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Tunisie-Israël : polémique autour d’un match de tennis

Le ministère tunisien des Affaires étrangères a dénoncé la participation de l’équipe tunisienne de tennis à la Fed Cup 2020 qui l’a mise en face d’adversaires israéliens
La championne tunisienne de tennis Ons Jabeur (AFP)

La participation de l’équipe nationale féminine de tennis aux éliminatoires de la Fed Cup 2020, que le tirage au sort a décidé d’opposer à l’équipe israélienne le 5 février, a divisé les Tunisiens. 

Connue pour son historique soutien à la cause palestinienne, la Tunisie, selon un communiqué publié par le ministère des Affaires étrangères, « refuse toutes formes de relations avec l’entité sioniste même s’il s’agit de rencontres sportives ». 

Cette participation est « une atteinte aux engagements historiques indéfectibles de la Tunisie en faveur de la juste cause palestinienne et contraire à la position officielle de l’État tunisien qui soutient et appuie le peuple palestinien frère pour l’édification de son État indépendant sur son territoire limité aux frontières de juin 1967 avec al-Qods-Est comme capitale », a rappelé Tunis.

« Les sanctions peuvent aller jusqu’à la radiation de la fédération locale de la fédération internationale »

- Abdelbeki ben Messaoud, analyste sportif

La Fed Cup est un tournoi mondial de tennis féminin disputé par des équipes nationales : seize pays s’affrontent en qualifications en février pour obtenir leur place pour la phase finale qui se joue en avril.

Le tirage au sort du groupe 2 de la zone Europe-Afrique effectué lundi 3 février à Helsinki (Finlande) a appelé la Tunisie à jouer contre Israël, la Moldavie et la Géorgie.

Le jour même, après que l’équipe tunisienne s’est rendue à Helsinki et a confirmé sa participation au tournoi, la Fédération tunisienne de tennis (FTT) a envoyé au ministère de la Jeunesse et des Sports et au Comité national olympique une correspondance annonçant le résultat du tirage au sort et demandant aux responsables de prendre la décision adéquate quant à la confrontation de l’équipe tunisienne à l’équipe israélienne, tout en mettant en garde contre les lourdes conséquences d’un éventuel retrait de cette compétition.

« Les sanctions peuvent aller jusqu’à la radiation de la fédération locale de la fédération internationale, d’où la suspension des joueurs des tournois du grand chelem », explique à Middle East Eye l’analyste sportif Abdelbeki ben Messaoud.

Une suspension d’un an

Le ministère des Sports s’est dit « étonné de la demande de la fédération, étant donné que la sélection tunisienne a déjà confirmé sa participation au tournoi ». Les Affaires étrangères auraient même demandé à l’ambassadeur tunisien en Finlande de se rendre à l’hôtel où est hébergée l'équipe nationale pour prier la FTT de se retirer.

En 2013, la Fédération internationale de tennis (ITF) avait suspendu la Tunisie d’un an de compétition en Coupe Davis pour avoir interdit au tennisman Malek Jaziri d’affronter un joueur israélien.

En effet, le texte constitutif de l’ITF stipule que « ses membres ne doivent se livrer à aucune discrimination basée sur la couleur, la race, la nationalité, l’origine ethnique ou nationale, l’âge, le sexe ou la religion ».

« Il y a une absence de vision claire et un manque de coordination entre toutes les parties en Tunisie », se désole l’analyste sportif. « La Fédération tunisienne de tennis aurait pu être plus claire et aurait dû annoncer sa participation dès le début, tout en mettant l’accent sur la position du pays, ou annoncer son retrait et attendre des sanctions. »

https://www.facebook.com/adel.dh.9/posts/10220510155000250

Traduction : « En Tunisie, on a une municipalité qui refuse la décision d’un ministère, et une fédération de tennis qui s’oppose à la décision de deux ministères. »

La sélection tunisienne – composée de Ons Jabeur, Chiraz Bicheur, Ferdaous Bahri, Mouna Bouzgarrou et leur entraîneur Issam Jalleli – a fini par jouer tous les matchs, y compris celui contre Israël.

Elles ont battu la Moldavie (3-0) lors de la première journée, éliminé Israël (2-1) la deuxième journée, avant de s’incliner devant la Géorgie (1-2).

« La loi de toutes les instances internationales sportives interdit l’interférence de la politique dans le sport. L’exécutif n’a aucune autorité sur les organismes sportifs », commente Abdelbeki ben Messaoud.

https://www.facebook.com/nsiniorino1/posts/2689488754453868

Traduction : « Ons Jabeur l’emporte sur son adveraire de l’entité sioniste par deux sets à zéro, 6/4 et 6/0. Vive la Tunisie. »

Dans les médias et sur les réseaux sociaux, la situation a entraîné, la semaine dernière, de nombreux débats entre ceux qui étaient favorables et les opposants au choix de la sélection tunisienne.

Le champion olympique de natation Oussama Mellouli a estimé que le conflit palestino-israélien n’avait pas de place dans le sport.

Le député La Réforme nationale Hsouna Nasfi, quant à lui, a qualifié le communiqué du ministère des Affaires étrangères de « populiste ».

« C’est une interférence entre la politique et le sport. La Tunisie est membre de la fédération internationale et va payer le prix cher suite à ce communiqué », a-t-il ajouté.

En janvier, la Tunisienne Ons Jabeur a été reçue en héroïne à l’aéroport Tunis-Carthage après son exploit à l’Open de tennis d’Australie. Âgée de 25 ans, Ons Jabeur est la première joueuse du monde arabe à avoir atteint les quarts de finale d’un grand chelem.

Depuis, elle s’est hissée dans le classement WTA des meilleures joueuses, passant de la 78e à la 45e place mondiale.

Cette polémique n’est pas la première de ce genre en Tunisie. En janvier, le président de la République, Kais Saied, avait ordonné l’ouverture d’une enquête auprès de la Fédération tunisienne de tennis après la participation d’Aaron Cohen, un joueur israélien, à un tournoi international junior à Tunis.

« Encore une fois, la fédération ne s’est pas coordonnée avec les autorités. Le joueur, qui a une double nationalité, est entré en Tunisie avec un passeport français et joue avec une licence israélienne », relève Abdelbeki ben Messaoud.

Kais Saied avait considéré, lors d’un débat télévisé qui l’opposait à son rival Nabil Karoui, que la normalisation avec Israël revenait à de la haute trahison.

« En Tunisie, il n’y a aucune loi qui interdit de jouer contre Israël », affirme l’analyste sportif. 

Pour ne rien arranger, la photo de la présidente de la Fédération tunisienne de tennis, Salma Mouelhi, avec son homologue israélien, publiée par Tunisian Campaign for the Academic and Culturel boycott of Israel (TABCI) et devenue virale sur les réseaux sociaux, en a agacé plus d’un.

« Cette photo est inutile. Il n’y aucune loi qui l’oblige à se prendre en photo avec ses homologues », estime Abdelbeki ben Messaoud. « C’est cette photo qui a mis encore plus les Tunisiens en colère, plus que la confrontation avec des joueuses israéliennes. »

https://www.facebook.com/AlChabbiIssam/posts/189446972422008

Traduction : « Quatre Palestiniens tombés en martyrs en un seul jour, tués par les balles de l’occupation, et nos médias saluent la victoire de Ons Jabeur contre une joueuse israélienne. Et Salma Mouelhi ne se montre pas intimidée par l’enquête qu’a ouverte le président de la République, elle se prend en photo avec ''son collègue'' et fait les unes des journaux sionistes tout en défiant les sentiments et valeurs des Tunisiens envers la cause palestinienne. L’enquête doit être urgente et décisive, et doit coïncider avec la promulgation d’une loi qui emprisonne tous ceux qui collaborent avec l’entité violeuse. »

Pour l’anecodte, le secrétaire général du parti Al-Joumhouri (centriste-progressiste), Issam Chebbi, qui demande une loi pour mettre en prison tous ceux qui collaborent avec l’entité sioniste, avait déjà appelé, dans une lettre ouverte, le président de la République à interpvenir dans l’affaire du joueur israélien qui participait à un tournoi à Tunis. 

Depuis le retour de la délégation de tennis samedi à Tunis, MEE a tenté de joindre Salma Mouelhi, sans succès.

Ce lundi, Mehrez Boussayen, président du Comité national olympique tunisien, a assuré sur radio Shems FM : « On est là pour défendre nos joueurs afin qu’ils hissent le drapeau tunisien dans toutes les compétitions internationales. Depuis 1957, la Tunisie est sous la tutelle du Comité olympique international dont la charte olympique régit la communauté sportive. La Tunisie est connue pour ses positions en faveur de la cause palestinienne. Laissez le sport jouer son rôle pour la paix, et les politiques jouer le leur. »

Plusieurs partis ont répondu par un communiqué pour condamner « la normalisation avec l’ennemi sioniste » et appeler, entre autres, à « faire pression » sur l’assemblée pour l’adoption d’une loi qui criminaliserait cette normalisation.

 

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