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Le remaniement saoudien renforce les Sudairi, les jeunes héritiers

Le remaniement a fait du roi Salmane le dernier des fils des fondateurs d'Arabie saoudite à détenir le titre

Beaucoup ont été pris au dépourvu par l'annonce du roi Salmane d'un remaniement du gouvernement en Arabie saoudite – ne fût-ce que parce que la nouvelle a été annoncée à 4 heures du matin.

Depuis sa prise de pouvoir, suite à la mort du roi Abdallah en janvier, beaucoup ont attendu de voir ce qu'il sortirait de sa manche et s'il y aurait des changements politiques majeurs.

Les changements majeurs incluent la nomination du neveu du roi Salmane, Mohammed ben Nayef, comme prince héritier et du fils du roi, Mohammed ben Salmane, comme vice-prince héritier. Ils sont tous les deux relativement jeunes, respectivement 55 ans et une petite trentaine d'années, et ils appartiennent au clan exclusif Sudairi.

A l'opposé, l'ancien prince héritier de 69 ans, Moukrine ben Abdelaziz al-Saoud, est le fils du fondateur du pays Abdelaziz ben Abderrahmane al-Saoud et de Baraka al-Yamaniyah (Baraka la Yéménite), une concubine yéménite, et ce n'est pas un Sudairi.

Le remaniement de mardi a été vu comme une tentative de la part de Salmane de sécuriser son contrôle du pays et de balayer les critiques l'accusant de souffrir de démence.

Khalil Jahshan, directeur exécutif du Centre arabe de Washington à Fairfax, Virginie, décrit le remaniement comme un « tremblement de terre politique d'une grande magnitude ».

« Ceci est une réponse très claire de la part du roi Salmane aux doutes que beaucoup d'experts ont exprimé depuis qu'il a pris le pouvoir à propos de sa santé, de sa capacité à prendre des décisions et de son contrôle sur les affaires politiques du royaume », a-t-il déclaré à Al-Jazeera. « Et ceci est sa réponse sans équivoque. »

Ben Nayef est le premier prince héritier d'Arabie saoudite qui était un petit-fils et non fils d'Abdelaziz ben Abderrahmane al-Saoud, annonçant la montée au pouvoir d'une nouvelle génération de dirigeants saoudiens.

« Il garantit pour nous qui vivons en Arabie saoudite une succession utile », a déclaré Jamal Khashoggi, directeur général d'al-Arab News, à Middle East Eye.

Jamal Khashoggi a suggéré que le roi Salmane a anticipé le phénomène de ce qui s'est produit au cours des dernières années de l'Union soviétique, au moment où les dirigeants se succédaient rapidement suite à leurs décès, avant que le pays ne s'effondre.

« Il a pensé nous ne devrions pas laisser cela arriver en Arabie saoudite, où des dirigeants âgés prennent le pouvoir et gouvernent pendant quelques années, qu'ils meurent, puis que quelqu'un d'autre du même âge prend le pouvoir », a-t-il dit. «  Cela affaiblira l'Arabie saoudite. »

« Donc il s'agit d'une formule pour garantir l'hérédité et une transition simple au pouvoir, qui fortifiera l'Arabie saoudite et la dynastie saoudienne », a ajouté Jamal Khashoggi.

Sécuriser le clan de Sudairi

La marginalisation de l'ancien prince héritier Moukrine pourrait s'avérer controversée pour un certain nombre de raisons, ne serait-ce que parce qu'Abdallah avait décrété précédemment que la nomination de Moukrine en tant que vice-prince héritier était « irrévocable ».

Cela semble aussi verrouiller la succession saoudienne au sein de la lignée de l'influent clan Sudairi, c'est à dire les enfants d'Abdelaziz ben Abderrahmane al Saoud et de Hassa bint Ahmed al Soudayri, une de ses vingt-deux femmes.

« Il s'agit de la prochaine étape dans la destruction des arrangements pour la succession que le roi Abdallah avait établis », a déclaré Andrew Hammond, ancien attaché politique au Conseil européen sur les Relations étrangères, à MEE. « Avec l'évincement de Moukrine comme prince héritier et la lignée de ben Nayef, ils sont vraiment en ruine. Les chances de son fils Mitib d'être roi sont à peu près inexistantes. »

Mitib, qui est à la tête de la Garde nationale, transformée en ministère en mai 2013 au moment de sa nomination, est désormais le seul parent d'Abdallah à occuper une position élevée dans le royaume.

« Moukrine n'a jamais été une figure centrale et le roi Abdallah l'a placé dans une zone tampon entre lui et ben Nayef », a déclaré Madawi al-Rasheed, professeur détaché au Centre du Moyen-Orient à LSE.

« Il n'a pas eu le courage de nommer son propre fils Mitib comme vice-prince héritier, donc Moukrine était une figure transitoire et il n'a pas eu de groupe de soutien sérieux dans la famille royale ou dans la société », a déclaré Madawi al-Rasheed. « Il n'a donc pas fallu attendre longtemps avant qu'il ne soit relevé de ses fonctions et, selon le décret royal, il l'a été en se basant sur sa propre initiative. »

La jeunesse au premier plan

Le positionnement du jeune et charismatique Mohammed ben Salmane pour la fonction au sommet de la hiérarchie est arrivé à la suite de ce que certains ont décrit comme une opération « désastreuse » de l'Arabie saoudite contre les milices houthies au Yémen, pour laquelle le prince était directement responsable en tant que ministre de la Défense.

Pour Madawi al-Rasheed, la nomination originale de Mohammed ben Salmane en tant que ministre de la Défense en janvier, qu'elle a décrit comme l'homme de sécurité des Etats-Unis à Riyad , était une tentative claire de la part de son père pour étendre son autorité.

« Selon moi, le seul but était d'établir ses qualifications en tant que commandant militaire, ou ministre de la Défense », a-t-elle déclaré à MEE.

« Mais la guerre a trébuché et il n'y a pas d'issue positive évidente, le Yémen est toujours dans une guerre civile, donc le roi Salmane a anticipé la discussion de l'objectif et l'accomplissement de cette guerre, et il a placé son fils au poste de vice-prince héritier. »

Andrew Hammond a déclaré que la nouvelle succession représentait également un retour en arrière sur les réformes mineures mises en œuvre sous le règne d'Abdallah.

« Rappelons-nous que les arrangement d'Abdallah ont été vendus au monde extérieur comme la garantie des réformes douces d'Abdallah », déclare-t-il à MEE. « Ces réformes, telles qu'elles étaient, n'existent plus ou moins plus quand vous voyez la manière dont le nouveau roi a soutenu l'établissement religieux des Wahabi. »

Diplomate de carrière

La nomination d'Adel al-Jubair, précédemment ambassadeur aux Etats-Unis, au poste de ministre des Affaires étrangères marque aussi une rupture avec le passé : il est le premier ministre des Affaires étrangères depuis 1962 à ne pas appartenir à la famille régnante.

Décrit par certains comme la face libérale saoudienne et avec des liens proches avec l'administration de Barack Obama, sa nomination semblerait être une poussée pour renforcer les liens entre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite.

Mais Jamal Khashoggi a indiqué qu'il était peu probable que cela signifie de quelconques changements politiques sérieux.

« Adel al-Jubair est un diplomate de carrière. Il mettra en œuvre la politique créée par les ainés à Riyad, et il participera au processus décisionnel. Donc, je ne prévois pas de changement », a-t-il déclaré. « Ce que veut l'Arabie saoudite est évident, et Adel al-Jubair devra mettre en œuvre la vision de cette politique. »

Finalement, les observateurs du royaume disent que le remaniement montre peu de signes indiquant que des réformes démocratiques ou sociales sont à prévoir. 

« La population saoudienne est prise en otage par la menace iranienne amplifiée et exagérée, et cette menace externe et la guerre au Yémen ont fait taire toutes les voix opposantes », a dit Rasheed. « On attend juste que tout le monde se contente de louer le roi pour sa guerre au Yémen et donc il n'y a aucune forme de projet de réforme politique ou social. »

Traduction de l'anglais (original) par Green Translations, LLC.

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