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Tour d’Italie : un cycliste palestinien « écœuré » par l’organisation de la course par Israël

Pour Alaa al-Dali, qui a perdu sa jambe droite après avoir été ciblé par un tireur d’élite israélien alors qu’il manifestait à la frontière de Gaza, organiser cette course prestigieuse en Israël revient à cautionner les abus commis par Israël
Le cycliste palestinien Alaa al-Dali, 21 ans, à côté de son vélo chez lui, à Rafah (Reuters)

Un cycliste palestinien, qui a perdu sa jambe droite après avoir été ciblé par un tireur d’élite israélien alors qu’il manifestait près de la clôture à la frontière de Gaza, a accusé les organisateurs et les coureurs du Giro d’Italia, le Tour d’Italie, de cautionner la violence des Israéliens en acceptant de faire passer la course dans leur pays.

Après avoir subi huit opérations, Alaa al-Dali a été amputé de la jambe droite, suite à blessure par balle pendant qu’il participait aux manifestations de la « grande Marche du retour » le 30 mars.

Le jeune homme de 21 ans était en lice pour représenter la Palestine aux Jeux asiatiques de Jakarta en août : « L’armée israélienne a détruit mon rêve », a-t-il déclaré à Middle East Eye.

Le départ du Tour d’Italie, une des courses cyclistes les plus prestigieuses, s'est fait de Jérusalem vendredi et Israël a accueilli deux autres étapes avant le retour en Italie de la course, ce que condamnent les militants des droits des Palestiniens et les militants de Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS).

Al-Dali a exhorté la communauté internationale à imposer des sanctions et un boycott sportif à Israël, plutôt que de lui consentir « l’honneur » d’organiser la course.

« Il est très décevant de savoir que des gens vont profiter de mon sport préféré dans le pays dont l’armée a brisé mon rêve », a confié al-Dali. « Ce n’est pas juste. Je suis choqué et dégoûté par cette nouvelle ».

La course ne servirait qu’à mettre en exergue le décalage entre « occupant et occupé », a-t-il ajouté.

« C’est le comble de la contradiction. De tels événements sont censés incarner paix et humanité. Je ne vois pas ce qu’il y a de pacifique à me tirer dessus et me rendre invalide, au prétexte que je me tiens à 200 mètres environ de la clôture de la frontière. »

Après avoir été ciblé par un tireur d’élite israélien, al-Dali a subi neuf opérations et y a laissé une jambe (MEE/Maha Hussaini)

Muhammed, le frère d’al-Dali, 25 ans, a précisé à MEEque les médecins avaient choisi d’amputer la jambe d’Alaa en raison des lésions causées aux os et aux tissus.

Mais il a la conviction que sa jambe aurait pu être sauvée si Israël ne lui avait pas refusé l’autorisation de recevoir des soins médicaux en Cisjordanie.

Le système de santé à Gaza a été anéanti par un blocus de onze ans imposé par Israël après la victoire du Hamas aux élections, plongeant l’enclave dans une crise humanitaire.

« Fermer les yeux sur notre souffrance »

« Les organisateurs et les participants ne se contentent pas de fermer les yeux sur notre souffrance d’athlètes privés de nos droits fondamentaux. Ils encouragent également les autorités israéliennes à imposer de nouvelles restrictions et à poursuivre leurs abus à notre encontre », a déploré Alaa al-Dali.

Lors de la grande Marche du retour, les Palestiniens ont revendiqué le droit au retour sur les terres et dans les maisons saisies par Israël en 1948 et lors des conflits qui ont suivi. Depuis le début des manifestations, au moins 44 Palestiniens ont été tués et 7 000 autres blessés, dont des dizaines atteints de handicaps permanents, déplore Ashraf al-Qedra, porte-parole du ministère palestinien de la Santé à Gaza. 

Vendredi 6 mai, première étape du Giro, les coureurs ont disputé à Jérusalem-Ouest une course contre la montre de 9,7 kilomètres, arrivée sous les murs de la vieille ville de Jérusalem à Jérusalem-Est, actuellement occupée illégalement.

Israël a ensuite accueilli les étapes entre Haïfa et Tel Aviv (samedi 5 mai) et au départ de Beer-Sheva (dimanche 6 mai), d’où les coureurs ont traversé le désert du Néguev pour relier le port d’Eilat sur la mer Rouge.

La course met en vedette certains des meilleurs cyclistes du monde, dont Chris Froome, qui ambitionne de devenir le premier coureur de l’ère moderne du cyclisme à détenir simultanément les trois grands titres de ce sport : ceux du Tour de France, de la Vuelta (Tour d’Espagne) et le Giro d’Italia.

Les coureurs de Team Sky se préparent pour une séance d’entraînement avec les membres de l’équipe junior israélienne à Jérusalem (Reuters)

La course met également en lice des équipes parrainées par les Émirats arabes unis (EAU) et Bahreïn.

L’organisation de la course est un sujet particulièrement sensible car elle coïncide avec les célébrations marquant le 70anniversaire de l’indépendance d’Israël, quelques jours à peine avant la commémoration par les Palestiniens du 70anniversaire de la Nakba au cours de laquelle plus de 750 000 personnes furent, en mai 1948, expulsées de leurs terres et déplacées de force.

Une carte illustrée de l’itinéraire de la course, publiée sur le fil Twitter du Giro, présentait la vieille ville de Jérusalem et la mosquée du dôme du Rocher.

Traduction : « #Giro101 par @VettoriFabio. Profitez ! #Giro »

Depuis l’annonce du tracé, l’année dernière, le mouvement BDS a milité en faveur de la relocalisation de la course, arguant qu’en confier l’organisation à Israël équivaudrait à lui octroyer le « sceau d’une approbation » pour « violations du droit international et des droits de l’homme palestiniens ».

« Tout comme il aurait été impensable que le Giro d’Italia parte de l’Afrique du Sud de l’apartheid des années 1980, il est inacceptable de donner le départ de la course depuis Israël, car cela revient à cautionner l’oppression des Palestiniens par Israël », a déclaré le mouvement sur son site officiel.

Suite au dévoilement du tracé de la course en novembre dernier, les groupes de défense des droits ont publié une déclaration commune appelant les organisateurs de RCS Sport à transférer le départ de la course dans un autre pays, sans quoi le sentiment d’impunité que ressent Israël en s’en trouvera exacerbé ».

En réponse, le RCS Sport, organisateur du Giro, a déclaré que la course se déroulait en Israël dans le cadre de « l’internationalisation de l’événement », comme véhicule pour « exporter tout ce qui est italien dans le monde entier ».

Le directeur de course, Mauro Vegni, a déclaré en septembre : « En fait, nous voulons que cette compétition reste un événement sportif, loin de toute considération politique ».

Saied Timraz, vice-président de la Palestinian Motorsport, Motorcycle and Bicycle Federation, a déclaré qu’il était « déraisonnable » d’organiser en Israël un événement aussi prestigieux, au moment même où les athlètes palestiniens se voient nier leurs droits fondamentaux par les autorités israéliennes.

Le parcours de la course reste à l’intérieur des frontières internationalement reconnues d’Israël (RCS Sport)

« Israël instrumentalise le sport pour faire oublier ses violations flagrantes contre les Palestiniens et est particulièrement désireux d’accueillir cet événement car les participants auront l’occasion de déambuler dans les rues et feront à leur retour la promotion d’une image civilisée d’Israël », a déclaré Timraz à MEE.

« On ne doit certes pas mélanger sport et politique, mais rien ne saurait justifier de récompenser des coupables ».

Timraz affirme que les autorités israéliennes lui ont refusé, ainsi qu’à six autres athlètes palestiniens, le permis de sortie de Gaza en novembre dernier, où il devait participer aux Championnats arabes 2017 d’athlétisme, organisés par l’Association arabe d’athlétisme arabe en Tunisie.

« Ce n’est pas la première fois qu’ils nous refusent le droit de participer à des compétitions internationales », a déclaré Timraz.

« Les autorités israéliennes ont l’intention d’imposer de sévères restrictions à la participation de Palestiniens à ce genre d’événements, car ils en profiteraient pour dénoncer leurs souffrances et montrer la sombre réalité de l’occupation. »

Traduit de l’anglais (original) et actualisé par Dominique Macabies.

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