À Fréjus, le FN soigne ses commerçants et danse sur les ruines de la droite locale
FRÉJUS, France - Les stores colorés se balancent aux balcons des immeubles alignés avec vue sur la mer. Comme tant d’autres cités balnéaires, Fréjus, 54 000 habitants l’hiver, attend le début de la saison estivale. Avec un tiers de résidences secondaires recensées par l’Institut national des statistiques (INSEE), les touristes et visiteurs attirés par le soleil et les eaux calmes de la Méditerranée représentent une part importante de l’activité de la ville.
Le chômage dépassait les 16 % au dernier recensement de l’INSEE en 2013. Contrairement à Cannes ou à Saint-Raphaël, ses voisines starlettes de la croisette, Fréjus est une ville moyenne. L’activité de la ville repose sur ses commerçants et ses petits entrepreneurs, une tranche de la population choyée par la mairie remportée par le Front national (FN) en 2014 avec l’élection de l’enfant du pays, David Rachline, devenu depuis sénateur-maire.
À quelques pas de la place du marché et du bureau de poste de Fréjus-Plage, une commerçante le reconnaît volontiers : « La municipalité est à notre écoute. À chaque fois que j’ai eu un problème, ils m’ont répondu rapidement ». Une Fréjussienne qui s’estime doublement satisfaite : « En tant qu’habitante je ne me plains pas non plus. Les impôts n’ont pas augmenté depuis 2014 ».
C’est un fait que personne ne contestera à la municipalité frontiste. La dette de la ville a diminué sans entraîner d’augmentation des charges pesant sur les administrés. Pour cela, la mairie vend des terrains municipaux et réduit l’investissement à son minimum.
Une privatisation de l’espace public contestée
Une politique qui, à court terme, porte ses fruits : 36 millions d’euros ont ainsi été récoltés dans les premières années du mandat de l’équipe de David Rachline pour une réduction de la dette de 14 millions d’euros. Dette qui s’élève encore à 137 millions d’euros.
Mais pour Philippe Mougin, membre de l’opposition pour le parti Les Républicains (LR) et élu de la ville depuis 34 ans, cette politique n’a pas été pensée à long terme : « Les terrains vendus à des promoteurs immobiliers laissent place à des immeubles d’habitation ». Selon ses estimations, la population de la ville devrait augmenter de 3 000 habitants d’ici 2020. Or, sans politique d’investissement pensée dès aujourd’hui, il y aura alors un manque criant de services, tels que les crèches ou les écoles, et un réseau d’équipement inadapté. Un lourd fardeau laissé aux futures municipalités. »
« Depuis son arrivée, la municipalité noyaute les associations. Ceux qui résistent sont expulsés »
-Franck Rive, président du CAVEM
Cette politique foncière est également critiquée par le collectif de la Communauté d’agglomération Var Estérel Méditerranée (CAVEM) qui évoque une privatisation de l’espace public. Une pétition contre un projet d’hôtel que la mairie souhaitait implanter sur la place de la République, espace réservé aux boulistes et aux étals des commerçants les jours de marché, a d'ailleurs rassemblé plus de 2 500 signatures.
Pour Franck Rive, président du comité, le maire sacrifie le patrimoine de la ville « au risque d’une privatisation de l’espace public ». Une contestation qui n’est pas du goût du maire : le Comité de défense des intérêts généraux de Fréjus-Plage, à l’origine de la pétition, et dont le local est situé sur la place de la République depuis 1927, a été prié de déménager.
« Il en va ainsi dans le monde associatif à Fréjus », explique Franck Rive. « Depuis son arrivée, la municipalité noyaute les associations. Ceux qui résistent sont expulsés ». Le premier à en faire les frais est le centre social Les Tournesols, dans le quartier de Villeneuve.
Sa présidente, Sandrine Montagard critique en 2014 la décision de la municipalité de baisser les subventions accordées aux centres sociaux. La convention de mise à disposition des locaux municipaux au centre est rompue dès le 31 décembre de la même année.
Des querelles politiques que balaie d’un revers de la main un Fréjussien concentré sur la lecture du journal local. Marseillais de cœur, habitant de Fréjus depuis 30 ans, il coule une retraite tranquille sous le soleil de la Côte d’Azur : « J’ai voté pour David Rachline et je le soutiens. Voyez comme il embellit le front de mer ».
À quelques pas de là, des travaux sont en cours pour rénover le terre-plein central de la route principale. Pour lui, les médias propagent des contentieux politiques et dénigrent la décision de la population : « Il a été élu démocratiquement, il est soutenu ». Dans sa boutique une commerçante renchérit : « Ce ne sont que des querelles politiques. En attendant, il fait mieux que la municipalité précédente ».
« Un rapport compliqué avec le sud de la Méditerranée »
Il faut dire que l’élection de David Rachline a bénéficié de batailles internes au sein du parti Les Républicains. Le maire LR sortant, Élie Brun, a tenu à se maintenir au second tour alors qu’il était arrivé en troisième position face à son second démissionnaire, Philippe Mougin.
L’ancien maire, condamné depuis pour prise illégale d’intérêt dans le cadre de l'attribution d'une concession d'une plage privée, est désigné comme responsable de cette débâcle qui a précipité la chute de l’ancienne majorité.
Fréjus, comme six autres communes en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) en 2014, est alors devenue frontiste. « Nous avons un rapport compliqué avec le sud de la Méditerranée », souffle un habitant pour préciser les raisons du vote.
Au détour d’un carrefour, une plaque lustrée commémorant « les morts ayant donné leur vie pour la France en Algérie » vient le rappeler. Symbole de ce passé pas encore tout à fait digéré, le projet de mosquée de la ville est au cœur d’un feuilleton judiciaire à rebondissements. David Rachline souhaite la faire raser au motif qu'elle a été construite dans des conditions irrégulières.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, si elle reconnaît les infractions relatives au permis de construire, a estimé qu’il n’était pas nécessaire de détruire le bâtiment.
Le volet pénal de ce feuilleton judiciaire devrait donc prendre fin, et la mosquée pourra continuer d'accueillir les 500 à 600 fidèles qui viennent prier chaque vendredi depuis son ouverture en janvier 2016. Directeur de campagne de Marine Le Pen pour la présidentielle, David Rachline, lui, se concentre sur l'échéance électorale à venir.
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