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Un média saoudien appelle à l’ouverture d’une ambassade israélienne à Riyad

Établir des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et Israël, inviter MBS à la Knesset et abandonner la question palestinienne au profit de la confrontation contre Téhéran et Ankara : telles seraient les clés de la paix selon un éditorialiste saoudien
Le roi d'Arabie saoudite Salmane ben Abdelaziz al-Saoud (AFP)
Par MEE

« Nous serions très contents de voir une ambassade israélienne à Riyad et une ambassade saoudienne dans la capitale israélienne, Jérusalem-Ouest. » Signe de l’air du temps, dans une tribune parue le 5 juillet dans Al-Khaleeg, média en ligne saoudien, intitulée « Oui à une ambassade israélienne à Riyad », l’éditorialiste saoudien Dahame al-Anzi montre combien la normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et Israël n’est plus un sujet tabou. 

Traduction : « ‘’ La paix mettra fin aux surenchères nationalistes et dévoilera les mensonges des groupes extrémistes et des mouvements islamiques criminels qui pratiquent le terrorisme sous couvert de défense de la cause palestinienne ‘’. C’est ce qu’a écrit l’auteur saoudien Dahame al-Anzi. Nous lui répondons qu’Israël tend sa main pour la paix à tous les pays de la région ». Compte twitter en arabe du ministère israélien des Affaires étrangères.

« Je pense que les sages en Israël saisissent l’importance de l’Arabie saoudite et le fait que le royaume soit un acteur décisif dans l’équation des affaires du Moyen-Orient », défend-il. « Israël est un État membre des Nations unies, reconnu par une majorité des pays du monde, y compris les cinq membres du Conseil de sécurité. Notre intérêt est d’accepter une relation normalisée avec Israël. C’est un pays très influent dans ce monde. On peut même dire qu’Israël contrôle le processus de décision dans plusieurs grands pays. »

Des manifestants se préparent à mettre le feu à des banderoles où sont représentés Donald Trump et Mohammed ben Salmane, dans la bande de Gaza, le 13 avril 2018 (AFP)

Pour Azzam Tamimi, universitaire et activiste politique palestino-britannique, ce rapprochement entre ces deux pays autrefois ennemis est le résultat des changements dans la région. 

« Tout d’abord, les Saoudiens, premiers responsables – avec les Émirats arabes unis – du déraillement de la tentative de démocratisation du monde arabe, jubilent du succès de leur contre-révolution à rétablir l’ordre, tel qu’ils le définissent et le promeuvent – ordre qui leur garantit l’emprise sur le pouvoir et le monopole des ressources », écrit-il dans Middle East Eye.

« Nous avons besoin d’alliés comme Israël pour affronter le véritable ennemi, le projet perse et le projet ottoman dans la région » 

- Dahame al-Anzi, éditorialiste saoudien

« Suite à la défaite du Printemps arabe et à l’effondrement du soi-disant camp de la résistance – coalition qui, avant le Printemps arabe, comprenait l’Iran, la Syrie, le Hezbollah, le Hamas, le djihad islamique et d’autres factions de l’OLP – les Palestiniens ont été ‘’lâchés’’ au milieu d’une crise sans précédent et les factions de leur mouvement de libération, le Hamas en particulier, ont désormais du mal à exister », poursuit-il. 

C’est alors qu’arriva Donald Trump, dont l’entrée à la Maison-Blanche marqua le début d’une nouvelle ère dans la politique américaine, promesse d’une approche différente du Moyen-Orient. « Faire de la politique comme on fait des affaires, voilà qui semble convenir aux familles royales arabes de la région du Golfe, ainsi qu’aux chefs militaires égyptiens », relève-t-il encore. 

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L’éditorialiste saoudien, qui se verrait d’ailleurs très bien ambassadeur à Jérusalem, justifie cette normalisation par la nécessité de lutter contre « l’ennemi commun, l’Iran ». 

« Nous avons besoin d’alliés comme Israël pour affronter le véritable ennemi, le projet perse et le projet ottoman dans la région », écrit-il.  

« Il y a une grande différence entre une lutte existentielle contre l’Iran et les Ottomans et un simple conflit de frontières avec Israël. Le danger du projet perse qui contrôle jusqu’à aujourd’hui quatre capitales arabes et qui œuvre à faire tomber les autres capitales nous pousse à réaménager nos priorités. En tant que musulmans, nous n’avons aucun problème avec les juifs, ni avec le judaïsme. En tant que Saoudiens, nous n’avons aucun souci avec le peuple juif, comme avec les autres peuples. Je me souviens quand j’habitais à Washington, je rencontrais de nombreux juifs israéliens qui m’appelaient ‘’le cousin’’. Ce sont vraiment nos cousins. Ils sont plus proches des Arabes que le Perse ou le Turc. »

Pour Mohammed ben Salmane, la question palestinienne n'est pas prioritaire pour son pays (AFP)

Un front allant de l’Iran aux côtes méditerranéennes du Liban, contrôlé par des forces qu’Israël a toujours décrites comme des ennemis sataniques (Iran, Hebzollah, Syrie) représente pour Israël une terrible menace.

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« L’Iran est l’ennemi à la fois d’Israël et de l’Arabie saoudite. Conformément à l’ancien adage selon lequel ‘’l’ennemi de mon ennemi est mon ami’’, les deux pays ont accru leurs contacts réciproques, bien que la plupart se fassent dans le secret et le plus discrètement possible »,souligne Yossi Melman, commentateur spécialiste de la sécurité et du renseignement israéliens,dans MEE.

L’éditorialiste saoudien salue l’invitation du député israélien Yossi Yona faite à Mohammed ben Salmane de visiter Israël et prononcer un discours devant la Knesset

« Nous et Israéliens, sommes dans la même tranchée concernant la lutte contre le terrorisme, fabriqué et financé par l’Iran et ses agents dans la région. Nous sommes aussi dans la même tranchée avec Israël pour dénoncer le projet ottoman colonialiste et le mensonge du prétendu califat [ottoman] », insiste l’éditorialiste pour qui la normalisation avec Israël par ailleurs passer par l’application du plan Abdallah (Abdallah II, roi de Jordanie). 

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Adopté au sommet de la Ligue arabe de 2002 à Beyrouth, ce plan prévoyait la normalisation des relations d’Israël avec tous les pays arabes en échange d’un retrait des territoires occupés par Israël depuis 1967 – notamment le plateau du Golan – de la création d’un État palestinien avec Jérusalem-Ouest pour capitale et un règlement « équitable et agréé » de la question des réfugiés palestiniens. À l’époque, ce plan avait été rejeté par Israël. 

« Il faudrait une solution à la question palestinienne. Elle a dérangé tout le monde durant de longues décennies et a offert des prétextes aux terroristes du monde entier », préconise l’éditorialiste. 

Des gardes-frontières israéliens arrêtent un jeune Palestinien, lors d’une manifestation devant la porte des Lions, l’une des entrées principales du complexe de la mosquée al-Aqsa, le 17 juillet 2017 (AFP)

En mars dernier, Mohammed ben Salmane avait déclaré dans un entretien accordé en au magazine américain The Atlantic que « les Palestiniens et les Israéliens ont le droit de vivre sur leurs propres terres » tout en reconnaissant aussi à Israël « le droit de vivre sur son territoire ». 

« Fais-le Netanyahou, si tu veux la paix. Ben Salmane ne te décevra pas »  

- Dahame al-Anzi, éditorialiste saoudien

Dans sa tribune, l’éditorialiste salue également l’invitation du député israélien Yossi Yona faite au prince héritier Mohammed ben Salmane de visiter Israël et prononcer un discours devant la Knesset. « Je ne pense pas qu’un faiseur de paix comme Ben Salmane hésiterait un instant s’il était convaincu qu’il y avait un véritable désir de paix du côté israélien. » 

Il conclut d’ailleurs en incitant le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à en formuler officiellement la demande : « Fais-le Netanyahou, si tu veux la paix. Ben Salmane ne te décevra pas ».

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