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Palestine : Mahmoud Abbas craint d’être évincé par une alliance entre l’Égypte, le Hamas et Dahlan

Alors que s’ouvrent aujourd’hui au Caire les pourparlers de réconciliation entre le Fatah et le Hamas, le président de l’Autorité palestinienne et son entourage redoutent qu’en cas d’échec, l’Égypte ne se tourne vers le plan B : un accord avec Mohammad Dahlan
Des Gazaouis sont rassemblés pour accueillir le convoi du Premier ministre palestinien Rami Hamdallah à Gaza la semaine dernière (Reuters)

GAZA/RAMALLAH, Palestine – Au milieu de la vague d’enthousiasme suscité par le pacte de réconciliation entre le Hamas et le Fatah, l’Autorité palestinienne s’inquiète du rôle de l’Égypte dans les pourparlers qui débutent ce mardi au Caire.

Aux yeux de l’Autorité palestinienne, Le Caire ne tente même pas de dissimuler son soutien au Hamas et à Mohammed Dahlan, tous deux rivaux du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ou son intention de se placer au centre du « processus de paix au Moyen-Orient ».

Bien qu’Abbas ne veuille pas rejeter les efforts égyptiens, il ne tient pas à les embrasser pleinement, ont déclaré des responsables à MEE.

« Les Égyptiens sont motivés, dans ces efforts, par leurs propres intérêts – pas les nôtres », a déclaré un responsable du Fatah.

« L’Égypte ne cache pas son soutien au Hamas et à Dahlan, c’est manifeste, et nous n’avons aucun problème avec cela », a-t-il poursuivi.

« Les Égyptiens sont motivés, dans ces efforts, par leurs propres intérêts – pas les nôtres »

un responsable du Fatah

« Un problème se pose toutefois lorsque l’Égypte exerce ce soutien à nos dépens », a-t-il nuancé.

Les responsables du Fatah craignent que l’Égypte ne tente de parvenir à un accord de réconciliation qui renforce à la fois le Hamas et Dahlan à Gaza, en plus de mettre en avant les intérêts du Caire dans tout futur processus de paix entre la Palestine et Israël.

« Ce n’est un secret pour personne que l’Égypte est un proche allié du président américain Donald Trump et nous ne pouvons pas oublier que l’Égypte a retiré le projet de résolution 2334 à la demande du président américain Trump en décembre 2016 », a-t-il ajouté.

L’Égypte avait présenté un projet de résolution à l’ONU, condamnant la construction de colonies israéliennes et les qualifiant d’illégales, avant de retirer le texte.

Le leader du Hamas Ismaël Haniyeh (à gauche) et le Premier ministre palestinien Rami Hamdallah, mardi dernier au bureau de Haniyeh, à Gaza (AFP)

La résolution a ensuite été présentée par quatre autres membres du Conseil de sécurité et adoptée, avec 14 voix contre 0. Les États-Unis se sont abstenus.

Depuis que Trump a pris ses fonctions, son administration tente d’amener les Palestiniens et les Israéliens à la table des négociations, mais après huit mois d’efforts soutenus, dont notamment vingt-deux rencontres avec Abbas, les choses ne semblent pas avancer.

Les responsables palestiniens affirment que Trump tente de faire jouer à l’Égypte le rôle de médiateur, supervisant un accord de paix régional qui réunirait les pays arabes du Golfe, Israël et l’Autorité palestinienne.

Cependant, selon des responsables, Abbas s’est montré très réticent dans sa réponse aux nouveaux efforts de réconciliation de l’Égypte.

« Le président Abbas a été très clair et a annoncé aux responsables égyptiens qui lui avaient rendu visite à Ramallah au début de la semaine dernière et à travers leurs médias qu’il “n’est pas pressé” et qu’il n’acceptera pas une gouvernance de type Hezbollah à Gaza », a rapporté un responsable.

Un plan B ?

Les attentes placées dans les pourparlers de réconciliation entre le Fatah et le Hamas qui commencent aujourd’hui dans la capitale égyptienne ne sont pas élevées, affirment des responsables.

Selon des sources diplomatiques, l’Égypte est prête à poursuivre un plan B à tout moment – à savoir abandonner la voie actuelle et soutenir les efforts de réconciliation entre le Hamas et Dahlan.

Les Égyptiens sont déterminés à intervenir directement à Gaza, car ils ne veulent pas perdre leur zone tampon de sécurité avec Israël, et si Abbas refuse d’assumer la pleine responsabilité de Gaza, ils voudront adopter le plan B, affirment des responsables.

La relation entre l’Égypte et le Hamas s’est développée de façon inattendue depuis que Yahya Sinouar est devenu le chef du Hamas en février dernier.

De hauts responsables du Hamas affirment également que l’Égypte est devenue le « partenaire stratégique » du groupe.

Le Hamas et l’Égypte ont conclu un accord sécuritaire clé sur le Sinaï plus tôt cette année (AFP)

Les responsables égyptiens ont salué la coopération du Hamas en matière de sécurité et la performance de Sinouar à son nouveau poste.

Un haut responsable palestinien proche du Caire a déclaré que les responsables égyptiens considéraient Sinouar comme un futur dirigeant prometteur en Palestine.

« Les Égyptiens disent que Sinouar leur a affirmé au cours de ses conversations au Caire qu’il n’était pas membre des Frères musulmans et qu’il se souciait seulement des intérêts de Gaza », a déclaré le responsable.

« Sinouar s’intéresse au projet national palestinien, pas au projet des Frères musulmans », a ajouté le responsable.

Sinouar a conclu un accord en matière de sécurité avec l’Égypte il y a quelques mois, dans le cadre duquel le Hamas devait fournir pour la première fois à l’Égypte des informations sur les groupes salafistes au Sinaï et créer une zone tampon frontalière pour empêcher les combattants salafistes d’entrer dans la péninsule égyptienne ou d’en sortir.

« Si cette série de pourparlers de réconciliation échoue, alors Dahlan sera le roi de Gaza »

– Ahmad Yousif, ancien conseiller politique d’Ismaël Haniyeh

Les Égyptiens affirment en privé que la performance du Hamas en matière de sécurité dans la guerre contre les groupes extrémistes dans le Sinaï s’est révélée très efficace.

Sinouar a conclu un accord similaire avec Dahlan, proche allié de l’Égypte, dans le cadre duquel l’ancien homme fort de Gaza a promis d’importants versements de fonds émiratis à l’enclave côtière.

Les liens de plus en plus étroits entretenus par les dirigeants du Hamas à Gaza avec l’Égypte et Dahlan suscitent de sérieuses préoccupations du côté de l’Autorité palestinienne et devraient affecter les efforts actuellement déployés par l’Égypte.

« Si le président Abbas n’accepte pas l’initiative égyptienne cette fois-ci, Dahlan sera l’alternative », a déclaré Ahmad Yousif, ancien conseiller politique d’Ismaël Haniyeh lorsqu’il était Premier ministre du gouvernement gazaoui dirigé par le Hamas.

« Si cette série de pourparlers de réconciliation échoue, alors Dahlan sera le roi de Gaza », a-t-il affirmé.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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