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Les peshmergas « sûrs à 100 % » que Bagdad va combattre l’indépendance

Selon les troupes kurdes irakiennes, les vieilles lignes de front contre l’EI seront le nouveau champ de bataille si une quelconque tentative est menée pour contester le désir de liberté
Des combattants peshmergas marchent près de la citadelle d’Erbil, la capitale de la région autonome kurde au nord de l’Irak (AFP)

NAWARAN, Irak – Les combattants peshmergas se disent « sûrs à 100 % » que les forces alignées sur Bagdad essaieront de reprendre le territoire contrôlé par les Kurdes après le référendum sur l’indépendance prévu le 25 septembre.

Les combattants kurdes avec lesquels Middle East Eye a discuté dans le camp de Nawaran, au nord de Mossoul, dans la province de Ninive, affirment qu’ils sont prêts à défendre le territoire sous leur contrôle contre tous ceux qui s’opposeraient à eux.

Nawaran surplombe plusieurs villages arabes et était autrefois une ligne de front contre le groupe État islamique (EI). Selon les peshmergas, la région pourrait à nouveau sombrer dans la violence – mais cette fois, Hashd al-Chaabi, les groupes de combattants chiites relevant de Bagdad se rangeraient de l’autre côté.

« L’EI était arrivé juste là », explique Nawaf, un Peshmerga de 30 ans, en montrant les maisons au pied de la colline sur laquelle se trouve le camp.

« Derrière ce village, bien plus loin, se trouve un barrage peshmerga. De l’autre côté se trouvent les Arabes – Hashd al-Chaabi et les autres. C’est le barrage qui sépare désormais l’Irak et le Kurdistan. »

À l’intérieur du camp peshmerga de Nawaran (MEE/Alex MacDonald)

Nawaran a été libéré du contrôle de l’EI par les forces kurdes mais se trouve à l’extérieur des frontières initiales de 2003 de la région kurde semi-autonome.

Les décideurs politiques du gouvernement régional du Kurdistan (KRG) et de Bagdad ont déjà prévenu qu’un territoire disputé comme celui-ci pourrait être une poudrière après le référendum du 25 septembre.

Selon Nawaf, il y a « 100 % » de chances que cela soit le cas, et les peshmergas se tiennent retranchés et prêts. « Maintenant, nous nous tenons prêts au cas où il y ait des violences ou n’importe quelle offensive ».

« Notre devoir est de protéger le Kurdistan et de protéger notre ligne – notre président nous a ordonné de protéger notre ligne et d’y rester. Jusqu’à ce qu’il nous donne l’ordre de partir, nous resterons ici et nous combattrons tout ennemi qui s’attaquerait à nous. »

Jusqu’à quand allons-nous rester des esclaves sous la coupe des Arabes ?

-Nawaf, Peshmerga

Mercredi, le Premier ministre kurde, Nechirvan Barzani s’est dit confiant : selon lui, même si le référendum avait plus avant, aucun militaire n’attaquerait le KRG.

« Je ne vois aucune attaque militaire dans la région du Kurdistan. Il est impossible que cela arrive », a-t-il déclaré.

« Même s’ils prennent d’autres mesures, comme ils sont supposés le faire, l’option militaire est impossible. »

Des propos qui contrastent avec les commentaires faits par son homologue irakien, Haïder al-Abadi. Ce dernier a expliqué que Bagdad « interviendrait militairement » si les Irakiens « étaient menacés par l’usage de la force en dehors de la loi. »

À Nawaran, les peshmergas qui contrôlent la sécurité autour de plusieurs villages arabes avoisinants, ont déclaré que quoi qu’il arrive, ils étaient prêts à se battre pour leur État.

Mémorial pour les Peshmergas tués dans la province de Ninive (MEE/Alex MacDonald)

« Nous sommes prêts à combattre quiconque annonce son intention de se battre avec le Kurdistan », prévient Wahid Abdullah Qadir, un vieux combattant peshmerga du camp.

Il montre une blessure remontant à 1986, un trou béant dans son bras, faite alors qu’il se battait contre les forces de Saddam Hussein.

« J’ai 52 ans et je me souviens de 45 années de ma vie au cours desquelles tous les gouvernements se sont dressés pour s’opposer au Kurdistan, en essayant de le vaincre. Que ce soit Ahmed Hassan al-Bakr, Saddam Hussein, Nouri al-Maliki ou Abadi : tous se sont dressés contre le Kurdistan », rappelle-t-il, en colère.

Un autre combattant peshmerga, Farah Salim Karim, le rejoint : après tout ce que les Kurdes ont enduré entre les mains des gouvernements successifs à Bagdad, ce n’est que justice que le Kurdistan devienne indépendant.

« Ils nous ont frappés, ils nous ont mis en prison, ils ont tant fait contre nous », souligne-t-il.

Colère contre les nations occidentales

Les combattants peshmergas se disent aussi en colère contre les gouvernements occidentaux qui ont échoué à soutenir l’indépendance, bien qu’ils aient été des partenaires dans la lutte contre l’EI.

Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont tous publié des communiqués appelant Barzani à annuler ou à reporter le référendum, de crainte qu’il entraîne de l’instabilité.

Abdullah Qadir a déclaré qu’il était « injuste » que les États-Unis, le Royaume-Uni et l’UE se positionnent contre l’indépendance kurde après avoir aidé à la défaite de l’EI.

« Nous voulions qu’ils nous aident pour le référendum – puisqu’ils ont le dessus sur chaque puissance », souligne-t-il. « Pourquoi ne nous aident-ils pas ? »

Salim Karim exprime aussi sa colère envers les puissances étrangères qui n’ont pas réussi à soutenir le désir d’indépendance.

« Pourquoi sont-ils toujours injustes avec les pauvres Kurdes ? Nous avons une langue différente, une religion différente, des idées différentes – pourquoi ne nous aident-ils pas à construire un pays pour le Kurdistan comme ceux qu’ils ont ? »

L’entrée du camp peshmerga de Nawaran, près d’un barrage routier (MEE/Alex MacDonald)

Cette semaine, plusieurs nations ont commencé à travailler avec Erbil et les Nations unies pour tenter de trouver une alternative au vote, craignant que ses retombées sapent la lutte contre l’EI, toujours présent à Tal Afar, Hawija et sur d’autres points chauds en Irak.

Mais avec la proposition de la Cour suprême irakienne de déclarer le référendum inconstitutionnel, les menaces de la Turquie voisine d’imposer des sanctions, et les démarches de Hash al-Chaabi pour démettre les politiques kurdes, les Kurdes irakiens pourraient commencer à se sentir de plus en plus isolés.

Après avoir passé toutes ces années à se battre pour l’autonomie, Nawaf, qui se décrit comme un Peshmerga depuis sa « petite enfance » dès qu’il a été « capable de tenir une arme », se dit déçu par le manque de soutien affiché aux Kurdes irakiens.

« Demander l’indépendance, c’est un de nos droits », affirme-t-il. « Nous espérons qu’ils vont changer d’avis et nous aider. Jusqu’à quand allons-nous rester des esclaves sous la coupe des Arabes ? »

Traduit de l'anglais (original).

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