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Sahara occidental : comment Antonio Guterres cherche à ménager les Marocains

Pour relancer les négociations bloquées après le passage difficile de Christopher Ross, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a veillé dans son dernier rapport sur le Sahara occidental, à ménager Maroc et Front Polisario
Dans son dernier rapport envoyé au Conseil de sécurité, Antonio Guterres promeut une « nouvelle dynamique » pour résoudre la dispute territoriale entre le Maroc et le Front Polisario (Reuters)

RABAT - De l’avis de diplomates marocains, la satisfaction à la lecture du rapport du secrétaire général de l'ONU sur le Sahara occidental, présenté le 10 avril, a été générale.

Ce rapport, dont la copie a été diffusée, est en effet sans équivoque sur la volonté d’Antonio Guterres de ménager à la fois le Maroc et le Front Polisario, mouvement indépendantiste sahraoui, après le mandat compliqué du dernier envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross.

Comment ? La preuve par quatre.

En affichant une volonté de négocier « avec un nouvel esprit »

Manifestation pour réclamer un référendum d'autodétermination pour le Sahara Occidental (AFP)

Afin d'arriver à une résolution de ce conflit vieux de quarante ans, le successeur de Ban Ki-moon propose que le processus de négociation soit relancé « avec une nouvelle dynamique et un nouvel esprit », dans l'objectif d'arriver à « une solution politique mutuellement acceptable », qui inclurait « un accord sur la nature et la forme que prendrait l'exercice d'autodétermination » au Sahara occidental, un grand classique de la littérature onusienne, le référendum étant constamment repoussé.

Antonio Guterres relancera les négociations « sur la base des consultations avec les États parties et les États voisins, les membres du Groupe des amis du Sahara occidental et le Conseil de sécurité ainsi que d'autres parties prenantes importantes ». 

L’appel de Guterres aux pays voisins à contribuer à la résolution du conflit semble avoir trouvé un écho favorable à Rabat. « Parmi les éléments importants que l'on retient : l'évocation de la responsabilité et du devoir d'implication de l'Algérie dans le processus politique », estime une source diplomatique marocaine.

Car le Maroc estime que l’Algérie, en tant que « partie prenante du conflit », doit prendre part aux négociations. L'Algérie, de son côté, répond qu'elle n'est pas directement concernée, et qu'elle soutient le processus onusien.

En envisageant un nouvel envoyé spécial plus en phase avec le Palais

Christopher Ross, ex-envoyé spécial de l’ONU au Sahara Occidental, ancien ambassadeur américain à Alger et Damas, a été durement critiqué par le Maroc qui l'accusait d'être partial en faveur du Front Polisario, soutenu par l'Algérie (Twitter)

Le rapport renseigne un peu plus sur les relations très tendues entre Christopher Ross, ex-envoyé spécial de l'ONU au Sahara occidental et Rabat.

Le ministre des Affaires étrangères marocain Nasser Bourita avait initialement indiqué que Ross était le bienvenu au Maroc « lorsqu'un nouveau gouvernement serait formé, et de préférence après la COP22 », qui s'est tenue à Marrakech du 7 au 18 novembre.

Lors de leur rencontre durant la COP22, le roi Mohammed VI avait, de son côté, déclaré à Ban Ki-moon qu'il ne pourrait pas rencontrer Christopher Ross « avant son départ pour une tournée en Afrique », poursuit le rapport. Mais voilà que plus tard, un officiel marocain a laissé entendre que le Maroc ne le recevrait plus. La raison ? Un biais qui lui est attribué « en faveur du Polisario et de l'Algérie », poursuit le rapport.

C'est probablement ce qui poussera Christopher Ross à déposer sa démission le 23 janvier 2017. Un jour plus tard, Antonio Guterres a reçu un émissaire marocain qui lui a « fait part de la disposition du roi à travailler avec [lui] afin de trouver une solution au conflit du Sahara occidental, et qui [lui] a confirmé que le Maroc ne pourrait plus recevoir l'envoyé spécial. »

Si, jusqu'à présent, le successeur officiel de Christopher Ross n'a pas été désigné, des rumeurs circulent sur la probable nomination de Horst Köhler, ancien président de la République fédérale d'Allemagne de 2004 à 2010.

Un choix qui plaît a priori à Rabat, mais pas au Polisario. Dans une déclaration accordée à l’agence de presse Reuters, un représentant du Polisario estime que les pourparlers ne devraient pas « abandonner les progrès réalisés par Christopher Ross », et fait part de son espoir de voir « le nouvel envoyé poursuivre ce que Ross a commencé ».

« Le Polisario aurait préféré que l’envoyé spécial soit Américain comme Christopher Ross ou comme James Baker, qui avait été le secrétaire d’État du président George W. Bush. L’appui que peut leur donner le Département d’État donne en théorie plus de poids à leur médiation même si celle-ci n’a pas abouti », écrit le journaliste Ignacio Cembrero, pour qui le Maroc penche « pour un Européen car elle garde un bon souvenir du diplomate néerlandais Peter van Walsum qui en 2008 proposa aux deux parties de négocier sur l’offre d’autonomie marocaine et non pas sur l’autodétermination revendiquée par les indépendantistes sahraouis ».
 

En renonçant à étendre le rôle de la MINURSO à la surveillance des droits humains

La Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara Occidental (MINURSO) a été créée dans l'objectif de surveiller l'application du cessez-le-feu et d’organiser un référendum sur le statut futur du territoire (Twitter)

Dans son rapport, le secrétaire général de l'ONU recommande la mise en place d'un monitoring indépendant relatif aux droits humains au Sahara occidental, et regrette que le Maroc n'ait pas « établi ou désigné un mécanisme national d'inspection des lieux de détention tel que prévu par le Protocole facultatif à la Convention contre la torture. » 

Le rapport n'évoque pas l'extension du mandat de la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) à la surveillance des droits humains, ce qui permettra au Maroc de mettre en place son propre mécanisme de monitoring des droits de l'Homme.

Dans un projet de loi qui n'a toujours pas été adopté ni rendu public, le Maroc mettra sur pied, via le Conseil national des droits de l'homme (CNDH), un mécanisme qui aura pour principales missions « d'organiser des visites régulières inopinées dans les lieux de détention, dont commissariats et prisons, ainsi que de réceptionner et traiter les plaintes pour torture, et ainsi établir si torture il y a eu ou pas », selon une source au CNDH.

La possibilité donnée à ce mécanisme d'organiser des visites dans n'importe quel lieu de détention s'est initialement heurtée à des résistances. Les autorités marocaines ont, initialement, voulu restreindre l'accès aux lieux de détention, en établissant, au préalable, une liste des centres de détention que le CNDH pourra visiter. Après négociations, celles-ci ont fini par rallier la position du CNDH, et ont décidé de permettre au mécanisme de visiter tous les lieux de détention.

En n’écartant pas une possible révision de l’accord de cessez-le-feu

Les militaires sahraouis postés à Guerguerat (Twitter)

Le 14 août 2016, le Maroc a commencé la construction d'une route goudronnée à Guerguerat, une localité située dans la zone tampon dans le sud-ouest du Sahara occidental, à la frontière entre le Maroc et la Mauritanie. Rabat a justifié ces travaux par la nécessité de « lutter contre la contrebande » dans la région.

Le lendemain, le Front Polisario a déployé des éléments armés dans la zone et protesté contre le Maroc, estimant que ces travaux violaient l'accord de cessez-le-feu. Le Maroc, de son côté, a expliqué que les travaux avaient été menés par une entreprise civile.

Le dimanche 26 février 2017, à la demande de l’ONU, qui s'inquiétait des risques de confrontation entre les forces armées du Maroc et celles du Polisario, le Maroc s’est retiré de Guerguerat. Les soldats du Polisario, eux, sont restés positionnés sur place.

Dans son rapport, Antonio Guterres estime que « la crise de Guerguerat soulève des questions fondamentales liées à l'accord de cessez-le-feu », qui « ne contient aucune disposition relative aux activités civiles ».

Un appel tacite à réviser l’accord de cessez-le-feu ? Pour une source diplomatique marocaine, une révision de l'accord militaire entre le Maroc et le Polisario serait toutefois « extrêmement difficile à mettre en place ».

« L'accord de cessez-le-feu a été conclu en 1991. Il avait donc pris en charge les dimensions de 1991. Il n'y avait ni terrorisme, ni les menaces sécuritaires actuelles. La situation dans la zone était différente. Il est donc important qu'il y ait une évolution, mais cela ne sera pas facile », admet une source diplomatique marocaine.

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