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Maroc : un hashtag pour que les femmes revendiquent le droit de dire non

Le mouvement Masaktach a lancé le hashtag #Machi_b_sif (pas sous la contrainte) en soutien à la jeune Oumaima, assassinée fin septembre par son camarade car elle refusait de l’épouser
Une Marocaine fait le signe de victoire lors d'une manifestation en faveur de l'égalité des sexes à Rabat le 8 mars 2015 (AFP)

CASABLANCA, Maroc – Oumaima, 20 ans, a été tuée, samedi 29 septembre à Meknès, au nord du Maroc. Son corps a été retrouvé lacéré de coups de couteau à proximité de la Chambre d’artisanat, sur la place El Hadim où elle participait à une conférence. 

L’agresseur, un camarade de la faculté, a tué la jeune fille car elle aurait, selon les témoignages de ses proches, refusé à plusieurs reprises de l’épouser. 

Quelques jours après l’annonce de sa mort, le mouvement Masaktach (Je ne me tairai pas) a lancé le hashtag #Machi_b_sif (pas sous la contrainte) pour dénoncer le non-respect du consentement des femmes au Maroc et la violence qui peut en découler.

« Le cas de Oumaima est l’occasion de rappeler que la surdité collective vis-à-vis de la volonté de la femme peut conduire au pire »

- Laila Slassi, avocate et cofondatrice de Masaktach

Oumaima était étudiante à la faculté de droit de Meknès. Selon les différents témoignages recueillis par le site marocain le360, l’agresseur l’avait demandé en mariage à plusieurs reprises. 

La jeune fille refusait systématiquement, affirmant qu’elle préférait d’abord terminer ses études. Son agresseur la harcelait et la suivait dans tous ses déplacements. Dans une vidéo publiée par le même site, la mère d’Oumaima raconte que l’homme avait posé un ultimatum à sa fille : « Soit tu m’épouses, soit je te tue ».

« Notre idée avec ce hashtag est de sensibiliser et de relancer le débat au sujet du consentement et de la place de la femme au sein de la société marocaine. Le cas de Oumaima est l’occasion de rappeler que la surdité collective vis-à-vis de la volonté de la femme peut conduire au pire », explique à Middle East Eye Laila Slassi, avocate et cofondatrice de Masaktach. Le mouvement avait été lancé après l’affaire Khadija qui dit avoir été séquestrée, violée et tatouée de force le mois dernier dans la région de Beni Mellal. 

« Cette mobilisation est aussi l’occasion de rappeler que tous les récents cas de violences faites aux femmes qui ont été médiatisés – Khadija, Zineb la jeune fille agressée dans le bus – ont cela en commun : la volonté de la femme n’est pas écoutée », continue l’activiste. 

Des centaines d’internautes marocains et étrangers ont rapidement repris le hashtag. Indignés, ils posent la question du consentement, rappelant que les femmes « ont le droit de dire non ».

https://twitter.com/Lylou20/status/1047459792535601152?ref_src=twsrc%5Etfw

https://twitter.com/Maj8oula/status/1047573353853321216?ref_src=twsrc%5Etfw
https://twitter.com/LaLouveInMe/status/1047511523772518408?ref_src=twsrc%5Etfw

Traduction : « Le crime passionnel n’existe pas, pas plus que les crimes d’honneur. Quand une femme est assassinée parce qu’un homme ne peut pas supporter sa liberté de choisir, on appelle cela un féminicide »

« Il faut arrêter de dire qu’il s’agit de faits divers, comme le fait la presse. Il y a assez de cas de ce type aujourd’hui pour que l’on puisse parler d’un vrai phénomène de société : celui de la place que l’on accorde à la volonté de la femme », analyse Laila Slassi. 

Selon elle, c’est cette idée que sous-entend le nom du hashtag (pas sous la contrainte) : « Dans toutes les relations, qu’elles soient sexuelles, amicales, amoureuses, familiales… on retrouve cette idée de contrainte. Or, la femme est en droit de dire oui, non, non merci ou encore oui peut-être. Sa volonté doit être entendue ». 

Après cinq années de vives discussions, la loi contre les violences faites aux femmes est entrée en vigueur au Maroc le 13 septembre. La loi incrimine pour la première fois « certains actes considérés comme des formes de harcèlement, d’agression, d’exploitation sexuelle ou de mauvais traitement » et durcit également les sanctions pour certains cas. Cependant, elle est jugée insuffisante par les associations locales de défense des droits des femmes. 

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