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Maroc : trois cas de coronavirus, dont un décès, mais la situation reste « sous contrôle »

Le Maroc a enregistré mardi 10 mars son premier décès dû au coronavirus mais les autorités se veulent rassurantes et se disent préparées
Des voyageurs en provenance d’Italie passent devant un scanner de détection de la température à leur arrivée à l’aéroport de Casablanca, mesure préventive contre le coronavirus, le 3 mars 2020 (AFP)
Par Bilal Mousjid à CASABLANCA, Maroc

Le Maroc a enregistré mardi 10 mars son premier décès dû au nouveau coronavirus. Il s’agit d’une femme de 89 ans souffrant de maladies chroniques qui avait été hospitalisée à Casablanca après son retour d’Italie. Deux autres cas confirmés sont toujours hospitalisés, dont un touriste français arrivé au Maroc le 7 mars, a annoncé le ministère de la Santé.

« La dame de 89 ans [décédée aujourd’hui] était dans un état critique. Les deux autres se portent bien, ils ont des formes bénignes de la maladie. Ils doivent être pris en charge en isolement non pas en raison de la gravité de leur cas mais en raison du risque de transmission à d’autres personnes. À l’hôpital, on est sûrs qu’on confine bien et qu’on évite la propagation du virus », explique à Middle East Eye Mohamed El Youbi, directeur de l’épidémiologie et de la lutte contre les maladies au ministère de la Santé.

À ce stade, selon lui, la situation est maîtrisée : « Ce n’était pas inattendu, nous l’avons dit et redit. Nous ne sommes pas sur une autre planète pour qu’aucun cas ne soit recensé au Maroc. Mais nous sommes toujours au niveau de la première phase, mise en œuvre lorsqu’il n’y a pas de cas ou lorsqu’il y a des cas importés sans aucune transmission sur notre territoire. Le passage à la deuxième phase implique l’existence d’une chaîne de transmission, ce qui n’est pas encore le cas », précise notre interlocuteur.

« Pas de panique »

Malgré les messages rassurants des autorités marocaines, une certaine panique s’est emparée de la population depuis l’annonce du premier cas le 2 mars. « Une panique non justifiée », selon Mohamed El Youbi.

« Ce décès confirme ce que nous savions déjà : que ce groupe d’âge est particulièrement à risque »

- Maryam Bigdeli, représentante de l’OMS au Maroc

« Nous avons appris, avec beaucoup de tristesse, le décès d’une femme d’un âge assez avancé, prise en charge alors que son état de santé était déjà assez fragile. Mais aucune panique n’est justifiée car même ce décès confirme, malheureusement, ce que nous savions déjà : que ce groupe d’âge est particulièrement à risque. C’est pour ça qu’il ne faut pas paniquer bien que la vigilance soit toujours de mise », confirme à MEE la représentante de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Maroc, Maryam Bigdeli.

Une situation « sous contrôle » susceptible cependant de changer à tout moment. « Un passage à la troisième phase, c’est-à-dire une transmission communautaire localisée ou généralisée, n’est pas impossible mais cette dernière hypothèse est peu probable », évalue le directeur de l’épidémiologie et de la lutte contre les maladies. 

Le dispositif du système de santé préconise, dans le cas du passage d’un stade à un autre, un certain nombre de mesures et une organisation un peu différente de la situation actuelle en termes de confinement, de prise en charge des malades, de mode de fonctionnement du laboratoire chargé des analyses et de définition du cas. « C’est valable partout dans le monde. On évolue en fonction de la situation internationale et de la situation épidémiologique du pays », explique encore le spécialiste.

« On remarque qu’il y a encore au Maroc des cas isolés, tous reliés à une histoire de voyage d’un pays où le virus circule de manière assez intensive. Il n’existe pas de cas groupés qui laisseraient supposer que le virus se transmet au Maroc », précise à MEE la représentante de l’OMS au Maroc. « Cela ne veut pas dire que ça ne sera jamais le cas. D’où l’importance de faire attention aux transmissions locales et communautaires qui vont faire monter le niveau d’alerte. »

Les rassemblements interdits mais pas les prières collectives

Parmi les mesures susceptibles de contrer la propagation du virus, l’interdiction de certains rassemblements. Le 5 mars, le gouvernement a interdit, entre autres, les festivals, les rassemblements accueillant dans un lieu fermé plus de 1 000 personnes ainsi que les événements impliquant la participation de ressortissants étrangers. 

Les mosquées, lieux fermés qui accueillent un grand nombre de fidèles, notamment pour la prière du vendredi, ne sont pourtant pas concernées. « On doit conseiller aux gens qui présentent des symptômes respiratoires ou de la fièvre de rester chez elles afin de ne pas risquer de contaminer d’autres personnes dans un rassemblement. C’est d’ailleurs une consigne valable quelle que ce soit la maladie », poursuit Maryam Bigdeli.

https://twitter.com/MoNewsNet/status/1235838639952646146?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E123583863995264614

Contactée par MEE, une source autorisée au sein du ministère des Habous et des Affaires islamiques explique que la décision d’exclure les mosquées doit être prise par le ministère de l’Intérieur et de la Santé. « Si on nous dit de fermer les mosquées pour éviter la propagation du virus, on prendra les mesures nécessaires. »

Le Maroc est-il armé pour faire face à un virus qui impacte des pays au système sanitaire bien plus solide que celui du royaume ?

« Le Maroc a beaucoup travaillé depuis de le début de l’épidémie en Chine en mettant à jour le plan de veille et de riposte et en activant les mécanismes de prise de décision. Les cas actuellement détectés sont surveillés, la capacité hospitalière pour l’accueil des patients a été identifiée et renforcée », explique la représentante de l’OMS.

« Cependant il faut être conscient, comme dans le cas de la France ou de l’Italie, que tout système de santé peut être submergé par l’ampleur de la situation. Chacun doit adopter un comportement responsable pour se prémunir contre l’infection, protéger ses proches et la communauté, éviter de semer la panique, éviter de propager des rumeurs, etc. Un comportement qui doit être adopté par tout le monde, y compris par les médias. C’est d’une action collective qu’il s’agit », conclut Maryam Bigdeli.

Le directeur de l’épidémiologie et de lutte contre les maladies la rejoint : « Lorsqu’il y a une épidémie ou une crise sanitaire mondiale, on ne peut pas dire qu’un pays maîtrise parfaitement la situation. Des pays plus développés que le Maroc ont d’ailleurs du mal à la gérer. Cela dit, nous avons tout planifié pour qu’il n’y ait pas improvisation. »

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