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Vogue supprime – et remet – le mot « Palestine » d’une publication Instagram reprenant les propos de Gigi Hadid

Après avoir salué une promesse de la célèbre top model de faire don de ses revenus aux populations en Ukraine et en Palestine, en omettant toutefois de mentionner cette dernière, le magazine s’est rattrapé. Mais le déluge des critiques est déjà tombé
Gigi Hadid a posté dimanche une déclaration dans laquelle elle s’engage à faire don de l’intégralité de ses revenus issus de ses défilés d’automne pour venir en aide aux populations en Ukraine et en Palestine (AFP)
Gigi Hadid a posté dimanche une déclaration dans laquelle elle s’engage à faire don de l’intégralité de ses revenus issus de ses défilés d’automne pour venir en aide aux populations en Ukraine et en Palestine (AFP)

« Nous avons mis à jour cette légende pour refléter avec précision la déclaration de Gigi Hadid sur son don » : après avoir été la cible de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux, le magazine Vogue a actualisé sa publication Instagram.

Si les internautes se sont mis en colère, c’est parce que Vogue n’avait pas repris fidèlement les propos de la top model américaine d’origine néerlando-palestinienne, Gigi Hadid.

Cette dernière avait fait part de son intention de faire don de ses revenus issus de ses défilés Automne 2022 « pour aider ceux qui souffrent de la guerre en Ukraine et continuer de soutenir ceux qui vivent la même chose en Palestine ». 

Vogue avait salué cette décision mais avait… supprimé le mot « Palestine ».

Le magazine avait ensuite tenté de rattraper les choses avec une autre publication Instagram citant presque mot pour mot le texte de la mannequin : « Aujourd’hui, Gigi Hadid a annoncé qu’elle ferait don de l’ensemble de ses gains issus du mois de la mode aux efforts humanitaires en Ukraine et s’est engagée ‘’à continuer de soutenir ceux qui vivent la même chose en Palestine’’. » 

« Cancel culture » 

Cette publication a suscité des critiques selon lesquelles le magazine « attis[ait] les flammes de l’antisémitisme ».

StopAntisemitism.org a notamment répondu : « Pendant que Gigi Hadid et sa bande s’approprient l’invasion russe de l’Ukraine pour servir leur programme politique de condamnation d’Israël, la nation juive négocie au contraire la paix entre les deux nations. » 

Le lendemain, les internautes ont eu la surprise de constater que les passages de la déclaration initiale de Gigi Hadid mentionnant la Palestine avaient été supprimés de la légende de la photo, mais aussi qu’une story Instagram reprenant la fin de sa publication, « PAS TOUCHE À L’UKRAINE.« PAS TOUCHE À LA PALESTINE. PAIX. PAIX. PAIX », avait subi le même sort.

Des personnalités et des internautes ont immédiatement critiqué Vogue pour sa duplicité et « son implication dans le racisme contre les Palestiniens et dans l’effacement de leur patrie, de leur culture, de leur histoire et de leur patrimoine ». 

Traduction : « Donc Gigi Hadid s’engage à faire don de ses revenus des défilés Automne 2022 aux efforts humanitaires pour les Ukrainiens sous occupation *et* les Palestiniens sous occupation, puis le magazine Vogue efface les Palestiniens de sa publication Instagram sur sa promesse ? »

Traduction : « Donc Gigi Hadid a annoncé qu’elle allait donner de l’argent à l’Ukraine et à la Palestine. Vogue a fait une publication à ce sujet et l’a modifiée peu après en retirant le mot “Palestine”. C’est de l’effacement. Et si cela arrive à Gigi, imaginez ce qui arrive aux autres. »

Traduction : « Encore un autre exemple confirmant que la cancel culture et la censure peuvent être couramment observées dans les discussions des médias sur la Palestine – dans ce cas, c’est le mot même qui a été retiré par Vogue. Ils n’ont honte de rien. »

L’activiste palestinien Mohammed el-Kurd a dénoncé la publication : « Un média grand public a littéralement effacé des faits d’une information parce que cela ne plaisait pas aux sionistes. Voilà pour l’intégrité et l’éthique journalistiques », a-t-il déclaré. 

La sœur de Gigi Hadid, Alana Hadid, a également commenté la publication modifiée par Vogue : « Oh, vous avez supprimé la Palestine. Elle apporte son soutien dans la crise en Ukraine mais aussi en Palestine », a-t-elle souligné, avant de faire part de sa déception quant à la manière dont la publication a été « dépouillée de son caractère factuel par l’intimidation ». 

Un internaute a attiré l’attention sur le côté « honteux » de l’entreprise de « dissimulation » de l’apartheid à laquelle Vogue a participé. « Les vies palestiniennes comptent aussi, même si elles n’apparaissent pas sur vos pages et vos couvertures », a-t-il ajouté. 

Traduction : « L’effacement est une constante. Les Palestiniens sous occupation n’ont pas à imaginer ce que vivent les Ukrainiens ; ils doivent simplement imaginer ce que c’est que d’être vus et entendus. Honte à Vogue. »

Un autre a relevé l’ironie que constitue le fait de reprendre la publication Instagram de Gigi Hadid pour « générer du trafic et des vues », puis de la modifier « parce que des guerriers du clavier israéliens ont été chargés de vous traiter d’antisémite ». « Israël fait des heures supplémentaires depuis la publication du rapport d’Amnesty », a-t-il souligné.

Amnesty International a récemment publié un rapport historique indiquant que la discrimination exercée par Israël à l’encontre des Palestiniens équivalait à une pratique d’apartheid, à la suite de rapports similaires rédigés par d’autres groupes de défense des droits de l’homme. 

L’omission de la Palestine dans la légende de la publication de Vogue fait suite à l’attention accrue portée par les activistes et les détracteurs à la couverture médiatique biaisée et raciste du conflit ukrainien, qui démontre selon eux que certaines vies sont jugées plus précieuses que d’autres. 

Middle East Eye a contacté Gigi Hadid et Vogue pour recueillir des commentaires, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.

Outre les propos de Bella Hadid sur le manque de réaction aux conflits dans le monde musulman, la récente controverse suscitée par Vogue renvoie l’impression que la politique de deux poids, deux mesures reflétée par la couverture des conflits en Europe et au Moyen-Orient est désormais flagrante.  

Traduction : « Vogue semble croire que l’occupation est une mauvaise chose uniquement lorsqu’elle est russe. Et que le soutien aux victimes de la guerre est une bonne chose uniquement lorsque cela se passe en Europe. »

Traduction : « Soit on rapporte les faits dans leur intégralité, soit on ne les rapporte pas du tout : le fait d’effacer l’héritage palestinien de Gigi et sa solidarité avec les Palestiniens est exactement la raison pour laquelle certains conflits reçoivent plus d’attention et d’empathie que d’autres. »

Ce n’est pas la première fois que la famille Hadid fait l’objet d’une censure en ligne pour ses opinions sur la Palestine. 

En 2020, Bella Hadid a interpellé Instagram pour avoir supprimé une de ses publications, dans laquelle elle partageait une photo du passeport de son père en mettant en évidence la section indiquant son lieu de naissance, où l’on pouvait lire « Palestine ». Elle a ensuite déclaré : « Vous ne pouvez pas effacer l’histoire en faisant taire les gens. Cela ne fonctionne pas comme ça. »

Elle s’est également exprimée précédemment sur la politique de deux poids, deux mesures entourant la question palestinienne.

Dans une story Instagram, elle a affirmé : « On ne peut pas défendre l’égalité raciale, les droits de la communauté LGBT[QI+] et des femmes, condamner les régimes corrompus et violents ainsi que d’autres injustices tout en choisissant d’ignorer l’oppression des Palestiniens. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation et actualisé.

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