Aller au contenu principal

Irak : des responsables chiites rejettent « l’ingérence » de la France

Les propos d’Emmanuel Macron, qui a appelé à démanteler les milices de Hashd al-Chaabi, officiellement intégrées aux forces irakiennes, ont provoqué la colère de responsables irakiens
Des combattants chiites participant aux Unités de mobilisation populaire (Hashd al-Chaabi) entrent dans le village d’Abu Shuwayhah, au sud de Mossoul, le 1er novembre 2016, au cours de l’offensive visant à reprendre le dernier bastion majeur du groupe État islamique (EI) en Irak (AFP)

Un appel du président français Emmanuel Macron au démantèlement des forces paramilitaires irakiennes Hashd al-Chaabi a provoqué la colère de personnalités chiites, qui ont dénoncé une « interférence » française dans les affaires de leur pays.

En 2014, face à une offensive éclair des combattants du groupe État islamique (EI), qui s'étaient emparé du tiers du pays et menaçaient l'existence du pays, plus de 60 000 Irakiens avaient répondu à l'appel à la mobilisation du chef spirituel de la communauté chiite, l'ayatollah Ali Sistani.

Ils avaient formé Hashd al-Chaabi (Unités de mobilisation populaire), qui chapeaute une myriade de groupes paramilitaires dominés par des milices chiites, souvent décrites comme étant patronnées par l'Iran. Ces forces ont joué un rôle déterminant dans la lutte contre l’EI, notamment pour la reprise de Mossoul, la grande ville du nord du pays.

Des soldats irakiens et des combattants des forces chiites de mobilisation populaire en lutte contre l’État islamique à Tal Afar, en août 2017 (Reuters)

Si le Premier ministre Haïder al-Abadi n'a pas réagi à la demande française, son prédécesseur et rival Nouri al-Maliki ne s'en est pas privé.

« Emmanuel Macron s'est mêlé de manière inattendue des affaires intérieures irakiennes en appelant au démantèlement d'une institution légale, Hashd al-Chaabi », a-t-il écrit sur Facebook.

Actuel vice-président de la République et chef du plus important groupe chiite au parlement, il a ajouté : « Nous voulons qu'aucun pays n'impose sa volonté au gouvernement irakien et à la brave nation irakienne ».

À LIRE : Après l’occupation de l’EI, celle des forces irakiennes et des milices

« Les Irakiens attendaient de la communauté internationale, et notamment de la France, qu'elle félicite les combattants qui ont donné leur vie pour leur pays et pour le monde », a pour sa part déclaré Houman Hamoudi, vice-président du parlement, dans un communiqué. Selon lui, sans Hashd al-Chaabi, l’EI « serait arrivé au cœur de Paris ».

Pour un des chefs du mouvement, Ahmad al-Assadi, « toute discussion [sur le sujet] est rejetée et nous n'acceptons pas d'ingérence dans les affaires irakiennes ». « Demander la dissolution de Hashd, c'est comme demander la dissolution de l'armée irakienne car Hashd est un élément clé de la sécurité irakienne », a-t-il poursuivi.

Recevant samedi à Paris le Premier ministre de la région autonome du Kurdistan irakien, Nechervan Barzani, Emmanuel Macron avait appelé à « une démilitarisation progressive, en particulier de la ‘’mobilisation populaire’’ qui s'est constituée ces dernières années, et que toutes les milices soient progressivement démantelées ».

Le Premier ministre Haïder al-Abadi annonce la victoire contre l’EI à Mossoul (Reuters)

Le parlement irakien a reconnu Hashd al-Chaabi en novembre 2016 comme une « institution de l’État » et décidé leur intégration « au sein des forces régulières ».

Les Kurdes reprochent au mouvement d'avoir chassé en octobre, en soutien de l'armée irakienne, les combattants kurdes des territoires disputés, notamment de Kirkouk, et d'avoir expulsé la population kurde de la ville de Touz Khormatou.

La crise persiste entre Erbil, capitale du Kurdistan irakien, et le gouvernement irakien, deux mois après le référendum d’indépendance organisé par les autorités kurdes et auquel Bagdad s'était fermement opposé.

À LIRE : L’Irak vote une loi pour légaliser les milices chiites : le monstre indomptable est lâché

Depuis, le chef de l’État français, qui a reçu le Premier ministre irakien Haïder al-Abadi le 29 octobre, cherche à « faciliter le dialogue » en profitant « des bonnes relations que Paris entretient avec les différentes parties », selon la présidence.

« Avoir un Irak fort, réconcilié, pluraliste et qui reconnaît chacune de ses composantes est une condition de la stabilité immédiate et de moyen terme » du Moyen-Orient, a déclaré Emmanuel Macron.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].