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« Nous vous vaincrons » : le message d’un leader de gauche au président tunisien

Des échauffourées ont eu lieu samedi entre la police et une centaine de manifestants qui protestaient à Tunis contre un référendum prévu en juillet par Kais Saied, un an après son coup de force qualifié de « coup d’État » par l’opposition
« La police a utilisé des gaz lacrymogènes contre nous et nous a attaqués », a déclaré le chef du Parti des travailleurs Hamma Hammami (AFP/Fethi Belaid)
« La police a utilisé des gaz lacrymogènes contre nous et nous a attaqués », a déclaré le chef du Parti des travailleurs Hamma Hammami (AFP/Fethi Belaid)

Le chef du parti des Travailleurs en Tunisie, Hamma Hammami, a lancé un avertissement au président Kais Saied et au ministre de l’Intérieur Taoufik Charfeddine lors d’une conférence de presse pour « dénoncer les violences policières » au cours de la manifestation qui s’est tenue le même jour à Tunis.

« Nous vous vaincrons », a-t-il prévenu en estimant que le comportement des forces de l’ordre « dénudent le vrai visage de Kais Saied ». « La police a utilisé des gaz lacrymogènes contre nous et nous a attaqués », a-t-il précisé.

La police a bloqué les manifestants qui tentaient d’atteindre le siège de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), dont le président a été nommé par Kais Saied lui-même. Selon les opposants, cette mesure a pour but d’étendre son contrôle sur les institutions de l’État.

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Depuis le 25 juillet 2021, le chef de l’État, assurant agir dans l’intérêt de la Tunisie face aux blocages politico-économiques, concentre tous les pouvoirs et dirige le pays par décrets-lois, faisant craindre une dérive autocratique dans le berceau du Printemps arabe.

Dans une feuille de route censée sortir le pays de la crise, Kais Saied a prévu un référendum sur des amendements constitutionnels le 25 juillet, avant des législatives le 17 décembre.

Aucune ébauche de la nouvelle Constitution, qui sera soumise à la population sous la forme d’un simple vote oui/non, n’a cependant été publiée.

Certains participants à la manifestation organisée par cinq petits partis ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Commission du président = Commission de la fraude ».

Magistrats révoqués

L’Association des magistrats tunisiens a annoncé samedi une grève nationale d’une semaine à partir de lundi, renouvelable, dans « tous les tribunaux » du pays, deux jours après la révocation par le président Kais Saied de 57 magistrat.

Kais Saied avait publié, mercredi, un décret-loi portant révocation unilatérale de 57 magistrats sur fond d’accusations qui leur ont été adressées dont « l’obstruction au déroulement de l’instruction, l’entrave à l’exercice de la justice en lien avec des affaires de terrorisme, la corruption financière, et l’outrage aux mœurs ».

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Dans un communiqué, les magistrats ont « fermement condamné l’ingérence permanente du président dans le pouvoir judiciaire ». Ils l’accusent de s’octroyer le pouvoir de les révoquer « sans le moindre recours » possible, « violant le droit le plus basique à se défendre, garanti dans la Constitution ».

Samedi marquait aussi le début du « dialogue national » organisé par le président pour élaborer la nouvelle Constitution. Il est boycotté par l’opposition, dont la puissante organisation syndicale UGTT, qui estime que des acteurs clés de la société civile et les partis politiques en sont exclus.

Les opposants au président l’accusent de mener le pays vers l’autocratie et de vouloir mettre en place une instance électorale docile avant le référendum et les législatives.

Les opposants au président l’accusent de mener le pays vers l’autocratie et de vouloir mettre en place une instance électorale docile avant le référendum et les législatives

Le 22 avril, Kais Saied s’est arrogé le pouvoir de nommer trois des sept membres de l’ISIE, dont le président. Le 9 mai, il a nommé Farouk Bouasker, ancien membre de l’ISIE, président de cette instance en remplacement de Nabil Baffoun, qui avait critiqué le coup de force de juillet 2021.

De nombreux Tunisiens soutiennent cependant ses actions contre un système qui, selon eux, n’a guère amélioré leur qualité de vie au cours de la décennie qui a suivi la révolte de 2011 ayant renversé le dictateur Zine el-Abidine Ben Ali.

Au-delà de la crise politique, la Tunisie est en proie à de graves difficultés économiques, dont une inflation galopante et un chômage très élevé. Surendetté, le pays tente d’obtenir un nouveau prêt du Fonds monétaire international (FMI) d’au moins quatre milliards de dollars.

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