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Chirac et l’Algérie : une histoire complexe

Sous-lieutenant puis haut fonctionnaire à Alger lors de la « guerre d’Algérie », Chirac a tenté, en vain, de réconcilier les deux pays une fois président.
Jacques Chirac, aux côtés de son épouse Bernadette et du président algérien Abdelaziz Bouteflika, salue la foule, le 4 mars 2003 à Oran, lors de sa visite d’État en Algérie (AFP)
Par MEE à ALGER, Algérie

Quand Jacques Chirac, alors président, visite Alger en 2001, il est le premier chef d’État français à se rendre en Algérie depuis treize ans. Mais il atterrit en fait sur une terre qui ne lui est pas inconnue. 

En 1947, alors qu’il n’était, à 15 ans, qu’un mousse sur un navire de marine marchande, Chirac découvre Alger et sa Casbah

En 1947, alors qu’il n’était, à 15 ans, qu’un mousse sur un navire de marine marchande, jeune marin qui pour s’opposer aux dessins de ses parents choisit l’aventure, il découvre Alger et sa Casbah lors d’une brève escale. 

À 23 ans, en 1956 , c’est un autre bateau qui le ramène en Algérie : le sous-lieutenant Chirac du sixième Régiment de chasseurs d’Afrique (RCA, cavalerie) débarque du Sidi-Bel-Abbès pour rejoindre les renforts militaires en pleine « guerre d’Algérie » après une traversée Marseille-Oran. 

« Pour moi, l’Algérie a été la période la plus passionnante de mon existence. Pendant de longs mois, j’ai eu une vie passionnante et enthousiasmante, mais détachée de tous les éléments qui pouvaient alimenter une réflexion politique. Si bien que pour moi, le problème algérien se situait dans un contexte très particulier », déclare-t-il à Paris Match en 1978. 

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Ce passage est cité par l’enquête menée par deux journalistes du quotidien Le Monde, « Chirac l’Algérien », partis sur les traces du sous-lieutenant d’alors, dans les environs de Souk Larbaa, dans l’ouest algérien, où le sixième RCA était stationné.

« Lorsqu’il est libéré [du service militaire], le 3 juin 1957, le sous-lieutenant Chirac est franchement Algérie française », expliquent les auteurs de cette enquête. 

L’énarque Chirac reviendra en Algérie en 1959 dans le cadre du « renfort administratif » comme chef de cabinet du directeur général de l’agriculture et des forêts en Algérie. « Le jeune haut fonctionnaire est l’un des plus ‘’Algérie française’’ de la promo », relève encore l’enquête du Monde.

Sa première fille, Laurence, est née à Alger où le couple Chirac s’installe jusqu’en 1960. Lors de la « semaine des barricades », début 1960, lorsque des ultras de l’Algérie française organisent une insurrection à Alger contre Charles de Gaulle, contestant ses choix sur l’Algérie, Chirac, sans le manifester directement en tant que haut fonctionnaire, appuiera les insurgés « de cœur ». 

Quand il passe par Alger en 2001, il tient à visiter Bab El Oued, quartier populaire d’Alger ravagé par de terrible inondations qui feront près d’un millier de morts.

« Un mauvais clin d’œil à l’histoire »

« Le jeune âge de Jacques Chirac, au moment des événements, n’aurait pas dû le dispenser de poursuivre le travail d’introspection que doit mener l’État français sur son action en Algérie », écrit alors un éditorialiste algérois. 

https://www.facebook.com/ahmed.tazir/videos/10157564688394776/

« En évoquant le ‘’Bab El Oued cher au cœur de beaucoup de Français’’, le président Chirac a fait un mauvais clin d’œil à l’histoire. »

https://twitter.com/Amar_Baguitta/status/1177228379659091968

« Le Bab El Oued colonial est resté dans la mémoire d’Alger, comme le dernier bastion de ‘’l’Algérie française’’, le quartier général de l’OAS, le quartier de l’insurrection sanglante du 23 mars 1962 contre les accords d’Évian », précise-t-il.

Un traité d’amitié mort-né

En mars 2003, Chirac revient en Algérie pour une visite d’État, auréolé de sa position contre la guerre en Irak. L’accueil des Algérois est inédit, grandiose, reconnaissant pour cette position française. 

https://twitter.com/Waleadeur/status/1177163220202729472

Chirac tente, avec l’ex-président Bouteflika, de signer un traité d’amitié qui n’aboutira finalement pas.

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Lors de cette visite, le président français veut mobiliser les symboles : il restitue aux autorités algériennes le sceau du dey d’Alger remis aux envahisseurs français en 1830, et serre la main d’anciens maquisards algériens en leur disant : ‘’Ceux qui ont fait la guerre sont ceux qui peuvent faire la paix’’ ». 

« Le principal obstacle viendra de l’acte de repentance que le gouvernement algérien nous demande »

- Jacques Chirac

Ce fameux traité d’amitié ne sera portant pas signé entre les deux pays, « le président algérien paraissant reculer au cours de l’année qui suit », écrit Chirac dans ses mémoires.  

« Le principal obstacle viendra de l’acte de repentance que le gouvernement algérien nous demande, quelques mois plus tard, de faire figurer dans le préambule, acte par lequel la France exprimerait ses regrets pour ‘’les torts portés à l’Algérie durant la période coloniale’’ », poursuit l’ancien président français. 

Mais le couple franco-algérien n’en finira pas de connaître des frictions. 

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En 2005, le Parlement français adopte une loi « portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». 

L’article 4, parlant du « rôle positif de la colonisation » déclenche la colère côté sud de la Méditerranée.

D’Alger, Bouteflika qualifie cette loi de « cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme ».

Le président algérien déclare également : « Comment un Parlement peut-il glorifier une présence coloniale coupable de massacres contre tout un peuple et prétendre que cette présence a rendu service aux peuples colonisés ? ».

Chirac fait abroger l’article de loi contestée onze mois plus tard, espérant relancer son projet de traité d’amitié. En vain. « L’amitié franco-algérienne se passerait donc de traité », écrira Chirac dans ses mémoires.

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