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Cinq choses à savoir sur le salon du livre d’Alger

Jusqu’au 10 novembre, plus d’un million et demi de personnes sont attendues au 23e Salon international du livre d’Alger, un des événements culturels les plus importants du pays

Cette année, le règlement intérieur du SILA a été modifié pour fermer le salon aux importateurs et ainsi limiter les ouvrages à caractère religieux (MEE)

La plus grande librairie d’Algérie 

À l’entrée de la foire des expositions, qui accueille les salons en tous genres (agriculture, artisanat, médicament…) depuis les années 1970, à l’est d’Alger, d’interminables files de voitures bloquent la circulation. Des familles entières font le voyage depuis l’intérieur du pays, certains Algériens ayant même posé des congés pour pouvoir se rendre dans la capitale. Avec 1,7 million de visiteurs (chiffres de 2017), le Salon international du livre d’Alger (SILA) est un des plus importants de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Cette année, selon le commissariat du salon, 47 pays sont représentés à travers plus de 1 000 exposants, dont 971 maisons d’édition, et 300 000 titres.

Mais cet engouement cache un grand malaise : si les Algériens viennent en masse acheter des ouvrages au moment du SILA, c’est aussi et surtout parce qu’il existe très peu de librairies et que le livre est très mal diffusé. « Nous sommes heureux de voir tout ce monde acheter des livres et rencontrer des auteurs, mais le souci, c’est qu’on ne peut pas les orienter vers le libraire de leur région ou de leur ville », regrette Azzedine Guerfi, directeur d’une des plus importantes maisons d’édition, Chihab, à la radio algérienne. Certains éditeurs plaident d’ailleurs pour la création d’autres grands salons ou foires du livre dans d’autres villes du pays.

Pour les professionnels du secteur, le SILA sert aussi de baromètre, car comme le rappelle Sofiane Hadjadj, des éditions Barzakh, le reste de l’année, la politique du livre est « totalement illisible ». « La bibliothèque nationale, qui enregistre chaque livre qui paraît, ne donne pas de statistiques. On ne sait pas ce qui se passe au Centre national du livre. On n’a pas de retour sur ce qui est produit, qui lit, comment on lit, quels sont les besoins ? On n’a pas de visibilité. »

Un prix Nobel chinois à Alger 

Cette année, la Chine, puissance économique mais aussi culturelle, est le pays invité d’honneur. « La Chine a été le premier pays à avoir reconnu, en 1958, le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Comme nous fêtons le 60e anniversaire de la création du GPRA, nous avons choisi la Chine. La relation entre les deux pays est excellente dans tous les domaines », a déclaré à la presse le commissaire du SILA Hamidou Messaoudi. 

Un stand important expose la production éditoriale de la République populaire de Chine, notamment des ouvrages en arabe. Plusieurs écrivains chinois ont aussi été invités : le prix Nobel de littérature Mo Yan, auteur de Beaux seins, belles fessesa été décoré par le Premier ministre Ahmed Ouyahia de la médaille de l’Ordre du mérite. Mais encastrée dans le protocole officiel, la participation chinoise n’a pas été l’occasion d’échanges entre intellectuels des deux pays.  

https://www.youtube.com/watch?v=Wmg1Zkx_xFQ

Ahmed Ouyahia honore le prix Nobel Mo Yan 

Moins de livres religieux 

Alors qu’il y a quelques années, des milliers d’ouvrages à caractère religieux s’amoncelaient à même le sol – les importateurs profitaient des taxes préférentielles appliquées par les douanes à l’occasion du SILA pour inonder le salon – ils ont aujourd’hui, pour la plupart, disparu. Car le règlement intérieur du salon a été modifié, exigeant la qualité de diffuseur ou d’éditeur pour exposer. 

« Mais les courants extrémistes n’ont plus besoin de distiller leurs idées par les livres, internet est là », relève un visiteur. « De nombreuses associations ou mosquées en profitent aussi pour faire des achats groupés de livres d’exégèse ou de Corans, les prix sont souvent imbattables », explique un libraire. L’importation des livres religieux, ainsi que des livres traitant de la guerre d’indépendance, sont soumis à une stricte réglementation.     

« Il n’est pas possible que les titres qui font l’apologie du fondamentalisme, du terrorisme, du crime, soient tolérés », souligne Mohamed Iguerb, commissaire adjoint du SILA, à la radio, qui se défend : « Il n’y a aucune interdiction, juste des réserves. » 

Ouvrages saisis

Mardi 30 octobre, le stand des éditions algériennes Koukou a reçu la visite de la commission de lecture du ministère de la Culture pour saisir deux ouvrages : Les derniers jours de Muhammad. Enquête sur la mort mystérieuse du Prophète, de Hela Ouardi, et Démoctature, des événements d’octobre 88 au quatrième mandat de Mokrane Aït Larbi.

L’éditeur a refusé la procédure en déclarant que seule une décision de justice pouvait ordonner une saisie de livres, l’article 44 de la Constitution prévoyant que « la mise sous séquestre de toute publication, enregistrement ou tout autre moyen de communication et d’information ne peut se faire qu’en vertu d’un mandat judiciaire ».

Par ailleurs, une maison d’édition iranienne, Ahl al-Bayt, a vu son stand fermé par les autorités le 31 octobre. Ses ouvrages religieux ont été signalés par des pages Facebook salafistes algériennes et soupçonnés de prôner un « chiisme radical ».  

Daoud, Khadra et Boudjedra superstars

Pour le public, le SILA est aussi l’occasion de croiser des personnalités comme le critique littéraire égyptien Jaber Asfour, l’historien français Gilles Manceron, le réalisateur Costa Gavras et les auteurs algériens devenus des stars internationales, à l’instar de Yasmina Khadra, venu pour dédicacer Khalil (aux éditions Casbah en Algérie, Julliard en France).

Kamel Daoud a signé son essai Le peintre dévorant la femme (édition Barzakh en Algérie, chez Stock en France).

Rachid Boudjedra a présenté Zounat attarikh (édition Frantz Fanon), traduction en arabe de son pamphlet sorti l’année dernière, Les contrebandiers de l’histoire, où il accuse la plupart des intellectuels et écrivains algériens (dont Khadra et Daoud) d’être des « vassaux » de la France… Kamel Daoud, qu’il a accusé d’avoir été membre du Groupe islamique armé (GIA), l’a attaqué en justice

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