Les Égyptiens réaffirment leur soutien à la révolution de 2011 malgré l’interdiction de manifester
Les Égyptiens ayant participé à la révolution de 2011 se sont tournés vers les réseaux sociaux pour réaffirmer leur soutien au soulèvement, malgré la répression des autorités à l’encontre des activistes appelant à manifester lundi pour marquer le cinquième anniversaire du début des manifestations qui avaient conduits à la chute du président Hosni Mubarak, lequel avait gouverné le pays pendant de nombreuses années.
Des milliers d’usagers des réseaux sociaux ont partagé leurs souvenirs du soulèvement, qui avait duré 18 jours, lorsque des foules s’étaient rassemblées place Tahrir au Caire et dans d’autres lieux publics. Les internautes ont utilisé le hashtag « J’ai_participé_à_la_révolution_de_janvier », et dès le début de la semaine on comptait au moins 23 000 tweets et des centaines de mises à jour Facebook postées en soutien au soulèvement.
Traduction : La révolution m’a permis de sentir que moi et les autres sommes des êtres humains qui méritons mieux, et que nous triompherons.
« Le 25 janvier a été la première manifestation de rue à laquelle j’ai participé », a écrit l’activiste Wael Ghonim, en référence à la date du début des manifestations.
Wael est administrateur de la célèbre page Facebook « Nous sommes tous Khaled Saïd », au nom d’un jeune Égyptien tué par la police alors qu’il était en garde-à-vue à Alexandrie, le 6 juin 2010.
« Je suis arrivé à l’heure à Qasr al-Ainy, mais malheureusement il n’y avait qu’une cinquantaine de personnes et environ 300 membres de la sécurité militaire. J’étais déçu », poursuit-il.
« Un vieil homme m’a dit : ‘‘Ne t’inquiète pas, dans deux ou trois heures les gens viendront, tu es en Égypte mon fils, personne n’est à l’heure’’. »
Un sentiment de fierté était visible parmi les Égyptiens qui ont participé à la campagne.
Traduction : Dites à vos enfants que la Révolution de janvier est la plus grande source de fierté de l’Égypte et que vous étiez parmi ceux qui ont contribué à exaucer le rêve de l’Égypte.
Certains Égyptien ont toutefois exprimé un sentiment d’apathie face à la situation actuelle.
Traduction : Je portais mon fils de 5 ans sur mes épaules tout en chantant avec enthousiasme. Il a maintenant 10 ans et demande : qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Des centaines d’Égyptiens ont également répondu au hashtag par la colère, déclarant « Je_n’ai_pas_participé_à_la_révolution_de_janvier ».
Traduction : Je suis fière de ma décision de ne pas participer. Les soulèvements n’étaient pas une révolution mais un crime contre toute l’Égypte.
Selon les chiffres de la BBC, environ 3 000 contre-tweets ont été publiés entre samedi et lundi dernier en réponse à la campagne originelle, mettant en évidence les désaccords persistants au sein de la société égyptienne au sujet de la direction politique prise par le pays depuis la chute de Moubarak.
Bien que moins nombreux, les tweets en soutien à l’actuel gouvernement du Président Abdel Fattah al-Sissi, qui a pris le pouvoir à son prédécesseur élu démocratiquement Mohamed Morsi lors d’un coup d’État en juillet 2013, ont été vus par certains comme faisant partie d’une campagne gouvernementale visant à étouffer la dissidence.
« La contre-campagne est insignifiante, mais elle illustre les mesures prise par le régime et ses partisans vis-à-vis de toute opposition, au point que maintenant ils s’expriment publiquement contre la Révolution de 2011 elle-même », a déclaré Asmaa Shokr, une journaliste et commentatrice égyptienne.
Depuis le coup d’état, plus de 1 000 personnes ont été tuées et environ 40 000 détenues dans le cadre d’une campagne de répression contre la dissidence. La plupart d’entre elles sont des partisans des Frères musulmans, bannis par le régime de Sissi. Morsi, l’un des dirigeants du mouvement, fait partie d’un groupe d’une centaine de membres de la confrérie qui ont été condamnés à la peine de mort.
Les activistes laïcs et libéraux ont aussi été poursuivis en justice pour avoir violé une loi anti-manifestation de 2013 qui a donné au Ministre de l’Intérieur le pouvoir d’interdire les rassemblements de plus de dix personnes.
Le parlement a approuvé dimanche une loi controversée de contre-terrorisme, que les activistes accusent d’éroder davantage les droits de base et d’entériner un état d’urgence permanent.
Détention d’activistes
Les Égyptiens qui soutiennent les soulèvements ont également défié les autorités tentant de les arrêter suite à la multiplication des raids des forces de sécurité en amont de l’anniversaire. Ces opérations ont conduit à l’arrestation de plusieurs personnes au cours des dernières semaines.
Au moins cinq personnes ont été arrêtées la semaine dernière, dont deux activistes accusés d’administrer des pages Facebook favorables aux Frères musulmans et appelant à manifester.
Ils ont été identifiés comme étant un jeune homme de 26 ans administrant 41 pages Facebook et une femme de 22 ans gérant six sites, selon une déclaration du porte-parole du ministère de l’Intérieur Abu Bakr Abdel Karim.
« Les administrateurs de ces pages ont été arrêtés pour des chefs d’accusation d’incitation à la violence contre des institutions de l’État, diffusion des idées des Frères musulmans et appel à manifester le 25 janvier prochain », a précisé Abdel Karim lors d’un talkshow sur la télévision égyptienne mercredi soir.
« Le ministère continuera d’agir contre ces pages terroristes qui depuis longtemps incitent à la violence contre les institutions de l’état et tournent en dérision les incidents majeurs auxquels le pays a récemment fait face », a-t-il ajouté.
Facebook et d’autres sites de réseaux sociaux ont été utilisés pour organiser des manifestations et des rassemblements, et plusieurs groupes ont appelé à des manifestations pour l’anniversaire de la révolution lundi.
Parmi eux, la page Facebook « Nous sommes tous Khaled Saïd », créée par un défenseur des droits de l’homme anonyme quelques jours après la mort de Saïd. En janvier 2011, elle était fréquentée par plus de 473 000 usagers et a été considérée comme une plateforme essentielle dans la diffusion des informations relatives aux manifestations à la veille des soulèvements.
Les forces de sécurité ont aussi fait une descente dans les bureaux du site d’information indépendant Masr al-Arabiya. Son rédacteur en chef, Ahmed Abdel Gawad, aurait été arrêté jeudi puis libéré.
Interdiction des manifestations
Les autorités ont multiplié les mises en garde contre la tenue de manifestations marquant l’anniversaire de la révolution du 25 janvier, prononcées notamment par les leaders religieux nommés par le gouvernement, qui ont prêché contre la dissidence publique.
Le président Sissi aurait déclaré qu’une autre révolution « détruirait l’Égypte », tandis que le ministère des Dotations Religieuses a demandé lundi aux prédicateurs de ne pas demander aux Égyptiens de manifester
Dans un décret, le ministère a prévenu que les manifestations pourraient mener au « sabotage, meurtre et à la destruction », et constituait « un crime à part entière ».
Néanmoins, les Frères musulmans et plusieurs groupes progressistes et de gauche ont appelé à manifester le jour de l’anniversaire du soulèvement, sans toutefois demander explicitement la démission de Sissi.
Malgré ces appels, on ignore ce qu’il se passera le jour de l’anniversaire la semaine prochaine.
« Je ne sais pas bien ce qu’il va se passer, mais j’espère que de nombreuses personnes sortiront pour marquer l’anniversaire de la révolution », a déclaré Omar Hamdy, un étudiant en marketing du Caire ayant participé aux soulèvements de 2011.
« Je m’attends cependant à ce qu’il y ait une réaction violente de la part de l’État si les gens descendent dans la rue. »
Traduction de l’anglais (original).
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