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Pourquoi j'aime Yasser Arafat : lettre d'amour d’une Égyptienne à l'anniversaire de sa mort

Malgré son héritage controversé, la politique palestinienne, avec toutes ses divisions et désunions actuelles, n'a jamais été la même depuis son décès

Ce jour-là, il y a douze ans, j'ai pleuré. J'ai pleuré un homme, j'ai pleuré son célèbre uniforme militaire, j'ai pleuré le keffieh palestinien.

L'homme qui avait donné vie à la cause palestinienne, sous ses formes et résistance, l'homme qui avait rendu la cause palestinienne internationale, Yasser Arafat était mort.

Il y a douze ans, je me demandais : Arafat étant mort, la cause palestinienne va-t-elle mourir elle aussi ?

« Je suis venu tenant d'une main un rameau d'olivier et de l'autre un fusil de combattant de la liberté. Ne laissez pas le rameau d'olivier tomber de ma main », avait-il déclaré devant l'Assemblée générale des Nations unies en 1974.

Ces paroles résonnent encore dans mon oreille – des mots de résistance et de clarté, prononcés sans hésitation sur une scène internationale.

Avec ce discours, Arafat était devenu le premier dirigeant d'une organisation non gouvernementale à prendre la parole lors d’une session plénière de l'ONU, et le premier à le faire en portant un étui de pistolet (qui était vide).

Tournant

Souvent, lorsque les chapitres de l'Histoire se forment, leurs pages sont remplies de nombreux événements et d'individus dont les noms sont lus mais ne résonnent pas en vous. Parfois cependant, l'Histoire produit des individus dont la présence et le poids dans leur époque continuent à briller au-delà du passé et à venir façonner l'avenir.

Pour moi, tel est le cas d'Arafat, l'un des personnages clés de l'Histoire.

« Prenez quelque chose et demandez plus » - Yasser Arafat

Bien sûr, pour beaucoup, il est un individu controversé, et les opinions sur son héritage sont à juste titre divisées.

« Prenez quelque chose et demandez plus » – c'était la réponse d'Arafat lorsqu’on le critiquait pour avoir accepté de nombreuses concessions au nom des Palestiniens et avoir reçu très peu en retour dans le cadre des Accords d'Oslo.

Les Palestiniens et ceux qui avaient à cœur la Palestine se sont sentis, et se sentent encore, frustrés et déçus par le rôle qu'il a joué.

Arafat arrive à Jéricho, en Cisjordanie, après 27 ans d'exil, en juillet 1994 (AFP)

Bien sûr, la connaissance du présent sera toujours un avantage injuste appartenant à l'Histoire. Si l'on observe la Palestine aujourd’hui, on comprend pourquoi beaucoup posent les racines de certains problèmes actuels dans la politique d'Arafat, et je ne cherche pas à justifier ces échecs.

Je vois plutôt l'existence d'Arafat comme un tournant essentiel dans la résistance de la cause palestinienne et dans le développement d'un mouvement national palestinien, dont on doit lui attribuer le mérite.

En fait, quand je me suis demandé il y a douze ans si la cause palestinienne était morte avec Arafat, je savais grâce à lui que la réponse était non, bien sûr.

Comment la réponse pouvait-elle être oui quand on sait comment Arafat parlait du peuple palestinien ?

Le peuple palestinien était invincible, imbattable et – surtout – il était là pour rester. Ainsi qu’Arafat l’a toujours rappelé aux Palestiniens et à nous, la révolution palestinienne serait couronnée de succès. La seule question était de savoir quand.

« Jusqu'à la victoire, jusqu'à la victoire, jusqu'à la victoire »

La conviction d'Arafat et son amour pour les Palestiniens vous faisaient aimer et souhaiter le meilleur pour les Palestiniens.

Même aujourd'hui, une grande partie de la passion que je vois chez mes enfants est, je le sais, enracinée dans le mouvement qu'Arafat a fondé. Sa passion m'a inspirée et les a inspirés, et continuera d’inspirer beaucoup d’autres encore. Ses paroles et ses discours, sa passion et son charisme, sa résistance et ses objectifs étaient inégalés et contagieux.

Beaucoup d'entre nous qui avons écouté ses paroles de son vivant s’en souviennent encore aujourd’hui : « C'est une révolution jusqu'à la victoire, jusqu'à la victoire, jusqu'à la victoire ».

Un portrait d'Arafat peint sur un mur du camp de réfugiés d'al-Shati à Gaza en 1993 (AFP)

Arafat est peut-être décédé il y a douze ans, mais avec tout ce qu'il a laissé derrière lui, la cause palestinienne vit toujours.

Je me souviens à quel point l'arène internationale et les médias étaient biaisés et injustes pendant les années 1970 et 1980. Ils étaient tellement focalisés sur Israël qu’ils parlaient à peine de la Palestine, de sa voix, de ses enfants et de sa révolution.

Mais quand Arafat a mentionné la branche d'olivier, et quand il a annoncé en Algérie l'établissement d'un État de Palestine, ses appels à la reconnaissance ne pouvaient être ignorés.

Notre région fatiguée

La politique palestinienne, avec toutes ses divisions et désunions actuelles, n'a jamais été la même depuis son décès. La politique en tant que zone de changement révolutionnaire a lentement disparu.

Arafat avait la capacité d'unir tous les Palestiniens.

Arafat avait la capacité d'unir tous les Palestiniens, ainsi que les dirigeants de la région environnante. Son charme et sa personnalité ont contribué à rassembler toutes les factions du spectre palestinien, unies et focalisées sur le but ultime : libérer la Palestine.

Dès lors, je ne peux m'empêcher de ressentir de la nostalgie pour les jours d'Arafat.

Alors que les crises humanitaires se multiplient dans la région et que les guerres et les famines sont devenues bien trop ordinaires, les jours où la Palestine était le centre des problèmes du Moyen-Orient sont plus lointains que jamais.

Des Égyptiens manifestant contre l’armée courent pour se protéger du gaz lacrymogène lors d’affrontements place Tahrir, le 19 novembre 2013, marquant l'anniversaire des manifestations en 2011 (AFP)

Cela ne veut pas dire qu'une seule lutte peut ou devrait être au centre de la scène pendant que d'autres attendent leur tour. Toutefois, on ne peut s'empêcher de ressentir une sensation de fatigue dans la région. La fatigue de toujours avoir à protester, de toujours avoir à faire preuve de solidarité et de toujours avoir à se battre pour que le monde se souvienne de nous. Je me demande presque comment faisait Arafat.

Douze ans après sa mort, Arafat peut être une source d’inspiration pour nous tous dans la région. Comme l'a écrit le poète palestinien Mahmoud Darwish : « Arafat inspirera toujours ceux qui luttent et se battent pour leurs droits dans le monde entier ».

- Azza Mostafa est une chercheuse, auteure et analyste indépendante spécialisée sur le Moyen-Orient et les relations internationales. Elle travaille depuis plus de 25 ans pour des consultants du Moyen-Orient et d’Occident sur la meilleure façon de lire et comprendre la région.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : Yasser Arafat, président de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), fait le signe de la victoire le 30 octobre 1974 à Rabat lors d'un sommet arabe durant lequel les dirigeants arabes ont reconnu l'OLP comme le « seul représentant légitime du peuple palestinien » (AFP).

Traduit de l’anglais (original).

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