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Après le Brexit, les gros bonnets conservateurs s’apprêtent à façonner la politique au Moyen-Orient

Trois députés de premier plan du parti conservateur, dont deux défenseurs du « Leave » et une partisane du « Remain », sont en première ligne pour prendre le relais de Cameron au poste de Premier ministre

Les bulletins de vote ont été comptés, David Cameron a annoncé sa démission en tant que Premier ministre et la Grande-Bretagne est officiellement sur la voie de la sortie de l’UE à l’issue d’un référendum choc qui va également mener une nouvelle clique de conservateurs plus à droite aux plus hauts échelons du gouvernement.

Il reste beaucoup de choses à négocier au cours des mois à venir, et les personnes pressenties pour succéder à Cameron façonneront non seulement les relations avec l’UE, mais aussi des domaines tels que la défense, les affaires étrangères et l’immigration, affectant ainsi le Moyen-Orient.

Middle East Eye a compilé des informations sur les trois successeurs les plus probables de Cameron, dont deux ont été des figures de premier plan du camp pro-Brexit, tandis que la troisième a suivi un équilibre délicat.

Boris Johnson, ancien maire de Londres et ancien député conservateur

L’ancien maire de Londres, qui a siégé à deux reprises en tant que député conservateur, est surtout connu pour sa chevelure excentrique, ses facéties ineptes et, à un degré moindre, ses volte-face politiques.

Malgré son éducation très britannique (Eton, puis Oxford), Johnson avait un grand-père turc. L’ancien journaliste a souvent parlé de son amour pour ce pays.

En 2006, Johnson a réalisé un documentaire pour la BBC qui plaidait effectivement en faveur de l’adhésion de la Turquie à l’UE, et dans lequel il a affirmé croire « que notre génération [avait] une chance historique [...] de construire un pont entre le monde islamique et le monde chrétien » et que les deux moitiés de l’ancien Empire romain pouvaient être « réunies dans une UE élargie ».

« L’ironie suprême est que ceux qui empêchent les Turcs d’adhérer à l’UE au motif qu’ils sont non européens radient ainsi la cité qui a été pendant mille ans le cœur de l’Empire romain et qui a préservé notre civilisation européenne », a-t-il soutenu dans le film.

Cette rhétorique entre en contradiction avec sa campagne en faveur du « Leave » lors du référendum pour le Brexit, pour laquelle il a lancé des affiches et pesté contre l’adhésion de 75 millions de Turcs à l’UE, ce que ses détracteurs ont fustigé comme une manœuvre visant à « attiser les flammes des préjugés ».

Plus tôt cette année, Johnson a également remporté le concours controversé du poème « le plus offensif » au sujet d’Erdoğan, dans lequel il a insulté le dirigeant turc de « connard » et insinué qu’il avait eu des rapports sexuels avec des chèvres, propos qui devraient probablement rendre les futures rencontres entre les deux hommes plus que tendues.

De même, alors que Johnson a précédemment écrit que l’UE avait apporté plusieurs décennies de paix au continent, il a depuis fait marche arrière, affirmant que cet argument était « totalement pourri ».

En termes de politique au Moyen-Orient à plus large échelle, Johnson s’est montré très ouvert au sujet de sa conviction que le Royaume-Uni a besoin d’avoir des relations de travail plus étroites avec les riches monarchies du Golfe et aurait notamment déclaré que Londres était devenue le « huitième émirat » suite à des liens de plus en plus étroits.

Le succès des investissements a cependant été mitigé. Alors que Dubaï a investi 2 milliards de dollars dans London Gateway, un nouveau port en eau profonde, Johnson a également courtisé des investissements du Golfe moins heureux, dont les télécabines Emirates Air Line à Greenwich, projet en proie à des difficultés financières.

Il a également été fortement critiqué pour avoir accepté des vols en première classe et des séjours dans des hôtels de luxe offerts par des États arabes riches en pétrole et des hommes d’affaires.

Cependant, ses relations étroites avec le Golfe ne se sont pas nécessairement traduites en un soutien pour leurs positions à l’étranger. Alors que Johnson a voté en faveur des frappes contre le groupe État islamique en Syrie l’année dernière, sa position au sujet du président syrien Bachar al-Assad et de ses alliés russes a été hésitante mais conciliante.

Johnson a voté pour l’invasion de l’Irak en 2003, mais a qualifié par la suite l’ancien Premier ministre Tony Blair de « client semblable à une anguille », avant de l’accuser d’être « détraqué » sur la question de l’Irak.

Plus tôt cette année, il a écrit une colonne controversée. « Bravo Assad : c’est un tyran ignoble, mais il a sauvé Palmyre de [l’État islamique] », a-t-il affirmé, écrivant également qu’il était nécessaire de travailler en étroite collaboration avec le président russe Vladimir Poutine et Assad, car ils représentent la meilleure chance de battre l’État islamique.

Johnson présente également un bilan mitigé en matière d’immigration.          

En 2013, lorsqu’il était encore maire de Londres, il a fièrement écrit qu’il était « le seul homme politique britannique qui admet être en faveur de l’immigration ».

Descendant d’immigrés, il a soutenu que les « talents » ayant quelque chose à proposer devaient être autorisés à entrer au Royaume-Uni, un message qui est bien passé auprès de ses électeurs londoniens d’alors, qui ont voté massivement pour rester dans l’UE.

Alors que l’idée d’un système de points permettant aux personnes talentueuses ayant les compétences nécessaires d’entrer au Royaume-Uni a été saluée par certains partisans du camp du « Leave », le ton était décidément anti-immigrés.

« Il est temps de reprendre le contrôle de notre argent, des 8,5 milliards de livres sterling par an que nous envoyons à Bruxelles, somme dont nous ne revoyons jamais la couleur et qui serait suffisante pour construire un nouvel hôpital au Royaume-Uni toutes les semaines », a-t-il écrit pour le Sun en mars. « Il est temps de reprendre le contrôle de nos frontières et de mettre fin à l’immigration incontrôlée. »

Le maire actuel de Londres, Sadiq Khan, candidat pro-UE du Parti travailliste qui a remplacé Johnson, l’a accusé de commencer « avec des platitudes sur l’immigration », puis de mener une campagne qui « n’a pas été "Project Fear", mais "Project Hate" ».

Theresa May, secrétaire d’État à l’Intérieur

Theresa May, qui a fait campagne dans le camp du « Remain », a cependant pris soin de souligner ses objections contre de nombreuses composantes de la relation entre la Grande-Bretagne et l’UE, en particulier la soumission du Royaume-Uni à la Cour européenne des droits de l’homme.

Elle a également été une voix fervente du parti dans l’opposition à l’immigration, rejetant les programmes de l’UE en matière de réinstallation des réfugiés et repoussant initialement les appels visant à autoriser plusieurs milliers de mineurs non accompagnés à entrer au Royaume-Uni.

Depuis qu’elle est devenue secrétaire d’État à l’Intérieur en 2010, cette diplômée d’Oxford et députée de longue date de Maidenhead (une circonscription à l’ouest de Londres) a activement fait campagne pour expulser des terroristes présumés et déchu 33 personnes de leur citoyenneté britannique pour des raisons de terrorisme.

Elle a mené une bataille interminable mais finalement couronnée de succès pour expulser Abou Qatada, un prédicateur musulman qui prônait la violence, et a permis son transfert en Jordanie en 2013.

Cependant, ses efforts pour expulser d’autres suspects accusés d’avoir des liens terroristes ont été frustrés par les tribunaux, qui ont parfois refusé d’autoriser le renvoi de personnes dans des pays où ils pourraient risquer la torture.

À la fin de l’année dernière, elle est passée à l’offensive en déclarant que « la partie [était] finie » pour les membres de groupes militants radicaux, même si elle a donné peu de détails sur ses intentions.

Elle a également affirmé que les gouvernements conservateurs futurs se battraient pour faire en sorte que la citoyenneté soit accordée seulement à ceux qui ont adopté les valeurs britanniques.

May a également sévi contre les étudiants en expulsant plusieurs milliers d’entre eux après la découverte de fraudes lors d’un test d’anglais dans une école suite à une enquête menée par la BBC en 2014.

Alors que la BBC a révélé des problèmes dans une seule école, May a décidé de déchoir près de 60 écoles de leur accréditation et a commencé à rassembler des personnes à expulser. Cette mesure a été rapidement contestée devant les tribunaux, qui ont statué que May avait outrepassé son autorité et ne disposait pas d’informations suffisantes pour expulser des personnes.

« Le Bureau de l’Intérieur s’est comporté comme une dictature de pacotille en détenant des personnes innocentes, en les accusant de charges montées de toutes pièces sans apporter quoi que ce soit pour les étayer, en les privant de leurs droits devant les tribunaux puis en les expulsant », a écrit l’année dernière Ian Dunt, journaliste pour Politics.co.uk.

May a voté en faveur du bombardement de la Syrie en 2013 et en 2015 et a soutenu la décision du gouvernement travailliste d’envahir l’Irak en 2003.

Michael Gove, Lord Chancelier et secrétaire d’État à la Justice

Décrit par un ancien collègue comme un mélange de Jeeves, le loufoque majordome britannique de fiction, et du révolutionnaire Che Guevara, le Lord Chancelier et secrétaire d’État à la Justice Michael Gove, 48 ans, a passé une grande partie de l’année écoulée à faire pression en faveur de la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE.

Comme l’affirment les initiés, Gove a peut-être été le cerveau de la campagne pro-Brexit aujourd’hui triomphante derrière les gros bras de Boris Johnson.

Il a récolté le plus grand nombre de votes pour succéder à Cameron lors d’un récent sondage Internet sur le site ConservativeHome, mais s’est lui-même écarté.

« Je ne veux pas de cette fonction et il y a des gens qui sont beaucoup mieux équipés que moi pour la remplir », a-t-il déclaré au Daily Telegraph.

L’expérience de Gove diffère grandement de celle des autres challengers et des autres membres de son parti. Adopté à l’âge de 4 mois, il a grandi à Aberdeen et a étudié à l’école publique.

Il a été un fervent partisan de l’invasion de l’Irak en 2003 et aurait notamment affirmé que la guerre aurait apporté la démocratie dans le pays et la région. Cinq ans plus tard, il a décrit l’invasion comme un succès en matière de politique étrangère britannique.

Dans son livre daté de 2006, Celsius 7/7, Gove décrit l’islam politique comme une menace semblable au communisme et au nazisme.

Le résumé de l’ouvrage indique que Gove « explore les racines de la rage islamique, les facteurs historiques qui ont abouti à la campagne terroriste actuelle et à l’adaptation difficile du monde musulman à la modernité ».

Au sein du gouvernement, Gove a été la cible de critiques et sujet à des emportements. En août 2013, il a voté en faveur de l’action du Royaume-Uni contre le président syrien Bachar al-Assad et aurait fulminé contre ceux qui s’y sont opposés.

« J’ai regardé le secrétaire d’État anglais à l’Éducation Michael Gove hurler "Une honte, vous êtes une honte !" en s’adressant à un certain nombre de rebelles conservateurs et libéraux-démocrates », a déclaré après le vote Angus Robertson, leader du groupe parlementaire du Parti national écossais (SNP).

La motion a été rejetée par le Parlement.

Il soutient que la campagne mondiale Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) visant à exercer une pression économique et politique sur Israël donne lieu à de l’antisémitisme, et affirme soutenir une proposition d’interdiction pour empêcher les conseils britanniques locaux, le National Health Service (NHS) et les universités financées par l’État d’instituer des boycotts.

« [BDS] appelle à éviter les universitaires juifs, à boycotter les produits juifs, à délégitimer le commerce juif », a-t-il déclaré en mars à Berlin, lors de la troisième Coalition interparlementaire de lutte contre l’antisémitisme. « Nous avons vu tout cela par le passé. Et nous savons où cela nous mène. »

Gove, qui s’est attiré les foudres d’associations et de syndicats d’enseignants lorsqu’il a cherché à élargir les académies pendant son mandat de secrétaire d’État à l’éducation, a perdu son poste de ministre en 2014 lorsque Cameron, un ami proche, l’a rétrogradé au rôle de whip en chef.

Quelques semaines avant sa rétrogradation, la passe d’armes entre Gove et Theresa May sur l’affaire du « cheval de Troie », portant sur l’infiltration présumée d’écoles à Birmingham par des groupes islamiques conservateurs, semble avoir été fatale pour le député.

Cameron avait décidé que Gove était « toxique ». Au sommet de la vague du Brexit, le Parti conservateur post-Cameron pourrait en décider autrement.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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