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Le couscous à l'UNESCO ? Un enjeu géopolitique !

Algérie, Maroc, Tunisie, Libye, Mauritanie et Mali projetteraient de se retrouver autour d'une initiative commune pour demander l'inscription du couscous au patrimoine de l'humanité
Des Algériennes préparent un couscous pour Yennayer, le nouvel an berbère, en janvier 2018 (AFP)

Un plat de couscous pourrait-il adoucir les relations diplomatiques compliquées entre pays d'Afrique du Nord ? Un projet commun d'inscription du plat emblématique de la région à l'Unesco pourrait au moins amorcer un réchauffement.

Où fait-on le meilleur couscous ? Quels ingrédients sont légitimes, lesquels sont apocryphes ? Maroc, Algérie, Tunisie... Les pays du Maghreb ont tous leur idée et revendiquent le savoureux plat, y compris sur les réseaux sociaux.

Voulant sans doute éviter un psychodrame comme celui de la « guerre du houmous » entre le Liban et Israël, qui se disputent la paternité de la purée de pois chiches, plusieurs experts des pays du Maghreb doivent débattre d'une éventuelle demande commune d'inscription du couscous au patrimoine immatériel de l'humanité.

Slimane Hachi, directeur du Centre algérien de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) et promoteur du projet, a précisé à la radio algérienne que l'initiative devrait réunir Algérie, Maroc, Tunisie, Libye, Mauritanie et même Mali, sans donner de date ni de lieu.

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Une démarche à l'issue incertaine mais qui a plus de chance d'aboutir qu'une tentative unilatérale : en 2016, l'Algérie avait suscité un tollé au Maroc, son voisin et rival, en voulant la jouer solo à l'Unesco.

C'est que le couscous n'appartient à aucun des pays du Maghreb en particulier, soulignent experts et gastronomes.

https://twitter.com/aglaepheryl/status/961907890436046848?ref_src=twsrc%5Etfw

« Le couscous a une origine berbère, bien avant que les pays du Maghreb tels qu'on les connaît aujourd'hui n'existent », explique l'historien français des pratiques culinaires et alimentaires, Patrick Rambourg.

« Il remonte incontestablement aux Berbères, même si l'histoire commence avec les Romains, venus avec du blé », abonde l'anthropologue, gastronome et restauratrice à Paris Fatema Hal, né à Oudja (Maroc).

Des denrées « totem »

Néanmoins, même l'origine de l'introduction du blé ne fait pas l'unanimité, certains évoquant un apport arabe.

Souvent citée, l'historienne culinaire Lucie Bolens avait décrit des pots primitifs de couscous retrouvés en Algérie, remontant au règne du roi Massinissa (202-148 av. JC), Berbère qui unifia la Numidie (nord de l'Algérie et des portions de la Tunisie et de la Libye).

« La paternité est un sujet compliqué, un terrain glissant. Et est-ce si important ? », interroge Patrick Rambourg qui préfère mettre l'accent sur l'emblème que sont devenus cette semoule de blé dur et le plat éponyme, pour toute la région.

« Il y a des plats et des denrées ‘’totems’’ : le pain en France, le couscous au Maghreb. La cuisine fait partie de l'identité de tous les peuples, la manière de cuisiner, de servir les plats, révèle ce que l'on est. Pour les pays du Maghreb, le couscous représente une part de leur identité », explique-t-il.

Pour autant, « ça ne va pas être simple : il va falloir qu'ils se mettent d'accord entre eux ».

Pour une labellisation, « il faut montrer la permanence historique du plat ou de la pratique, montrer qu'elle s'inscrit dans le quotidien de tous les groupes constituant un peuple ou une Nation, que cela fait partie de leur identité, de leur culture ». Et ne pas mettre trop tôt en avant l'immense diversité des couscous.

Facile ? « Il y a des positions si figées de part et d'autre qu'il est très compliqué de trouver des terrains d'entente, même sur un sujet qui peut paraître anodin et devrait permettre de trouver des points de rapprochement », regrette Kader Abderrahim, chercheur français à l'Institut Prospective & Sécurité en Europe.

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« Il y a tellement d'antagonismes accumulés depuis 50 ans et cela s'est beaucoup dégradé, surtout ces derniers mois », ajoute-t-il. Le chercheur rappelle « les rivalités essentiellement entre l'Algérie et le Maroc », nées au lendemain de l'indépendance de l'Algérie, face au refus des nouvelles autorités de ce pays de reconsidérer les frontières établies sous la colonisation française, alors que le Maroc revendiquait des villes ou portions de territoire.

Et de ces divisions est né un paradoxe « incompréhensible » : malgré « une culture commune, une histoire en partie commune, une même langue, une tradition religieuse » le Maghreb « n'a pas réussi son intégration régionale ».

Or, « le Maghreb, c'est plus fort que l'Europe, divisée par la langue et par l'histoire, que l'Amérique du sud, divisée aussi par l'histoire et par les langues », pointe Kader Abderrahim. 

« Si le couscous peut contribuer à réunir, tant mieux ! Mais plutôt que de mettre toute son énergie pour un titre, il faudrait faire le nécessaire pour préserver toute notre cuisine, avec des écoles qui ne se contentent pas d'enseigner une cuisine internationale », relève de son côté Fatema Hal.

Rédigé à partir de la dépêche AFP de Joëlle Garrus, à Paris.

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