Politique internationale, Moyen-Orient, laïcité, réfugiés… le programme d’Emmanuel Macron
Que réserverait une présidence Macron pour la politique étrangère de la France, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ? Et, au niveau national, quelles sont les positions du finaliste à la présidentielle sur des questions comme la laïcité, la place de l’islam et des musulmans en France, l’accueil des réfugiés ou encore la lutte contre le terrorisme ?
Middle East Eye fait le point.
Le volet international du programme d’Emmanuel Macron souhaite s’inscrire dans une vision d’indépendance : « Je souhaite mettre en œuvre une diplomatie claire et résolue, dans la tradition gaulliste et mitterrandienne, pour faire de la France une puissance indépendante, humaniste et européenne ».
Voilà pour le principe. Apparemment loin du néo-atlantisme suivi par Nicolas Sarkozy et François Hollande. Mais qu’en est-il en détails ?
D’abord, « l’Europe toute » pourrait être le mot d’ordre d’Emmanuel Macron. Le finaliste du premier tour s’est positionné en effet comme le plus européen des onze candidats au cours de sa campagne. À son programme, quelques points forts, comme attribuer à la zone euro un budget, un parlement et un ministre de l’Économie. Macron est également le seul candidat favorable au CETA, le traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne.
En ce qui concerne la place de la France dans le monde, Emmanuel Macron élabore une vision qui prend appui sur quatre cercles qu’il souhaite visiblement voir agir en synergie : les forces nationales, les traités européens, qui prévoient des clauses de protection réciproque, l’OTAN et le système des Nations unies.
Plus précisément, en ce qui concerne l’OTAN, il affirme que « la France n’a pas intérêt à remettre en cause sa place au sein du commandement intégré ». Elle veillera seulement « à limiter les interventions de l’OTAN en dehors de sa zone géographique aux seuls cas où les intérêts de la France sont directement concernés ».
« Je souhaite faire de la France une puissance indépendante, humaniste et européenne »
Emmanuel Macron note ainsi qu’après le Brexit, la France est le seul membre permanent de l’Union européenne disposant du droit de veto à l’ONU. Il entend en faire un levier « pour faire prévaloir dans cette enceinte les intérêts et les positions communes de l’Union ». Il plaidera pour un élargissement du Conseil de sécurité, estimant que « l’Allemagne, le Japon, l’Inde, le Brésil et un pays africain » devraient accéder au statut de membre permanent du Conseil de sécurité.
Vis-à-vis des États-Unis et de la Russie, dans un climat de néo-guerre froide, Emmanuel Macron semble avoir choisi son camp, mais de façon feutrée. Si, dans son programme de politique étrangère, il indique d’emblée que « la présidence de Donald Trump inquiète nos concitoyens », il ajoute que « notre proximité avec les États-Unis et avec nos alliés est une chance ».
Cependant, il note aussi que la perspective d’un désengagement accru des États-Unis, autant que les défis de sécurité croissants auxquels l’Europe est confrontée, obligent la France à se doter « d’une politique étrangère et de défense européenne ». Seulement, il n’inscrit pas celle-ci dans une Europe à 27, mais dans un Europe à géométrie variable en partenariat avec « les États membres qui sont prêts à avancer ».
Le ton envers la Russie est sans ambages, semblant même s’opposer à tout rapprochement : « La Russie de Vladimir Poutine mène une politique étrangère dangereuse qui n’hésite pas à s’affranchir du droit international ».
S’il note que l’Europe « a vocation à s’entendre » avec la Russie, sur la situation en Ukraine, Emmanuel Macron estime que les sanctions « existent et elles seront nécessaires tant que les accords de Minsk [signés en septembre 2014 pour instaurer un cessez-le-feu en Ukraine] ne seront pas respectés », tout en envisageant de les lever « si la situation en Ukraine nous y engage ».
Il précise en outre que le dialogue OTAN-Russie ne doit pas être « abandonné ».
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Pour la Syrie, Emmanuel Macron s’est dit en faveur d’une intervention militaire française en Syrie si la responsabilité du régime de Bachar al-Assad dans l’attaque chimique d’Idleb est établie. Autre condition posée, que cette intervention se fasse sous l’égide de l’ONU, où la Russie dispose d’un droit de veto. Mais sur ce point, Emmanuel Macron déclare dans son programme être favorable « à un encadrement précis du droit de veto dans des risques avérés de crimes de masse ».
Plus largement, contrairement à la politique menée par François Hollande, « l'extermination du régime de Bachar al-Assad » ne doit pas, selon lui, constituer « un préalable à toute décision », car l’objectif demeure « la lutte contre Daech, le Front al-Nosra, etc. » Emmanuel Macron entend privilégier le dialogue politique tout en refusant de laisser « les États-Unis et la Russie, qui sont par ailleurs profondément opposés, décider du sort de la Syrie ».
En somme, une politique à mi-chemin où le président d’En Marche ! tranche entre le soutien ostensible apportée à la rébellion par François Hollande et la politique du dialogue avec le régime alaouite prônée par certains candidats, comme Marine Le Pen.
Sur le dossier Palestine-Israël, Emmanuel Macron s’inscrit dans la tradition française : « La sécurité d’Israël est pour nous un principe intangible, de même que la légitimité de l’État palestinien. Nous devrons rechercher les conditions d’une paix juste et durable, qui permette aux deux États de coexister en sécurité ».
Il s’est en revanche positionné contre la reconnaissance unilatérale de la Palestine, déclarant sur la radio communautaire juive Radio J le 9 avril dernier que cela « ne sert à rien ». Il est en outre opposé au mouvement de Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS), affirmant sur la même radio que l’appel au boycott relève de « méthodes antisionistes et donc profondément antisémites ».
Les relations de la France avec l’Arabie saoudite sont aussi abordées par le candidat alors que la diplomatie menée par Nicolas Sarkozy et François Hollande a semblé trop alignée sur les monarchies sunnites. Emmanuel Macron estime que la France devrait « parler à l’Arabie Saoudite et à l’Iran » sans « s’ingérer dans le jeu d’influence de ces deux puissances ».
Négliger l’Iran, ou s’opposer à la politique de ce pays, serait « une erreur » qui déséquilibrerait « la présence française ». Tout comme « c’est une erreur d’être trop favorable à l’Arabie saoudite, comme cela a pu être le cas par le passé ». Encore une fois, une position à mi-chemin, posant qu’« il faut mener une politique de dialogue exigeant avec ces deux puissances régionales ».
Exigence à l’égard de l’Iran en matière de nucléaire et de non-prolifération. Il précise toutefois que si l’ouverture vers l’Iran devra se poursuivre, c’est à la condition que ce pays respecte « l’accord nucléaire de 2015 » et « concour[e] à la stabilité régionale ».
Exigence aussi à l’égard de l’Arabie saoudite, « qui doit avoir une politique de responsabilité et en aucun cas accepter quelque connivence que ce soit avec des mouvements qui promeuvent la violence et le terrorisme ». Interrogé sur les ventes d’armes à Riyad, le candidat a botté en touche, estimant qu’« il n’y avait pas eu tant de ventes que cela ». Or, l’Arabie saoudite et le Qatar sont les deux premiers acheteurs d’armes françaises, avec respectivement 12 milliards de contrats pour l’une et 8 milliards pour l’autre.
Toujours au Moyen-Orient, la France « restera engagée au Liban », considéré comme un protectorat historique de la France.
Par rapport à la Turquie, le ton est prudent, considérant qu’en raison de « ce qui s’y passe, les conditions de l’entrée de la Turquie dans l’Union ne sont clairement pas réunies et l’évolution récente de ce pays ne laisse pas entrevoir une évolution positive de ce point de vue. Néanmoins, l’Europe ne doit pas fermer la porte à la Turquie ».
Les relations toujours délicates avec l’Algérie sont abordées de façon indirecte. Qualifiant la France de « puissance humaniste », Emmanuel Macron estime que la diplomatie française doit « se concentrer sur l’Afrique sub-saharienne, le Sahel, le Maghreb, les pays en crise et l’espace francophone ».
Mais au-delà de ces mots neutres et convenus, le numéro d’équilibriste auquel s’était livré le candidat par rapport à la sourcilleuse Algérie dit peut-être quelque chose d’une future politique. La colonisation française est « un crime contre l’humanité », avait affirmé en février dernier Emmanuel Macron alors en visite en Algérie.
Ces propos étaient censés venir corriger ceux tenus en novembre 2016, quand il avait affirmé que dans « la réalité de la colonisation », « il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie ». De retour en France, devant le tollé, il avait opéré un étonnant retournement rhétorique, parlant de « crime contre l’humain ».
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Concernant l’accueil des réfugiés, Emmanuel Macron entend que la France prenne « ses responsabilités ». Il inscrit cette question dans la coopération européenne sur ce sujet et appelle à renforcer « le contrôle maîtrisé et plus strict des frontières », ainsi que « la lutte contre les filières et les réseaux criminels, [avec une] répartition équilibrée de l’accueil entre les pays européens ». La refonte du droit d’asile est aussi au programme, afin d’« accélérer » les procédures.
Quant à la Libye, il aborde également la question sous l’angle des réfugiés, avec toujours l’Europe en levier d’action afin « de stabiliser la Libye et de juguler ainsi les trafics d’êtres humains qui provoquent des drames insupportables en Méditerranée ».
Plus largement, le candidat d’En marche ! considère l’immigration, notamment l’accueil d’étudiants étrangers en provenance d’Afrique notamment, comme une « chance et une fierté ». Il ne propose pas de modification de la législation actuelle et entend surtout favoriser une meilleure intégration des étrangers.
Le terrorisme et notamment la lutte contre l’État islamique sont largement abordés dans le programme du candidat : « Les réseaux terroristes d’al-Qaïda et de Daech constituent un enjeu stratégique pour la France ». Ce constat une fois posé, le candidat ajoute qu’« il faut comprendre en quoi, en France, il y a un ‘’terreau”, et en quoi ce terreau est notre responsabilité ». Il place ainsi la question du terrorisme à la jonction « de batailles économiques, sociales, culturelles, spirituelles ».
« Il faut comprendre en quoi, en France, il y a un "terreau" [pour le terrorisme], et en quoi ce terreau est notre responsabilité »
Le terrorisme ne serait donc pas seulement « une menace extérieure », mais une question qui oblige à regarder « en face le fait que notre société, notre économie a aussi produit de l’anomie, de l’exclusion, des destins individuels qui ont pu conduire certaines et certains à aller jusqu’à ces atrocités », ajoutant que « l’idéologie islamiste [...] n’aurait pas une emprise si grande sur les jeunes Français si la République n’avait pas laissé tomber une partie de sa jeunesse. »
Enfin, la question de la laïcité, qui scande et polarise, est évidemment abordée dans son programme. S’inspirant de la loi de 1905 qui pose les bases de la laïcité en France, Emmanuel Macron note, comme pour se démarquer des débats incessants sur ce sujet, que « les discours sur la laïcité sont conflictuels. Les pratiques […] plus sereines ». Et d’ajouter : « La République doit permettre à chacun de vivre dans l’intensité de ses convictions dès lors qu’elles n’interfèrent ni avec celles d’autrui, ni avec les règles communes ».
La place de l’islam, deuxième religion pratiquée dans la France contemporaine, n’appelle pas, selon lui, à une révision de la loi de 1905. Il entend toutefois que l’État aide « les musulmans de France à poursuivre la structuration d’institutions représentatives de leur religion dans le pays. Pour lutter de façon déterminée contre toutes les dérives radicales qui détournent les valeurs de cette religion ».
Deux axes sont posés : formation des imams sur le sol français de façon adaptée aux valeurs de la République ; lutte contre l’idéologie djihadiste, notamment par la fermeture des lieux de culte qui la promeuvent.
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Quant à l’interdiction des signes religieux ostensibles à l’école, elle fait l’objet « d’un large consensus social ; elle doit donc être maintenue ». Cependant, elle ne doit pas être étendue à l’université, où « les étudiants sont majeurs et responsables ».
En ce qui concerne le burkini, son interdiction « était justifiée à certains endroits, pour des raisons d'ordre public [...]. Il est indispensable de mener une bataille politique, idéologique, pour dire que ce vêtement est contraire à l'idée que nous nous faisons de la civilité et de l'égalité entre homme et femme ».
« La République doit permettre à chacun de vivre dans l’intensité de ses convictions dès lors qu’elles n’interfèrent ni avec celles d’autrui, ni avec les règles communes »
Mais Emmanuel Macron a estimé dans le même temps qu’« il est indispensable de défendre la liberté individuelle si certains veulent s'habiller d'une certaine façon. C'est une formidable défaite de voir des policiers arriver sur une plage et demander à une femme, au nom de la laïcité, de ne plus porter un burkini ».
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