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Colère en Tunisie contre « l’ingérence » de Washington

Autorités et ONG tunisiennes ont dénoncé une « ingérence » de la part de Washington à la suite des critiques américaines envers le processus politique mené par Kais Saied
 Kais Saied a déclaré à son ministre des Affaires étrangères que « la souveraineté de la Tunisie et son indépendance sont au-dessus de tout » (AFP/Anis Mili)
Kais Saied a déclaré à son ministre des Affaires étrangères que « la souveraineté de la Tunisie et son indépendance sont au-dessus de tout » (AFP/Anis Mili)
Par MEE

Plusieurs ONG et acteurs politiques tunisiens ont appelé le président Kais Saied à refuser la nomination du nouvel ambassadeur américain Joey R. Hood sur fond d’accusation d’« ingérence » américaine et d’appel à la normalisation avec Israël.

La Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) a déclaré dans un communiqué : « Les membres de la LTDH ont appelé le président de la République, Kais Saied, à ne pas approuver la nomination du nouvel ambassadeur considérant que [ses] déclarations poussent vers la normalisation avec l’entité sioniste ».

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Devant la commission du Sénat américain, fin juillet, le futur ambassadeur Joey R. Hood avait exposé ses priorités pour sa mission en Tunisie, évoquant la normalisation avec Israël.

« La normalisation des relations avec Israël, notamment par le biais des accords historiques d’Abraham, a conduit à une plus grande paix et sécurité dans la région et approfondi les possibilités d’expansion économique et de la productivité. Je soutiendrai de nouveaux efforts pour normaliser les relations diplomatiques et économiques avec l’État d’Israël dans la région », a indiqué Joey R. Hood.

La LTDH – comme l’ordre des avocats tunisiens ou encore le parti du Baas – a dénoncé d’autres parties du discours de Joey R. Hood devant la commission sénatoriale à Washington, les qualifiant d’« ingérence ».

« Les Tunisiens sont aux prises avec [des] défis économiques, ils ont connu une érosion alarmante des normes démocratiques et des libertés fondamentales au cours de l’année écoulée, qui ont hypothéqué de nombreux acquis durement réalisés depuis qu’ils ont renversé un dictateur en 2011 », a-t-il résumé.

« Les actions du président Kais Saied au cours de l’année écoulée pour suspendre la gouvernance démocratique [par la prise de pouvoir du 25 juillet 2021] et consolider le pouvoir exécutif ont soulevé de sérieuses questions », a-t-il ajouté.

Indignations officielles

Samedi 30 juillet, des militants et des membres de la LTDH ont manifesté devant l’ambassade américaine à Tunis pour protester contre « l’ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Tunisie ».  

Vendredi 29 juillet, la chargée d’affaires américaine, Natasha Franceschi, a été convoquée par la diplomatie tunisienne qui a dénoncé « une ingérence » et des déclarations « inacceptables » de responsables américains ayant critiqué cette semaine le référendum sur la Constitution organisé lundi et l’évolution politique du pays.

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Natasha Franceschi, qui fait office de principale responsable de l’ambassade, a dû se rendre au siège du ministère des Affaires étrangères après le communiqué du secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Anthony Blinken, sur le processus politique en Tunisie, et après les déclarations de l’ambassadeur américain désigné en Tunisie.

Le ministre Othman Jerandi a dénoncé dans le communiqué « une ingérence inacceptable dans les affaires nationales intérieures », et exprimé « la stupéfaction tunisienne après ces déclarations et le communiqué [d’Anthony Blinken]qui ne reflètent pas du tout la réalité de la situation en Tunisie ».

Quelques heures auparavant, le ministre Jerandi avait rencontré le président Kais Saied, qui lui avait exprimé son « rejet de toute forme d’interférence dans les affaires internes du pays », soulignant que « la souveraineté de la Tunisie et son indépendance sont au-dessus de tout ».

Le chef de l’État tunisien faisait allusion à une série de déclarations provenant surtout des États-Unis critiquant le processus ayant abouti à un référendum sur une nouvelle Constitution, approuvée lundi dernier par près de 95 % des votants mais avec une très faible participation de 30,5 %.

Le message de Blinken

Dès mardi, le porte-parole du département d’État Ned Price faisait état d’« inquiétudes » américaines au sujet de « la nouvelle Constitution [qui] inclut des mécanismes de contrepoids affaiblis, qui pourraient compromettre la protection des droits humains et des libertés fondamentales ».

Traduction : « Les États-Unis continueront d’utiliser tous les outils à leur disposition pour aider le peuple tunisien à forger un gouvernement démocratique et responsable qui établit les freins et contrepoids essentiels à la santé de toutes les démocraties. »

Jeudi, une nouvelle déclaration du secrétaire d’État Anthony Blinken a fini d’agacer Tunis.

Sur son compte Twitter, il a affirmé soutenir « fortement les aspirations démocratiques du peuple tunisien », soulignant qu’un « processus de réforme inclusif et transparent est crucial pour restaurer la confiance des millions de Tunisiens, tant ceux qui n’ont pas participé au référendum que ceux qui se sont opposés à la nouvelle Constitution ».

Les États-Unis sont de plus en plus critiques vis-à-vis de Kais Saied, qui s’est emparé de tous les pouvoirs le 25 juillet 2021 au prétexte que le pays était ingouvernable.

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