Les habitants affamés d’une ville syrienne assiégée implorent de l’aide
La situation dans la ville syrienne assiégée de Madaya continue de se détériorer : les habitants sont condamnés à mourir de faim ou à braver les mines terrestres et les snipers dans le but de chercher désespérément le peu de nourriture qui reste.
« Nous avons oublié le goût du pain », a déclaré à l’AFP Mohamed (27 ans) depuis la ville située près de la frontière libanaise.
« La situation est désormais dramatique », a-t-il dit.
« Tout est épuisé, ils n’ont plus rien du tout », a expliqué à Middle East Eye Raed Bourhan, un intermédiaire du Times qui aide les journalistes étrangers à couvrir le conflit. « Il n’y a pas de nourriture, pas de carburant, pas de médicaments pour les maintenir en vie plus longtemps. »
« Les arbres ont en grande partie été coupés pour se chauffer et il n’y a pas de carburant », a continué Bourhan, qui est originaire de Zabadani.
L’hiver a aggravé la situation, de fortes chutes de neige en fin de semaine dernière recouvrant une grande partie de cette région montagneuse frontalière.
« Les gens avaient pris l’habitude de ramasser de l’herbe et des plantes, de les manger ou de les faire bouillir, mais avec la neige, ils ne peuvent même plus le faire », a ajouté Bourhan.
Il y aurait environ 40 000 personnes, essentiellement des civils, dans cette ville de la province de Damas, près de la frontière libanaise. Beaucoup d’entre eux seraient des déplacés du bastion rebelle voisin de Zabadani.
Selon Bourhan, il reste encore à Zabadani des centaines de combattants, principalement d’Ahrar al-Sham, bien que les rapports varient.
La région est considérée comme importante sur le plan stratégique car il s’agit de la dernière partie de la frontière libano-syrienne, en grande partie sous le contrôle du Hezbollah, encore dans les mains des rebelles.
Les deux villes ont été encerclées par les forces gouvernementales et les combattants du Hezbollah en 2014, mais un accord de six mois a été conclu l’été dernier pour permettre à l’aide humanitaire d’arriver et aux civils et blessés de partir. En échange, les rebelles ont accepté de relâcher leur emprise sur deux villes tenues par le gouvernement, Fuaa et Kafriyeh, dans la province d’Idlib.
Bien qu’un premier acheminement d’aide soit parvenu et que certains combattants et civils aient été évacués, aucune livraison ultérieure n’a eu lieu. Il y aurait aussi de graves pénuries de nourriture et autres ressources essentielles à Fuaa et Kafriyeh, qui restent également en état de siège et où le gouvernement n’a pas été en mesure de parachuter des provisions au cours des dernières semaines.
Toutefois, selon Bourhan, le siège de Madaya a été exacerbé par la mainmise du Hezbollah sur la ville.
« Le Hezbollah a reçu l’ordre de tenir le siège et c’est exactement ce qu’il fait. Alors que l’on pourrait être en mesure de soudoyer des soldats du régime pour qu’ils laissent passer certaines provisions, le Hezbollah est extrêmement strict », a déclaré Bourhan à MEE.
Selon l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme basé au Royaume-Uni, au moins dix personnes sont mortes en raison du manque de nourriture et de médicaments dans la ville.
Treize autres ont été tuées par des mines ou des snipers du gouvernement tandis qu’elles essayaient de partir à la recherche de nourriture, selon le groupe.
L’Observatoire a indiqué que les combattants du Hezbollah, qui se battent aux côtés du président syrien Bachar al-Assad, avaient également placé des mines et des barbelés supplémentaires autour de Madaya depuis l’accord du mois de septembre, ajoutant qu’environ 1 200 personnes souffraient de maladies chroniques dans la ville et que plus de 300 enfants y souffrent de malnutrition et d’autres maladies.
Cependant, le nombre de morts pourrait être encore plus élevé : un article de Vice News fait état de 31 habitants morts – soit à la suite du siège, soit en tentant de fuir.
Des sources à l’intérieur de la ville et en charge des négociations affirment que des discussions sont en cours pour y acheminer de l’aide dans les prochains jours, mais il reste difficile de savoir si et quand le siège sera levé.
Momina, une habitante de 32 ans, a confié par téléphone à l’AFP qu’elle ne savait pas si elle serait capable de supporter cela beaucoup plus longtemps.
« Il n’y a plus rien à manger. Je n’ai avalé que de l'eau depuis deux jours », a-t-elle rapporté.
Le directeur de l’Observatoire, Rami Abdel Rahman, a déclaré dans un communiqué que « de nombreux habitants de la ville ont été contraints de survivre en se nourrissant de mauvaises herbes, et d’autres de payer d’énormes sommes d’argent aux postes de contrôle du gouvernement pour obtenir de la nourriture. »
« Un habitant qui souffrait vraiment a mis sa voiture en vente pour le prix de 10 kilos de riz. Il est l’un des nombreux à avoir fait cela. Il n’a pas réussi à la vendre et un de ses proches est décédé à la suite de la pénurie alimentaire », a-t-il ajouté.
Diverses sources à l’intérieur de la ville ont rapporté qu’un sac de lait peut coûter jusqu’à 100 dollars (soit 93 euros), un kilo de riz 150 dollars (140 euros) et de farine 100 dollars (92 euros). Le carburant est encore plus cher, atteignant plusieurs centaines de dollars pour quelques litres. Un Syrien moyen ne gagne généralement pas plus de 200 dollars (186 euros) par mois.
Pawel Krzysiek, un porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge, qui est entré à Madaya lors de la dernière livraison d’aide humanitaire, a déclaré que la situation était déjà si mauvaise à l’époque que même les mères allaitantes ne produisaient plus de lait parce qu’elles étaient sous-alimentées.
« Il n’y a pas moyen de nourrir les nouveau-nés et les jeunes bébés », a-t-il indiqué dans un communiqué.
Krzysiek a précisé que le CICR et le Croissant-Rouge syrien espéraient être en mesure d’apporter une aide à Madaya « dès que possible ».
« Les livraisons ponctuelles ne sont pas une solution », a-t-il déclaré.
« Dans des endroits comme celui-là, qui n’ont pas reçu d’aide pendant des mois, voire des années, il faut vraiment livrer régulièrement pour s’assurer que les gens ont assez de nourriture pour eux-mêmes et leur famille. »
Bourhan a expliqué que la seule solution durable « à la catastrophe de Madaya » était de faire pression sur les gouvernements et le Conseil de sécurité des Nations unies afin qu’ils s’unissent et agissent immédiatement.
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Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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