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Tunisie : l’International Crisis Group appelle à réformer des mesures antiterroristes « contre-productives »

Les mesures répressives risquent de « renforcer la crise de confiance des citoyens envers les institutions » et d’alimenter
une nouvelle flambée de violences, avertit l'ICG
Les forces de sécurité tunisiennes stationnées près de l’arrêt de bus où un homme s’est fait exploser aux premières heures du 3 juillet 2019 (AFP)
Par MEE

Certaines mesures antiterroristes en Tunisie sont abusives et doivent être réformées au moment où le « jihadisme décline » dans le pays, estime le centre de réflexion International Crisis Group (ICG), avertissant du risque qu’elles nourrissent un regain de violences.

Dans son rapport « Déclin du jihadisme en Tunisie ? », publié mardi, le chercheur Michael Ayari de l’ICG souligne que « le pays n’est pas menacé par un mouvement jihadiste armé de masse ».

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La Tunisie a connu, après la révolution de 2011, l’essor d’une mouvance extrémiste violente se revendiquant de l’islam, ayant culminé avec une série d’attentats meurtriers en 2015.

Plusieurs milliers de Tunisiens ont combattu auprès de groupes tels que l’État islamique (EI) en Irak, Syrie ou Libye entre 2011 et 2016, et des Tunisiens ont commis quatre attentats en France et en Allemagne en 2016 et 2021.

Mais depuis l’échec en 2016 d’une attaque de l’EI à la frontière libyenne, la situation s’est nettement améliorée, malgré des attentats ponctuels contre les forces de l’ordre.

L’ICG, s’appuyant sur des sources sécuritaires, souligne que les deux principaux groupes radicaux armés, Okba Ibn Nafaa, affilié à al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et Jund el Khilafa, proche de l’EI, ont perdu deux tiers de leurs effectifs depuis 2016 et ne comptent plus qu’une soixantaine de membres.

Environ 200 Tunisiens combattraient actuellement au Moyen Orient, et une centaine au Sahel, au sein de ce type de groupes.

Ces mouvements ont toutefois perdu de leur influence auprès de la jeunesse, qui ne les considère plus comme un remède « anti-système », selon l’ICG.

Mais les mesures répressives risquent de « renforcer la crise de confiance des citoyens envers les institutions » et d’alimenter une nouvelle flambée de violences, avertit l'ICG.

Les trois quarts des 2 200 personnes détenues pour « terrorisme » doivent « quitter les prisons tunisiennes au cours des trois années à venir », après avoir connu des conditions de détention « propices à la récidive ».

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Le contrôle administratif imposé à plusieurs dizaines de milliers de Tunisiens hors de prison, peu encadré et très contraignant, réduit également les perspectives de réinsertion et « pourrait conduire certains, qui estiment le subir injustement, à se rapprocher des groupes jihadistes ».

Estimant que le recul du « jihadisme » est davantage lié à sa déroute régionale qu’à la répression, l’ICG appelle Tunis à « atténuer la rigueur contre-productive des mesures sécuritaires et renforcer les mesures de prévention de la violence jihadiste ».

L’ICG suggère de réformer un arsenal judiciaire propice aux abus : réduire la garde à vue, améliorer le respect des droits dans les procès, accompagner les détenus vers une réinsertion et réformer la loi sur l’état d’urgence.

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