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Les temps sont durs pour les économies pétrolières du Moyen-Orient

Les baisses observées dans le secteur pétrolier risquent de compromettre les économies du Moyen-Orient dont les revenus dépendent fortement du pétrole
Un champ pétrolier en Irak (AFP)

Les perspectives de développement des économies pétrolières du Moyen-Orient s’annoncent sombres, selon un rapport du Fonds monétaire international. Pire encore, les investisseurs privés prévoient des dégradations des notes de crédit de ces pays, augurant des difficultés à venir pour les entreprises qui cherchent à emprunter, ainsi qu’un ralentissement dans le marché de l’emploi.

Nuages économiques

« Les perspectives à court terme pour la région du Moyen-Orient, de l'Afrique du Nord, de l'Afghanistan et du Pakistan se sont assombries, avec une croissance prévue de 2,6 % en 2017, soit 0,8 point de pourcentage de moins de ce qu’annonçaient les prévisions d’octobre 2016 », indique le dernier rapport biannuel sur les perspectives économiques mondiales du Fonds monétaire international.

Alors qu’en octobre dernier, le FMI pensait que la situation économique au Moyen-Orient allait s’arranger, il revoit ses prévisions à la baisse. Les raisons sont simples : la baisse des prix du pétrole et la guerre.

 « La croissance en Arabie saoudite, la plus grande économie de la région, devrait ralentir à hauteur de 0,4 % en 2017 en raison de la baisse de la production pétrolière », indique le rapport. La baisse des recettes pétrolières affecte également les autres États du Golfe et nuit à la croissance.

« Les luttes et conflits dans de nombreux pays de la région nuisent également à l'activité économique », notent les auteurs.

« Les perspectives à court terme pour la région du Moyen-Orient, de l'Afrique du Nord, de l'Afghanistan et du Pakistan se sont assombries »

De fait, la baisse des prix du pétrole et la réduction de la production pétrolière réduisent les budgets qui sont fortement dépendants des recettes pétrolières. Même ceux des Émirats arabes unis, qui ont quelque peu diversifié leurs économies pour s’éloigner de la seule ressource du pétrole, dépendent toujours des pétrodollars à hauteur de 25 %, selon le CIA Factbook. Pour l'Arabie saoudite, le chiffre est proche des neuf dixièmes du budget de l'État.

Et bien sûr, la guerre coûte des vies, de l'argent et rend l’activité économique plus difficile.

Dégradation des conditions de crédit

Le FMI n’est pas le seul à annoncer un avenir difficile. Les agences de notation financières ont déjà dégradé la note de solvabilité de certains de ces pays et d’autres dégradations sont envisageables.

Ainsi, Fitch a déclassé l'Arabie saoudite en mars dernier, évoquant « des doutes permanents sur la mesure dans laquelle l’ambitieux programme de réforme du gouvernement peut être mis en œuvre », selon un rapport de Bloomberg.

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Les agences de notation utilisent un système ésotérique de lettres (et parfois de chiffres) pour indiquer la solvabilité des différents pays. La note la plus élevée est souvent appelée triple-A ou AAA. Les pays ayant des notes plus élevées obtiennent des emprunts à des taux d'intérêt plus bas que les pays dont les notes sont inférieures.

Le problème pour l'Arabie saoudite, ainsi que pour certains autres pays de la région, est que leurs notes de crédit sont susceptibles de baisser davantage, selon un récent rapport de la banque Brown Brothers Harriman, basée à New York.

« En raison de la perte de revenus pétroliers, de nombreux pays du Moyen-Orient cherchent pour la première fois des investisseurs étrangers », a déclaré Marc Chandler, responsable mondial de la stratégie monétaire chez BBH. Jusqu’à récemment, les pays riches en pétrole n’avaient pas eu besoin d’emprunter beaucoup à l'étranger.

« Et le potentiel d'une dégradation des conditions de crédit, ou une dégradation en tant que telle, nuit à cet effort [consistant à attirer des investisseurs étrangers] », poursuit Chandler.

Ce n'est pas seulement l'économie saoudienne qui sent la pression monter. D’autres pays figurent sur la liste, dont l'Irak, le Koweït et d'autres États du Golfe.

Les rétrogradations, voire juste la perspective d’une rétrogradation, signifient que le coût d’emprunt de ces pays augmente. Et cela ne concerne pas seulement les gouvernements. Les taux d'intérêt des entreprises opérant dans ces pays augmenteront également.

Les inquiétudes croissantes quant à la solvabilité de ces pays peuvent se répercuter sur toute l'économie.

« Lorsqu'il y a une baisse, cela rend le financement plus coûteux, ce qui peut pousser certaines entreprises à cesser leurs activités et peut avoir des conséquences négatives sur l'ensemble de l'économie », a expliqué Constance Hunter, économiste en chef du cabinet KPMG LLP.

Ces coûts d'intérêt plus élevés rendent les entreprises moins rentables. Cela peut avoir un effet en cascade dans tout le pays, dans la mesure où les chefs d’entreprise réagissent à la baisse des profits en réduisant les dépenses en biens et services.

Plus de chômage et de tensions sociales à prévoir

« Les probables baisses de crédit rendront la situation encore plus difficile pour les pays qui comptent sur les recettes pétrolières afin de soutenir des dépenses déficitaires pour des projets liés à l’emploi », a déclaré Joseph Brusuelas, économiste en chef auprès du cabinet RSM à New York. En d'autres termes, des recettes pétrolières plus faibles et des termes d’emprunt plus difficiles entraîneront probablement des réductions dans les dépenses consacrées aux programmes gouvernementaux de création d’emploi.

Cela aura pour conséquence une augmentation du chômage.

Le taux de chômage en Arabie saoudite est de 11,2 %, selon le CIA Factbook, qui précise toutefois en note de bas de page que « ces données concernent uniquement les hommes saoudiens (estimations bancaires locales ; certaines estimations atteignent les 25 %) ».

Pour le Koweït, le chiffre pour 2016 est de 3 %, le même que pour l'année précédente.

Mais les nouvelles du FMI ne sont pas toutes mauvaises.

« L'activité dans la plupart des pays importateurs de pétrole de la région devrait continuer à accélérer, la croissance passant de 3,7 % en 2016 à 4,0 % en 2017 et à 4,4 % en 2018 », indique le rapport du FMI.

Ce dernier mentionne également que les réformes en Égypte devraient représenter une croissance de 3,5 % en 2017 et atteindre 4,5 % l'année suivante.

Traduit de l’anglais (original).

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