Aller au contenu principal

Pour Kamel Daoud, la frontière Algérie-Maroc est un dossier « surchargé d'affect »

Invité au Salon international du livre de Casablanca, l’écrivain algérien a insisté sur l'impératif d’un Maghreb uni
Kamel Daoud rappelle que les Algériens ont vécu l’imposition des visas par les Marocains « comme une humiliation » (Ed. Barzakh)
Par MEE

« La fermeture des frontières est un dossier surchargé d’affect entre les deux pays. On a beau l’analyser de manière rationnelle, il n’est pas rationnel ». L’écrivain algérien Kamel Daoud, invité du Salon international de l’édition et du livre de Casablanca vendredi 16 s’est exprimé au micro d’un média local, le 360, sur un sujet délicat.

Rappel des faits : après un attentat commis à Marrakech le 24 août 1994, impliquant notamment des Franco-Algériens, Rabat avait imposé des visas aux voyageurs algériens et expulsé manu militari des touristes algériens de son territoire. Vexée, Alger avait répondu en fermant la frontière terrestre. Malgré la suppression des visas par les autorités marocaines en juillet 2004, suivie huit mois plus tard par une réciprocité algérienne, la frontière est restée fermée.

« Les Algériens ont réagi à l’imposition des visas, ressentie comme une humiliation. Ça remonte à 25 ans », a ajouté l’auteur de Meursault, contre-enquête et Zabor ou les psaumes en expliquant que même s’il comprenait cette réaction, aujourd’hui « un Maghreb uni est une obligation économique, de défense stratégique et de solidarité. »

À LIRE : L'Algérie et le Maroc, plus que jamais frères ennemis

L’Union du Maghreb arabe (UMA), fondée en février 1989, reste un échec politique et économique malgré les tentatives de réanimation, notamment économiques. À l'occasion du 29e anniversaire de sa création, le 16 février, le président Abdelaziz Bouteflika a adressé à Mohammed VI un message dans lequel il réaffirme l'attachement de l'Algérie à la redynamisation des institutions et structures de l'UMA.

Mais lors de la commémoration du 60e anniversaire du bombardement de Sakiet Sidi Youcef, en Tunisie, le 8 février, le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia a déclaré qu’Alger et Tunis travaillaient à la relance d’une zone économique commune. Si elle venait à voir le jour, le Maroc en serait exclu.

Ahmed Ouyahia et Youssef Chahed le 8 février lors de la commémoration du bombardement de Sakiet Sidi Youcef (Twitter)

Après la crise des réfugiés syriens, restés bloqués deux mois à la frontière entre le Maroc et l’Algérie, et les propos d’Abdelkader Messahel, le chef de la diplomatie algérienne, contre le Maroc, à ses yeux responsable des flux de haschisch arrivant en Algérie, la relation entre les deux pays ne s'améliore pas.

Selon un diplomate, qui s’était confié à Middle East Eye en octobre dernier, tout indique même « que la situation va empirer ». « Parce que Messahel, contrairement à Lamamra [son prédecesseur] n’est pas un diplomate rompu aux relations internationales, qui sait comment s’adresser aux autres nations. Messahel est juste un apparatchik de la diplomatie nourri à la doctrine de la paranoïa, persuadé que le monde entier complote contre l’Algérie. »

« Il faudrait que l’on arrive à trouver une solution qui puisse préserver les intérêts stratégiques des trois pays, la dignité des uns et réparer la blessure des autres », a conclu Kamel Daoud.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].