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Tollé après un article « choquant » contre une journaliste musulmane couvrant l’attentat de Nice

L’organe britannique de régulation de la presse a reçu plus d’une centaine de plaintes en moins de douze heures concernant l’article affirmant que l’islam est une « religion clairement violente »
Kelvin MacKenzie, l’ancien rédacteur de tabloïd qui a écrit l’article controversé (AFP)

Un édito faisant valoir qu’une femme portant un hijab n’aurait pas dû couvrir l’attaque de la semaine dernière à Nice a suscité l’indignation au Royaume-Uni.

Publié par le Sun lundi matin, l’article a été écrit par Kelvin MacKenzie, ancien rédacteur du tabloïd.

L’article affirme que Fatima Manji, journaliste à Channel 4 news, n’aurait pas dû être autorisée à présenter les informations de la chaîne concernant l’attaque au camion qui a tué 84 personnes dans la ville de Nice jeudi.

MacKenzie décrit l’islam comme une « religion clairement violente », affirmant que les non-musulmans avaient « le droit de s’inquiéter de ce qui fait battre [le] cœur religieux » des musulmans.

« Était-il approprié que [Manji] soit face à la caméra alors qu’il y avait encore un massacre choquant perpétré par un musulman ? » s’interroge l’article, qui a été partagé un peu plus de 1 500 fois.

« Est-ce que l’éditeur de C4 aurait fait appel à un hindou pour rapporter le carnage au Temple d’or d’Amritsar ?

« Est-ce que la chaîne aurait fait appel à un juif orthodoxe pour couvrir le conflit israélo-palestinien ? »

Contacté par Middle East Eye, le Sun a refusé de commenter l’affaire.

L’Independent Press Standards Organisation (IPSO), organisme qui réglemente la presse au Royaume-Uni, a déclaré à MEE avoir reçu plus d’une centaine de plaintes à propos de l’article dans les douze heures suivant sa publication.

Les plaintes ont toutes été déposées en vertu de l’article 1 (relatif à l’exactitude), l’article 3 (qui interdit « l’intimidation, le harcèlement ou la poursuite persistante ») et l’article 12 (qui régit la discrimination).

Le Sun énonce sur son site web qu’il « s’engage » à respecter les normes IPSO – cependant, le tabloïd a été confronté à la censure de l’organisation à plusieurs reprises ces derniers mois.

En mars, il a été contraint d’imprimer une déclaration admettant qu’un article affirmant qu’un musulman britannique sur cinq soutenait ceux qui étaient allés se battre en Syrie était « manifestement trompeur ».

Un poste Twitter du Sun promouvant l’article controversé de lundi a été supprimé, mais le contenu restait accessible en ligne au moment de la rédaction de cet article.

Une source au sein du Sun a déclaré au Guardian que le poste avait été supprimé parce qu’il « ne précisait pas que le papier était de MacKenzie, et non de The Sun. »

Aucun message de suivi n’a été publié.

Le syndicat national des journalistes britanniques a condamné cet article, indiquant que « le journalisme au Royaume-Uni a besoin d’une plus grande diversité, pas moins ».

« Suggérer qu’une journaliste est incapable de rendre compte d’un attentat terroriste à cause de la couleur de sa peau, de sa religion ou des vêtements qu’elle porte, dit tout ce que vous devez savoir sur les opinions méprisables de Kelvin MacKenzie », estime la secrétaire générale du syndicat Michelle Stanistreet dans une déclaration.

L’article a également provoqué un déluge de critiques en ligne, des commentateurs accusant le papier de journalisme irresponsable à un moment où les crimes de haine – en particulier ceux qui ciblent les femmes portant le foulard islamique – connaissent un pic.

La baronne Sayeeda Warsi, membre du Parti conservateur au pouvoir, qui a démissionné de son poste de ministre en 2014 en raison du bombardement de Gaza, a accusé MacKenzie d’« alimenter la haine ».

Dans une lettre ouverte à l’éditeur du Sun Tony Gallagher, Warsi prévient que cet édito « clivant » pourrait avoir des conséquences pour les personnes risquant d’être ciblées par les crimes de haine au Royaume-Uni.

« Cet article est le dernier d’une série de récits et de titres dans The Sun […] qui agissent comme un empoisonnement au goutte à goutte des relations entre les communautés au Royaume-Uni », a écrit Warsi.

Traduction : « Ma lettre à @tonygallagher Racisme respectable et responsabilité éditoriale ! » – Sayeeda Warsi (@SayeedaWarsi)

La députée travailliste Diane Abbott a également qualifié l’article d’« attaque choquante ».

Traduction : « Attaque choquante contre une journaliste respectée de @Channel4News @fatimamanji et son droit de porter un hijab par Kelvin Mackenzie https://twitter.com/NickyAACampbell/status/754980822206341121… » – Diane Abbott MP (@HackneyAbbott)

Tom Clarke, journaliste scientifique à Channel4 qui a perdu une sœur dans les attentats du 11 septembre 2001, a tweeté son soutien à Manji :

Traduction : « Alors @TheSun demande pourquoi @FatimaManji présente les informations le jour de l’attaque de Nice. 1/2 https://www.thesun.co.uk/news/1459893/why-did-channel-4-have-a-presenter-in-a-hijab-to-front-coverage-of-muslim-terror-in-nice/ … » – Tom Clarke (@TomClarkeC4)

Traduction : « Eh bien, en tant que frère de quelqu’un assassiné par des extrémistes islamistes le 11 septembre, qui est également assis à côté d’elle au travail, je demande : Pourquoi pas ? 2/2 » – Tom Clarke (@TomClarkeC4)

 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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