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Le principal fournisseur d’armes de l’Égypte ? La France

La France vend à l’Égypte des armes utilisées à des fins de répression interne. Après un premier rapport publié cet été par plusieurs ONG, Amnesty International accuse à son tour Paris de « bafouer le droit international »
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi plaisante avec le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian (à droite) et le gouverneur militaire de Paris, Bruno Le Ray, lors d’une cérémonie militaire à l’hôtel des Invalides, à Paris, le 24 octobre 2017 (AFP)

La France, et onze autres pays de l’Union européenne (UE), continuent de vendre à l’Égypte des armes « utilisées pour des opérations de répression meurtrière » contre des civils, accuse Amnesty International. 

Dans un communiqué publié mardi matin, l’ONG de défense des droits humains assure que, ce faisant, Paris « bafoue le droit international », en fournissant au Caire « des équipements militaires utilisés pour réprimer avec violence des manifestations entre 2012 et 2015 ». 

L’Union européenne a demandé en 2013 à ses membres de suspendre leurs exportations d’armes vers l’Égypte, rappelle Amnesty pour éviter qu’elles soient utilisées à des fins de répression interne. La France, ainsi que l’Allemagne, la Bulgarie, Chypre, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Slovaquie ignorent cette directive européenne, accuse l’ONG.

La France, rappelle Amnesty, est « devenue le principal fournisseur d’armes en tous genres à l’Égypte depuis 2013. Elle surpasse d’ailleurs largement les États-Unis, qui font partie avec elle des champions du secteur ».

Depuis 2011, la France n’a jamais vendu et livré autant d’armes à l’Égypte en si peu de temps. Ce pays est devenu son quatrième client le plus important sur la période 2007-2016 : le constat avait été dressé en juillet, lors de la publication d’un rapport rédigé par d’autres ONG :  la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), le Cairo Institute for Human Rights Studies, la Ligue des droits de l’homme et l’Observatoire des armements (OBSARM). 

Ce rapport soulignait que l’État français et plusieurs entreprises françaises avaient participé « à la sanglante répression égyptienne des cinq dernières années ». 

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Les accusations d’Amnesty International contre la France se fondent sur l’analyse de vingt heures de vidéo, de centaines de photos et de 450 giga-octets de supports visuels fournis par des groupes locaux de défense des droits humains, sur lesquels apparaissent notamment des blindés français de type Sherpa et MIDS, utilisés pour tirer directement sur des manifestants désarmés.

« Il est consternant de constater que la France a poursuivi ses livraisons d’équipements militaires à destination de l’Égypte après l’utilisation de ces équipements lors de l’une des attaques les plus meurtrières du XXIsiècle contre des manifestants », estime Najia Bounaim, directrice des campagnes pour l’Afrique du Nord à Amnesty International.

Un hélicoptère militaire survole des partisans de Mohammed Morsi au Caire en 2013 (AFP)

« Comme ces transferts ont eu lieu – et ont continué d’avoir lieu – alors que les autorités égyptiennes n’ont rien fait pour faire respecter l’obligation de rendre des comptes, ni pris aucune mesure laissant entrevoir la fin des violations systématiques dont elles se rendent coupables, la France risque de se voir accusée de complicité dans la crise des droits humains que connaît actuellement l’Égypte », a-t-elle ajouté.

« Un haut responsable français a concédé que, si les équipements de sécurité fournis par la France étaient initialement destinés à l’armée égyptienne » dans le cadre de la lutte antiterroriste, « les autorités égyptiennes avaient détourné certains blindés au profit des forces de sécurité intérieure », ajoute le texte.  

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