Les Palestiniens au Liban sont moins de la moitié que précédemment estimé
Le tout premier recensement officiel des réfugiés palestiniens au Liban, publié jeudi, a révélé que leur nombre était moins de la moitié de ce qui avait été estimé précédemment, encourageant les dirigeants palestiniens à faire pression pour obtenir davantage de droits pour cette communauté marginalisée.
Auparavant, la seule documentation officielle sur les réfugiés palestiniens provenait de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), qui compte environ 450 000 Palestiniens actuellement enregistrés au Liban.
Mais l’UNRWA ne suit pas les réfugiés qui quittent le Liban et ne fait jamais de recensements.
Le Liban n’a pas procédé à un recensement national de sa propre population depuis 1932 – en grande partie pour des raisons politiques, par crainte de troubler l’équilibre politique délicat entre les différentes sectes religieuses du pays.
Selon ce premier recensement officiel, plus de 174 000 réfugiés palestiniens vivent au Liban. Le recensement, effectué par le Comité de dialogue libano-palestinien, une commission rattachée au gouvernement libanais, a couvert les 12 camps de réfugiés palestiniens, devenus au fil du temps de véritables quartiers résidentiels, ainsi que les 156 « agglomérations palestiniennes » à travers le pays.
Pauvreté, surpopulation, chômage
Le recensement met en lumière les conditions de vie, de santé, d’éducation et de travail des quelque 174 422 réfugiés palestiniens installés au Liban, mais aussi des 18 601 Palestiniens de Syrie qui sont arrivés après le début de la guerre dans ce pays voisin en 2011.
Les camps palestiniens, où vivent 45,1 % des réfugiés selon le recensement, sont marqués par « la pauvreté, la surpopulation, le chômage, de mauvaises conditions de logement et le manque d’infrastructures », d’après le site de l’UNRWA.
Le recensement a révélé en particulier un taux élevé de chômage chez les jeunes Palestiniens – le taux de chômage global était de 18 %, mais de 28,5 % chez les jeunes de 20 à 29 ans. Au Liban, le taux de chômage est actuellement de 6,8 %. Environ 7,2 % des réfugiés palestiniens sont analphabètes, mais le taux de scolarisation des enfants de 3 à 13 ans atteint les 93,6 %.
L’UNRWA est responsable de l’éducation, des soins de santé et d’autres services aux réfugiés palestiniens. Cependant, ces dernières années, l’agence – en grande partie financée par des dons privés – a souffert de graves déficits de financement. En 2015, elle a presque suspendu les services d’éducation pour le demi-million d’étudiants réfugiés dans ses écoles.
Houda Samra, porte-parole de l’UNRWA au Liban, a déclaré à MEE que l’agence avait accueilli favorablement le recensement et sera désormais en mesure de mieux planifier ses programmes en se basant sur des « informations actualisées et précises ».
« Maintenant, nous aurons des données scientifiques en main », a-t-elle ajouté.
Droit au retour et citoyenneté
La présence des Palestiniens a toujours été un sujet délicat au Liban, accentuant notamment les clivages dans la guerre civile qui a ravagé le pays entre 1975 et 1990.
Un sentiment anti-palestinien perdure parfois dans le pays et nombreux sont ceux qui refusent une naturalisation des ressortissants palestiniens ayant fui leur terre d’origine lors de la création de l’État d’Israël en 1948.
« Les Palestiniens, s’ils mènent une vie décente, amélioreront le pays au niveau de l’économie, au niveau de la communauté, et même au niveau de la sécurité et de la stabilité »
- Fathi Abu al-Ardat, représentant du Fatah et de l'OLP au Liban
Le Liban – comme la plupart des pays arabes, à l’exception de la Jordanie – n’a pas accordé la citoyenneté aux Palestiniens, affirmant que cela risquerait de saper leur droit de retourner sur leurs terres.
Les Palestiniens ont également l’interdiction de posséder des biens immobiliers et de travailler dans de nombreux secteurs, notamment la justice et la médecine.
En dehors de la question du retour, certaines populations chrétiennes et chiites libanaises ont craint que la naturalisation des Palestiniens principalement sunnites ne perturbe l’équilibre sectaire du pays. Les chiffres plus bas révélés par ce recensement pourraient aider à atténuer ces craintes.
Le Premier ministre libanais Saad Hariri, s’exprimant lors d’un événement célébrant la publication du recensement à Beyrouth jeudi, a déclaré que ces nouvelles données devraient « mettre les choses en perspective » et calmer les craintes de ceux qui pensaient que le nombre de Palestiniens était beaucoup plus élevé.
« Certains parlaient de 400 000, 500 000 ou 600 000 personnes, mais aujourd’hui, le nombre est clair : 174 422. C’est le chiffre exact et en tant qu’État, nous devons nous pencher sur les problèmes dont souffrent les réfugiés palestiniens dans notre pays. »
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Fathi Abu al-Ardat, le représentant du Fatah et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) au Liban, a déclaré à MEE qu’il espérait que le fait de voir des chiffres plus bas encouragerait les dirigeants à en faire davantage pour améliorer les conditions de vie des Palestiniens.
Donner plus de droits ou de ressources à 174 000 personnes semble moins menaçant qu’en donner à 450 000, a-t-il suggéré.
« Ce n’est pas vraiment la question, le nombre de personnes qui sont ici », a déclaré al-Ardat à MEE.
« Pour moi, la question du nombre est importante, mais plus importante encore est la question de savoir comment résoudre les problèmes des personnes recensées afin de leur permettre de mener une vie décente dans ce pays », a-t-il ajouté.
« Les Palestiniens, s’ils mènent une vie décente, amélioreront le pays au niveau de l’économie, au niveau de la communauté, et même au niveau de la sécurité et de la stabilité. »
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