également été débattue.
Protestant contre la nomination de Tawakkol Karman, des internautes ont appelé les gens à désactiver leur compte Facebook pour envoyer un « avertissement » indiquant que son orientation politique supposée était fondamentalement incohérente avec les politiques de Facebook.
John Talaat, membre de la commission des communications du Parlement égyptien, a appelé les députés à travers la région à entreprendre des actions contre cette nomination, la qualifiant de « farce » et de « provocation ».
« Ce que je publie sur les réseaux sociaux et que je visionne sur les réseaux sociaux montre mes propres opinions et ne représente pas l’opinion de Facebook », a clarifié Tawakkol Karman sur Facebook.
En 2011, après avoir remporté le prix Nobel de la paix – la première femme arabe et yéménite à le recevoir –, un communiqué publié par les « Frères musulmans l’identifiant comme membre des Frères musulmans yéménites » avait suscité des critiques généralisées et des spéculations concernant son affiliation au groupe.
Karman a été membre d’al-Islah jusqu’en 2008, date à laquelle elle a été suspendue pour ses critiques du rôle de la coalition dirigée par les Saoudiens dans la guerre au Yémen.
L’année dernière, elle est apparue dans le top 100 des femmes de l’année du magazine Time pour son travail consistant à amplifier les voix des femmes dans la région et en tant qu’« élément clé dans la lutte pour les droits des femmes et pour la démocratie et la paix au Yémen ».
La nomination de Karman au sein du groupe de surveillance a néanmoins été saluée par certains comme une avancée positive pour la région dans son ensemble.
Traduction : « Toutes mes sincères félicitations à la lauréate du prix Nobel Tawakkol Karman de la part de nous tous au Yémen pour être l’une des plus importantes membres du conseil de surveillance de Facebook. »
Traduction : « Les campagnes yéménite et arabe bénissent la confiance de l’administration de Facebook qui a choisi Tawakkol Karman pour le conseil des sages de Facebook, c’est l’expression de leur joie et leurs félicitations et leur bénédiction. Merci @Facebook #i_support_tawakkol_karman. @ZuckerbergMemes @TawakkolKarman. »
Traduction : « Nous, la jeunesse éduquée arabe, étendons nos sincères remerciements à Facebook et Instagram pour avoir choisi Mme Tawakkol Karman au sein de la commission administrative sur les contenus et nous tenons à dire à Facebook et Instagram que c’était un bon choix #noussoutenonstawakkol. »
L’année dernière, Facebook a découvert que des individus liés aux autorités saoudiennes et à des sociétés de marketing en Égypte et aux Émirats arabes unis utilisaient ces plateformes pour diffuser leur propagande via de faux comptes visant le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. En conséquence, plus de 350 comptes et pages ont été supprimés.
Facebook, Twitter et YouTube sont devenus d’importants outils au Moyen-Orient et en Afrique du Nord pour diffuser des messages politiques cachés, tandis que de nombreux gouvernements dans la région ont réprimé la dissidence en ligne.
Facebook a déclaré l’année dernière son intention de mettre à jour sa politique sur la « lutte contre la haine et l’extrémisme » après avoir été critiqué à plusieurs reprises pour ses échecs à mettre en place une surveillance des contenus efficace et à endiguer la propagation de la désinformation sur ses plateformes.
Outre Tawakkol Karman, le panel du géant des réseaux sociaux accueille également l’ancienne Première ministre danoise Helle Thorning-Schmidt et l’ancien rédacteur en chef du Guardian Alan Rusbridger.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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