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EN IMAGES : Mossoul, l’envers du décor

« Libération », « reconquête », « victoire ». Pour l’histoire, la bataille de Mossoul s’est bien terminée. Mais elle a eu un prix. Le photographe Martyn Aim raconte pour MEE l’autre face de la victoire
Les soldats des forces spéciales irakiennes lors d’une attaque au gaz dans le quartier de la vieille ville, occupée par le groupe État islamique (EI), alors que les combats continuent. Mossoul, le 8 juillet 2017 (Martyn Aim/MEE)

MOSSOUL, Irak – Presque neuf mois après le début de l’offensive des forces irakiennes pour reprendre Mossoul au groupe État islamique, la deuxième plus grande ville du pays a été officiellement « libérée » le 9 juillet.

Mais la reconquête du dernier grand bastion urbain de l’EI aux combattants d’Abou Bakr al-Baghdadi s’est faite au prix de milliers de morts et blessés, d'un immense exode de la population et d'énormes destructions.

Le photographe néo-zélandais Martyns Aims est aux côtés des forces irakiennes depuis le lancement de la bataille pour Mossoul, le 17 octobre 2016. Au plus près des combats, ses images racontent le désespoir d'une ville en ruines, la détresse des civils pris au piège entre l'EI et la guerre, ou encore la violence exacerbée par la chaleur et la poussière.

Mossoul en ruines apparaît à travers un trou dans un mur, utilisé par un sniper des forces irakiennes, à Adedat, un quartier de la vieille ville. Selon le Programme de l'ONU pour le développement en Irak, c'est à Mossoul-Ouest que les ravages sont les plus importants. Quasiment aucun immeuble n'est épargné par les dégâts dans la vieille ville, réputés autrefois pour son bazar, ses trésors archéologiques et ses anciennes mosquées et demeures. « Les niveaux de destruction que nous constatons sont les pires de tout l'Irak », a souligné la représentante Lise Grande. Les infrastructures et les services publics y ont été détruits à plus de 90 %, les propriétés privées à 70 %, selon le directeur de la municipalité, Abdel Sattar Habbo, qui évalue à plusieurs milliards de dollars le coût des destructions. Mossoul, le 22 juin 2017.

Son enfant serré contre elle, un simple sac sur le dos, une femme fuit le quartier de la vieille ville au milieu des combats, tout près, comme l’indique la fumée noire qui s’élève en arrière plan. Plus d'un million de personnes ont quitté Mossoul depuis le début des combats en octobre, et à la mi-juillet, plus de 825 000 n'ont toujours pas regagné leur foyer, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). En 2014, la ville comptait quelque deux millions d'habitants. Mossoul, le 2 juillet 2017.

Dernier témoin de ce que fut la mosquée al-Nouri, la coupole verte de l’édifice résiste au milieu des décombres. Le 21 juin, les combattants de l’EI ont fait exploser la célèbre mosquée médiévale et son minaret penché, al-Hadba, emblématiques de la vieille ville, où Abou Bakr al-Baghdadi s’était autoproclamé « calife » en 2014. Le 29 juin, l’armée irakienne s’emparera de ce qu’il en reste en déclarant : « L’État fictif est tombé ». La mosquée de la vieille ville de Mossoul était la dernière d’une longue liste de monuments historiques, un patrimoine dont la valeur n’a pas de prix, détruits par l’EI pendant les trois années où il a imposé sa loi en Irak et en Syrie. Mossoul, le 30 juin 2017.

Un soldat des forces spéciales irakiennes aide une famille à traverser les décombres et les carcasses de véhicules bombardés, en tenant un bébé dans ses bras. Avec la fin des combats et le retour à un semblant de calme dans les quartiers Ouest, pourtant ravagés par les frappes aériennes et les bombardements, certains habitants qui avaient fui, tentent de revenir dans la ville. Mais souvent, il ne trouve que désolation. En attendant les grands projets, les habitants se débrouillent comme ils peuvent : pour l'électricité, il y a les générateurs de quartier auxquels il faut s'abonner, et pour l'eau, les distributions des camions-citernes ou des ONG. Les organisations d'aide présentes à Mossoul ont distribué des kits de construction à près de 12 700 familles. Mossoul, le 2 juillet 2017.

Un char de l’armée irakienne avance pour combattre l’EI, retranché dans un quartier de la vieille ville. Les forces irakiennes – soit plus de 100 000 hommes entre armée, police, forces kurdes et forces tribales – ont été formées par les États-Unis qui voulaient limiter leur implication sur le terrain. Mais elles ont subi de lourdes pertes. Selon le vice-président irakien, Nouri al-Maliki, il y aurait près de 200 000 tués et blessés dans les rangs des forces armées et policières. Mossoul, le 10 juillet.

Les soldats des forces irakiennes manifestent leur joie d’avoir fait prisonnier un homme suspecté d’appartenir à l’EI. Le 11 juillet, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a lancé un appel en faveur de la « justice » et de la « réconciliation » sous peine de voir de déclencher « d’autres violences et d’autres souffrances pour les civils ». L’envoyé spécial de l’ONU, Jan Kubis, a aussi fait part de son inquiétude « devant l'adhésion croissante de la population à une forme de punition collective des familles vues comme liées à l'EI. Dans tout le pays, les Irakiens soupçonnés d'avoir des liens avec l'EI sont soumis de plus en plus à des évictions, des confiscations de leur domicile et d'autres mesures de revanche et de vengeance ». Les Nations unies ont demandé au Premier ministre irakien Haïder al-Abadi de prendre des « mesures urgentes » pour mettre fin à ces comportements. Mossoul, le 10 juillet.

Des corps flottent sur le Tigre, le fleuve qui sépare le quartier de la vieille ville de Mossoul-Est. Amnesty International a réclamé la création d'une commission indépendante sur les crimes qui ont pu être commis contre les civils à Mossoul par l’EI mais aussi par les forces irakiennes et la coalition. L'organisation cite l'utilisation de civils par l’EI comme « boucliers humains ». L'EI a aussi tué sommairement des centaines, si ce n'est des milliers, d'hommes, de femmes et d'enfants qui tentaient de fuir les violences. Amnesty reproche également aux forces irakiennes et à la coalition menée par les Américains des attaques « illégales » et une utilisation parfois inadaptée de la force. Mossoul, le 10 juillet 2017.

Les combats rapprochés, les raids aériens irakiens et de la coalition internationale dirigée par les États-Unis, ainsi que les engins explosifs disséminés par les combattants de l’EI ont transformé la ville en un champ de ruines, si bien qu’il est difficile pour les civils de trouver où aller. « Il est probable que plusieurs milliers de personnes vont devoir rester déplacées pendant des mois », a prévenu le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Les déplacés « ne veulent plus rester dans les camps, mais chez eux, plus rien ne les attend », déplore Melany Markham, porte-parole en Irak du Conseil norvégien pour les réfugiés (CNR). Mossoul, le 10 juillet 2017.

À la mi-juillet, les opération de ratissage pour « nettoyer le secteur des cellules dormantes de l’EI », se poursuivaient. Les combattants de l’EI « déposent les armes et essaient de se mêler à la foule des civils en fuite, mais on finira bien par tous les arrêter », racontait il y a peu un soldat à MEE. Les troupes irakiennes trouvent de plus en plus d’armes abandonnées par Daech – surtout des M16 et AK47 – par terre, à l’endroit où les combattants les ont laissées. Mossoul, le 9 juillet 2017.

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