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2019 : ce qui attend le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

Dans un contexte de fragilisation économique générale et alors que les systèmes autoritaires de la région semblent plus que jamais soutenus par les États-Unis et l’Europe, comment s’annonce 2019 ? Les auteurs de MEE en dessinent les contours
En 2019, les regards se tourneront notamment vers le nord de la Syrie où les Kurdes font face, depuis la décision de Trump de retirer les forces américaines, à un risque imminent d’intervention turque (AFP)
Par MEE

Quelle est la stratégie palestinienne ?

Des enfants jouent dans une décharge du camp de réfugiés de Khan Younis, dans la bande de Gaza, le 29 juillet 2018 (AFP)

par Tarek Hamoud

L’année 2018 a été marquée par une intensification des attaques contre la cause palestinienne, en particulier contre les réfugiés palestiniens. Le président américain Donald Trump a pris une série de décisions qui ont prouvé que les Palestiniens ne peuvent pas compter sur les États-Unis pour jouer le rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien.

En 2019, l’Autorité palestinienne sera confrontée à l’un des défis les plus importants depuis sa création. En effet, tous les moyens de parvenir à un accord viable ont été bloqués par le camp de l’extrême droite en Israël et par les États-Unis, qui sont déterminés à imposer un accord plutôt qu’à le négocier.

Cela soulève une question cruciale : quelle est la stratégie palestinienne dans ce cas ? Saeb Erekat, le négociateur en chef palestinien, n’a pas été en mesure de répondre à cette question lors d’un forum tenu récemment à Doha, démontrant ainsi que le véritable défi pour les Palestiniens en 2019 pourrait être la capacité limitée de l’Autorité palestinienne à générer une approche alternative pour la lutte du peuple palestinien.

À LIRE ► « Reléguer les réfugiés aux oubliettes » : pourquoi Israël veut tuer l’UNRWA

Les réfugiés palestiniens continueront de faire face à de nouvelles menaces en provenance de l’administration américaine et du gouvernement israélien, lesquels cherchent à supprimer définitivement le droit au retour de la table des négociations. Le peuple palestinien, qui ne doit pas perdre de vue ce qui est en jeu, ne cessera pas de se battre pour son droit au retour.

Tarek Hamoud est un analyste spécialisé sur le conflit israélo-palestinien. Il préside le Palestinian Return Centre, basé à Londres.

Une année charnière pour la Libye

Saïf al-Islam, porté par ses partisans, à Tripoli, en août 2011 (AFP)

par Akram Kharief

La Libye, qui fait face à une guerre civile depuis la révolution du 17 février 2011, connaîtra une année 2019 difficile en raison d’un contexte international compliqué et d’une ingérence d’acteurs étrangers majeurs ou marginaux à plusieurs niveaux.

S’il le scénario d’une intervention internationale est écarté, la communauté internationale continuera à fermer les yeux sur les deux mamelles qui alimentent la confusion dans le pays : la violation de l’embargo sur les importations d’armes et la gestion des pétrodollars.

Dans cette perspective, le schisme politique entre l’Est et l’Ouest prend tout son sens. Il y a en Libye, en plus de deux gouvernements, deux banques centrales et deux armées qui continuent à se procurer des armes grâce à des pays comme l’Arabie saoudite, les Émirats ou l’Égypte.

Tentée par l’envoi de troupes puis échaudée par les faibles résultats sur le terrain du maréchal Haftar, la Russie s’achemine vers une solution médiane, qui consiste à promouvoir la protection des champs pétroliers par ses sociétés militaires privées. 

L’idée serait acceptée par l’Italie dont les entreprises dominent le marché. L’échec du plan Macron de 2018 et la réussite en demi-teinte du sommet de Palerme en novembre, laissent entrevoir un processus plus lent de dialogue entre les différentes parties, ce qui pousser la hardiesse de Khalifa Haftar à tenter la conquête de Tripoli.

Reste à connaître le rôle que jouera Saïf al-Islam Kadhafi de plus en plus plébiscité par les Libyens mais totalement rejeté par la communauté internationale.

Akram Kharief est journaliste indépendant, spécialisé en défense et sécurité. Il anime le site d’informations menadefense.net sur la défense au Moyen-Orient et en Afrique du Nord depuis 2011.

Attaqué sur tous les fronts, l’islam politique est-il condamné en 2019 ?

Des partisans des Frères musulmans manifestent contre le coup d’État militaire en Égypte, en juillet 2013 au Caire (Anadolu)

par François Burgat

Non, bien sûr. En 2019, sous le masque de leur « lutte contre le terrorisme », les gouvernants répressifs et bellicistes, égyptiens, saoudiens, syriens ou émiratis, mais également israéliens et... palestiniens, continueront à distiller le poison de leur propagande et à recueillir le soutien quasi aveugle de leurs clients-partenaires et complices étrangers, occidentaux ou russes.

Je crois néanmoins que ces millions de citoyens du Maghreb, du Proche-Orient et de la péninsule arabique que l’on essaie de faire taire en les affublant du label criminalisant d’« islamistes » poursuivront, au prix de multiples persécutions, leur lente mais irrésistible affirmation politique.

Si j’ai la conviction que ceux-ci survivront aux épreuves en tous genres, je suis plus pessimiste face au repli « autiste » des sociétés occidentales. Par ignorance ou par aveuglement, elles s’interdisent de construire, ou même seulement de penser, une relation réaliste avec cette composante incontournable de leurs interlocuteurs du Sud.

François Burgat est politologue, spécialiste des courants islamistes, et directeur de recherches émérite au CNRS (IREMAM Aix-en-Provence).

2019 en Algérie : l’année de la grande attente et des embusqués 

Abdelaziz Bouteflika bouclera vingt ans à la tête de l’État en 2019 (AFP)

par Adlène Meddi

2019 marquera les vingt ans de règne du président Abdelaziz Bouteflika, arrivé au pouvoir en avril 1999 en remportant une présidentielle anticipée – sans candidats de poids en face –  suite à la démission du président Liamine Zeroual. C’est aussi, et surtout l’année d’une présidentielle incertaine : l’état de santé du chef de l’État et les appels au report ou à l’annulation des élections font craindre à l’opposition une prolongation ad vitam æternam du mandat présidentiel. 

Le respect des formes, obsession du système algérien, même a minima, ne pourrait plus être de mise. Paradoxe algérien : Bouteflika, intronisé par les décideurs civils et militaires pour clore la transition des années 1990, finira par provoquer un nouveau cycle d’instabilité institutionnelle et d’improvisation juridique dans le cas du scénario de la prolongation du mandat actuel. 

À LIRE ► Algérie : Bouteflika parle de « continuité » cinq mois avant la présidentielle de 2019

Sous la chape de plomb présidentielle, les challengers ou les successeurs se massent discrètement : toute une génération de technocrates sacrifiés depuis l’indépendance par les « pères » issus de la guerre de libération. Tous attendent en écoutant patiemment le tic-tac de l’horloge biologique qui rythment par son long égrenage des mois et des jours le semblant de vie politique nationale. Tic-tac tic-tac tic-tac …     

Adlène Meddi est journaliste et écrivain algérien. Il a co-écrit Jours Tranquilles à Alger (Riveneuve, 2016) avec Mélanie Matarese et signé trois thrillers politiques sur l’Algérie.

 

Assad, plus fort que jamais

Un manifestant brandit une pancarte avec le portrait du président syrien Bachar al-Assad, indiquant « Nous sommes tous avec vous », lors d’un rassemblement à l’occasion de la Journée mondiale d’al-Quds, à Berlin, le 3 août 2013 (AFP)

par Barah Mikaïl
 
En Syrie, la guerre entre dans sa huitième année, tandis que Bachar al-Assad se rapproche de ses vingt ans de présidence. À quoi doit-on s’attendre pour 2019 ? À un maintien à son poste du chef de l’État syrien, mais aussi à une relative perpétuation de la guerre – ou de ce qui en reste.

Les violences se concentrent maintenant au nord de la Syrie, où la Turquie traque ardemment les combattants kurdes (YPG) et, indirectement, leurs soutiens ; cette situation prendra difficilement fin en 2019.

Quelle que soit l’issue des combats en cours, l’ensemble des acteurs engagés, Turquie comprise, ne délaisseront pas le terrain de sitôt. Mais les convulsions syriennes ne devraient plus permettre aux horreurs connues le long de ces dernières années de se répéter avec la même intensité.

À LIRE ► Retrait des forces américaines en Syrie : une décision aux multiples conséquences

Assad gardera, lui, la main haute sur les perspectives. Les institutions syriennes se sont maintenues depuis 2011, elles n’ont aucune raison de crouler maintenant. Ni élections, ni démocratisation, ni réformes de fond ne sont à prévoir.

Mais cela ne laisse pas moins en suspens plusieurs questions de fond. La plus importante : le sort des réfugiés et des déplacés. Et, en filigrane, l’idée d’une « réconciliation nationale » qui paraît toujours aussi impossible.

Barah Mikaïl est directeur de Stractegia, centre dédié à la recherche sur la région MENA, et professeur de géopolitique et de sécurité internationale à l’Université Saint Louis – Campus de Madrid.

Pour un Maghreb des luttes

Des membres de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) assistent à l’ouverture du 23e congrès du syndicat à Tunis (AFP)

par Nedjib Sidi Moussa

En 2019, j’aimerais retrouver un Maghreb où artistes, intellectuels et révolutionnaires assument la critique de tous les pouvoirs et œuvrent à leur remise en cause. Et cela, sans céder au chantage inhibant d’une récupération par l’extrême droite européenne qui, par principe, recycle à tour de bras – comme s’il fallait oublier de combattre les fascistes partout où ils se trouvent.

J’aimerais revoir une Afrique du Nord où les partisans de l’émancipation tournent le dos au nationalisme postcolonial, à l’anti-impérialisme manichéen, à la tentation cléricale ou au conformisme patriarcal. Et cela, sans succomber au mirage du capitalisme néolibéral qui, malgré sa puissance de séduction chez les élites, ne signifie que misère chez les classes laborieuses.

J’aimerais rejoindre la rive sud de la Méditerranée porté par ce Désir libertaire qui animait des surréalistes exilés, en rappelant à des amis que le désarroi guette ces mots de Gustav Landauer : « Seul peut vaincre celui qui ne craint pas les défaites ».

Nedjib Sidi Moussa est docteur en science politique (Université Panthéon-Sorbonne) et auteur de La Fabrique du Musulman (Libertalia, 2017).

Quel rôle pour la Russie au Moyen-Orient en 2019 ?

Le président russe Vladimir Poutine et l'ambassadeur d'Arabie saoudite en Russie, Abdulrahman al-Rassi (AFP)

par Adlène Mohammedi

En apparence, la Russie est dans une position particulièrement confortable. Sa victoire en Syrie en fait à la fois une puissance incontournable et un partenaire fiable. Par ailleurs – et c’était loin d’être le cas au début du conflit syrien – elle entretient des relations cordiales avec à peu près tout le monde dans la région (à l’exception des groupes rebelles encore à l’œuvre en Syrie). Forts de leurs succès diplomatiques et militaires, les Russes veulent se présenter comme les grands garants de la logique stato-nationale et territoriale contre les ingérences et les réseaux transnationaux (à l’exception du leur). 

Dans ces conditions, l’année 2019 sera une année décisive. Ce sera, pour la Russie, l’occasion de tester son équilibrisme. Son rôle consistera à éviter le moindre nouveau débordement. Sa place de puissance tutélaire écoutée par tous dépend de sa capacité à ramener la paix au nord de la Syrie, à éviter la guerre au sud du Liban et à empêcher de nouveaux affrontements entre Iraniens et Israéliens. 

À LIRE ► La Russie et les monarchies du Golfe : une convergence inédite

Ce sera aussi l’année des médiations. La Russie veut contribuer à régler un certain nombre de conflits dans la région (et se positionne sur la question palestinienne amenée à ressurgir) : au Yémen, entre le Qatar et ses voisins, entre Libanais et Syriens et entre Syriens. Amorcée cette année, la question de la reconstruction politique de la Syrie se posera encore l’année prochaine avec une certaine acuité.

Adlene Mohammedi est docteur en géographie politique et spécialiste de la politique arabe de la Russie et des équilibres géopolitiques dans le monde arabe.

 

Une année d’épreuve pour la démocratie tunisienne

Si Béji Caïd Essebsi décide de ne pas se représenter, la Tunisie aura un nouveau président en 2019 (AFP)
par Max Gallien

Bien que la politique tunisienne ait été riche en événements au cours des dernières années, il y a un sentiment de continuité sous-jacente. Une grande coalition s’est mise en mode multitâches, entre querelles intestines incessantes et gestion du pays. 

Malgré le désenchantement croissant à l’égard des élites politiques du pays, les mouvements d’opposition se coordonnent principalement autour de questions uniques ou très localisées. La politique économique a largement suivi les exigences du FMI en matière de politique monétaire, mais elle a résisté à des réformes plus profondes.

De multiples canaux vont faire pression sur cet arrangement en 2019. Les efforts de réforme en cours sont probablement insuffisants pour empêcher les fondamentaux de l’économie tunisienne de se détériorer davantage, ce qui aggrave le mécontentement du public face au statu quo. Les élections présidentielle et législatives vont renforcer les forces centrifuges de la coalition au pouvoir et exacerber la détérioration constante du discours politique public. Tout cela offrira beaucoup d’espace aux forces populistes et autoritaires et mettra à l’épreuve les engagements démocratiques des élites politiques.

Cette année sera difficile : les amis de la Tunisie ne doivent pas faire preuve de complaisance et devront soutenir ses institutions démocratiques.

Max Gallien est doctorant en développement international à la London School of Economics, spécialisé dans l’économie politique de l’Afrique du Nord.

Kieran Cooke : « L’Irak, dans l’œil du changement climatique »

Hausse des températures, diminution des précipitations et conditions météorologiques de plus en plus imprévisibles : le changement climatique est bel et bien à l’œuvre au Moyen-Orient (Reuters)

par Kieran Cooke

C’est comme un bourdonnement de fond qui ne va pas disparaître.

Au milieu de tous les conflits, de la politique et des complots au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, il est facile d’oublier ou d’écarter les dangers du changement climatique.

Pourtant, le changement climatique est bel et bien à l’œuvre dans la région, avec la hausse des températures, la diminution des précipitations et des conditions météorologiques de plus en plus imprévisibles. Prenons, par exemple, le cas de l’Irak, un des pays du Moyen-Orient les plus exposés au réchauffement de la planète.

À LIRE ► Changement climatique : le déni ne sauvera pas le Moyen-Orient

Pendant l’été 2018, l’Irak a connu, de mémoire d’homme, sa pire sécheresse. Les agriculteurs, en particulier dans le sud du pays, ont vu leur bétail mourir de soif, les récoltes desséchées ont été détruites et les terres stérilisées par l’accumulation de sel.

Bagdad a interdit la culture du riz et du blé en raison du manque d’eau. Dans une région connue comme le berceau de la civilisation, des villages meurent. Des milliers d’agriculteurs migrent vers les villes, créant de nouvelles tensions sociales et économiques.

On ne peut pas tout accuser le changement climatique de tous les maux. En Irak, des années de conflit et de destruction, une mauvaise gestion chronique, une corruption endémique et des barrages sur les rivières turques et iraniennes aggravent la crise de l’eau.

Mais le changement climatique est réel et il se produit maintenant, en Irak et dans toute la région. Des mesures doivent être prises. Ce bourdonnement ne disparaît pas. Chaque jour qui passe, il devient en fait de plus en plus fort.

Kieran Cooke, ancien correspondant à l’étranger pour la BBC et le Financial Times, collabore toujoursavec la BBC et de nombreux autres journaux internationaux et radios.

Liban 2019 : des défis politiques et économiques

Des manifestants libanais demandent des réformes lors d’une manifestation inspirée par les protestations des Giles jaunes en France, le 23 décembre 2018 à Beyrouth (AFP)

par Paul Khalifeh

2019 sera sans doute le prolongement de la seconde moitié de 2018, marquée par une aggravation de la situation économique et un grippage politique, qui s’est traduit par les interminables tractations pour la formation du gouvernement, commencées en mai dernier.

Les économistes ne cachent plus leur pessimisme. La croissance est en berne, les investissements ont considérablement reculé, le chômage tourne autour de 25 %, la dette publique enfle, le déficit budgétaire se creuse. La plupart des indicateurs économiques virent au rouge et les sanctions économiques américaines contre le Hezbollah n’arrangent pas les choses.

La seule lueur d’espoir est la mise en œuvre des résolutions de la conférence des bailleurs de fonds CEDRE, qui s’est tenue en avril 2018 à Paris, et qui a promis 11,5 milliards de dollars de prêts. Mais pour cela, il faudrait d’abord un consensus politique au Liban, et le retard pris dans la formation du gouvernement n’est pas un bon signe.

Autre défi auquel le pays sera confronté, la poursuite du processus de retour des 1,2 million de réfugiés syriens, qui se déroule au compte-gouttes car il ne jouit pas du soutien de la communauté internationale.

Paul Khalifeh est un journaliste libanais, correspondant de la presse étrangère et enseignant dans les universités de Beyrouth.

Algérie : l’autoritarisme en roue libre

Échauffourées entre les forces de sécurité algériennes et des manifestants et leaders de l’opposition opposés à l’exploitation du gaz de schiste en Algérie, à Alger, le 24 février 2014 (AFP)

par Sarah Haidar

La condamnation récente de trois journalistes à un an et quatre mois de prison fermes, venant s’ajouter à une escalade dans la répression et l’autoritarisme touchant à tous les secteurs y compris culturel, n’augure rien de bon pour l’année 2019 en Algérie.

Il s’agit, selon toute vraisemblance, d’un verrouillage névrosé de l’espace public, qu’il soit physique ou virtuel, et de la mise en place d’un système de terreur dissuadant ou sévissant contre toute pensée critique, en prévision d’une année dont on ne sait justement pas grand-chose, si ce n’est qu’elle sera décisive pour le futur du pays. Ce dernier étant naturellement conditionné par celui du régime en place, la sidération l’emporte souvent sur la capacité d’analyse et d’anticipation.

Pris dans une incertitude inédite quant à sa propre survivance, le pouvoir donne l’image d’Épinal d’une créature mythologique blessée et devenant de ce fait plus féroce que jamais.

Paradoxalement, on en vient presqu’à regretter l’époque où les gouvernants étaient tellement sûrs de leur pouvoir qu’ils ne se souciaient guère des voix dissonantes et des opinions hostiles. Ce qu’on appelait, à tort ou à raison, la liberté d’expression en Algérie ! 

Sarah Haidar est une journaliste, chroniqueuse, écrivaine et traductrice algérienne.

Le Maghreb : les enjeux d’une stabilité fragile

Manifestation des pro-maréchal Haftar (AFP)

par Brahim Oumansour

Dans le contexte d’ébullitiongéopolitique actuelle, le Maghreb, au sens strict du terme (Algérie, Maroc, Tunisie), est considéré comme un pôle de stabilité, l’expérience algérienne dans la lutte antiterroriste s’ajoutantà la résistance d’Alger et de Rabat au vent des révoltes arabes de 2011.

Seule laTunisie s’en sort avec une transition démocratique, évitant la dérive du Printemps arabe. Pourtant,la stabilité apparente du Maghreb est menacée par des crises internes et régionales qui suscitent de l’inquiétude. 

L’ensemble des pays du Maghreb traversent une grave crise politique : absence de perspectives de succession aux présidents algérien, tunisien et mauritanien à la veille des élections de 2019 ; fragilisation du roi du Maroc par la maladie et des tensions politiques et sociales ;division de la Libye entre deux autorités politiques qui se disputent le pouvoir central sur fond de guerre civile. 

À LIRE ► Crise en Libye : des élections pourraient renforcer Haftar et isoler Paris

Ces crises politiques se conjuguent à une grandefragilité économique, risquant d’accentuer les tensions sociales et d’encourager la recrudescence de l’extrémisme violent, d’autant que la situation sécuritaire du Sahel menace également la stabilité du Maghreb. 

Brahim Oumansour est consultant en géopolitique et relations internationales. Ses recherches portent principalement sur la politique étrangère des États-Unis en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

Donald Trump et les despotes arabes : un destin lié

Le prince héritier d’Abou Dabi Mohammed ben Zayed, le président américain Donald Trump, le roi Salmane d’Arabie saoudite, le roi Abdallah II de Jordanie et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le 21 mai 2017 (AFP)

par David Hearst

En 2019, tout dépendra du destin du président américain Donald Trump lui-même. Lui et son cercle de despotes du Moyen-Orient sont désormais liés. Si l’on défait les liens, ce sera chacun pour soi. Alors que l’assassinat de Jamal Khashoggi a envoyé des ondes de choc à travers l’Égypte de Sissi, le déclin de Trump exposera chaque despote à la menace d’un coup d’État de palais.

Au Proche-Orient, 2019 sera l’année où Israël commencera à expulser les citoyens israéliens non juifs vers la Cisjordanie. Un projet de loi prévoyant l’expulsion des familles d’assaillants palestiniens vers la Cisjordanie vient d’être adopté en première lecture à la Knesset. Netanyahou a été libéré par Trump, qui lui a permis de retirer « de la table » Jérusalem-Est, le droit au retour et même les neuf dixièmes des réfugiés palestiniens en personne.

J’aimerais croire que le départ du secrétaire à la Défense Jim Mattis marquera le début de la fin de Trump et que l’assassinat brutal de Khashoggi sonnera le glas du prince héritier Mohammed ben Salmane, mais je ne suis pas ici pour me bercer d’illusions.

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Ce qui doit vraiment changer, c’est la politique en elle-même. Elle est devenue davantage une position par défaut. Le moment venu, tous les anciens maîtres coloniaux du monde arabe et Israël soutiennent le despote. Plus le despote se comporte mal, plus les gouvernements occidentaux tentent de sauver sa peau. Plus le despote sème le chaos, plus la peur de l’instabilité représentée par une alternative est grande. Nous ne pouvons pas continuer à hausser les épaules et tourner le dos, comme Barack Obama autrefois après le massacre de la place Rabia, au Caire.

L’Europe doit comprendre que le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane ou encore le président algérien Abdelaziz Bouteflika sont tout à fait capables d’envoyer des millions d’Arabes appauvris et désespérés vers le nord. Est-elle prête pour cela ?

L’État islamique n’est qu’un symptôme de la maladie de l’État arabe défaillant. La cause nous entoure. Tant que l’Occident n’aura pas compris que cette maladie ne peut être guérie que par des réformes politiques, la transparence et la démocratie, elle est condamnée à attendre la prochaine explosion. Et cette fois-ci, elle pourrait être retentissante.

David Hearst est le rédacteur en chef de Middle East Eye. Il était avant cela l’éditorialiste en chef de la rubrique Étranger du journal The Guardian.

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