Le groupe État islamique est-il responsable des attentats à la bombe à Gaza ?
GAZA – Les règles sont semble-t-il en train de changer à Gaza alors que pour la première fois, cinq attentats à la bombe ciblant les branches armées du Hamas et du Jihad islamique ont été perpétrés par des individus revendiquant leur appartenance au groupe État islamique (EI).
Les explosions, advenues le 19 juillet dernier dans le quartier de Cheikh Radwan, un bastion traditionnel du Hamas, ont secoué les résidents, leur rappelant l’assaut dévastateur d’Israël contre l’enclave palestinienne l’année dernière.
Le Hamas a refusé d’admettre la présence de l’EI à Gaza, bien qu’il y ait certainement dans la bande côtière des personnes influencées par le groupe – certains étant même partis combattre en Syrie.
Suite à l’explosion de leurs véhicules, le Hamas et le Jihad islamique ont publié un communiqué conjoint décrivant ceux qui ont exécuté l’attaque comme « un groupe d’hommes de main » s’en prenant aux véhicules des « moudjahidines ».
Les ailes militaires des deux organisations ont dénoncé les attentats comme étant des actes criminels, affirmant qu’ils servaient les desseins d’Israël, qui cherche à semer les graines de la discorde et de la division entre Palestiniens. Toutes deux ont promis de retrouver les coupables.
Ce n’est pas la première fois, ces dernières années, que des attaques coordonnées frappent des groupes politiques à Gaza. En novembre 2014, les domiciles de plusieurs dirigeants du Fatah avaient fait l’objet d’attentats à la bombe, et des véhicules du parti avaient été détruits. Bien que personne n’eût revendiqué ces attentats, le Fatah avait accusé le Hamas d’en être responsable. Ce dernier avait démenti toute implication.
Théories du complot
Les récents attentats à Gaza ont donné lieu à plusieurs théories sur l’identité des commanditaires, en particulier suite aux affirmations d’une possible implication de l’EI.
Des sources au sein des forces de sécurité ont indiqué à Middle East Eye sous couvert d’anonymat que les responsables de ces attentats adhéraient à l’idéologie de l’EI et visaient à déstabiliser et diviser Gaza. La présence d’un logo de l’EI sur des murs près du lieu des explosions a été présentée comme une preuve de cette théorie.
Sur les réseaux sociaux, cependant, certains partisans de l’EI ont déclaré qu’il s’agissait d’un vieux logo et qu’il n’était pas lié aux récentes attaques. Cela dit, nombreux sont ceux qui pensent que le lien avec l’EI est, au moins en partie, avéré.
Une autre théorie du complot qui circule dans certains cercles affirme que l’armée et les services de renseignement israéliens seraient derrière ces attentats. L’idée serait qu’Israël chercherait à profiter des problèmes de la région en menant des attaques attribuées faussement à d’autres groupes afin d’alimenter les tensions et d’encourager le Hamas et le Jihad islamique à combattre les salafistes à Gaza.
Il n’y a toutefois aucune preuve de cela et il semble peu plausible qu’Israël prenne le risque de mener ce genre d’opérations dans le fief du Hamas à Gaza.
Selon une autre théorie, ces attentats ont été perpétrés par des groupes islamistes radicaux proches de l’EI sur le plan idéologique après que l’un de leurs membres a été tué il y a deux mois dans la zone de Cheikh Radwan. Selon ce scénario, la destruction des véhicules aurait été motivée par la vengeance et le désir d’envoyer un message de force au Hamas et à ses dirigeants à Gaza.
Dans ce cas, les attaques contre des chefs du Jihad islamique auraient eu pour but de créer la confusion quant aux motivations des poseurs de bombes.
La confusion règne
Une autre théorie populaire à Gaza est que l’Iran serait derrière ces attentats. Cette théorie, qui elle aussi n’est pas étayée par des preuves, consiste à penser que l’Iran essaie de s’immiscer dans les affaires de Gaza en raison du récent pèlerinage de certains dirigeants du Hamas en Arabie saoudite et de leur rencontre avec le roi Salmane.
Riyad a cependant nié que des réunions à caractère politique aient eu lieu pendant la visite du Hamas.
Certains observateurs à Gaza pensent pour leur part que les attentats ont été perpétrés par d’autres groupes palestiniens dans une tentative de pousser les responsables de la bande côtière à participer à la coalition régionale contre l’EI. Les attentats viseraient ainsi à montrer que le Hamas et le Jihad islamique sont eux aussi victimes de l’EI et que Gaza doit par conséquent contribuer également à cette lutte régionale.
Un facteur de motivation dans cette optique serait de gagner le soutien militaire et financier de l’Arabie saoudite.
Tous ces scénarios contribuent à semer la confusion à Gaza. Personne ne sait véritablement qui est derrière les cinq attentats du 19 juillet ; ce qui est sûr, c’est que tout le monde en parle.
Le fait que la théorie la plus probable soit que les attentats aient été perpétrés par des partisans de l’EI est source de préoccupation, d’autant que les incidents ont eu lieu quelques semaines seulement après la publication d’une vidéo par l’EI menaçant de renverser le Hamas en raison de son manque d’adhésion à son interprétation extrême de la loi islamique.
Pour le Hamas, du moins dans l’immédiat, accuser l’EI est de peu d’utilité dans la mesure où cela projetterait une image de faiblesse. Partant, le Hamas persiste à accuser les dirigeants du Fatah et les services de sécurité de l’Autorité palestinienne à Ramallah, ainsi que leurs soutiens chez les autorités israéliennes – peu importe que cela soit probable ou non. Une façon de conforter la version plus confortable pour lui selon laquelle Israël serait responsable de toutes les souffrances de Gaza.
Photo : des Palestiniens se regroupent sur le lieu de l’explosion d’un véhicule appartenant au Hamas (AFP).
Traduction de l’anglais (original).
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