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Les côtés sombres du ralentissement américain sur les négociations avec l’Iran

Les retards pourraient éviter les critiques israéliennes et du Congrès face à un accord final, mais au prix de l’influence de Kerry sur les négociations

Le Président Barack Obama a décidé la semaine dernière de ne pas réaliser l’accord final avec l'Iran avant l'expiration du délai du 10 juillet afin de limiter la période d'examen du Congrès de l'accord et ainsi neutraliser les critiques selon lesquelles le secrétaire d'Etat John Kerry et lui-même étaient trop pressés d'arriver à un accord.

La décision d'Obama marque un nouveau renoncement de son administration à tenir tête à l’opposition du lobby pro-israélien au Congrès à l'accord sur le nucléaire iranien. Cela ne signifie pas que les chances de parvenir à un accord aient nécessairement été perdues, mais ce sera sûrement plus difficile.

Plus important encore, elle pose une question grave de savoir si les jusqu'au-boutistes pro-Iran de l'administration Obama, dirigés par la conseillère à la sécurité nationale Susan Rice, ont miné la position de Kerry, le rythme et la direction de la politique des États-Unis dans la négociation de l’accord.

Les preuves suggèrent fortement que la Maison Blanche a imposé de façon inattendue sur l'équipe de négociation des États-Unis, une nouvelle stratégie en ce qui concerne l'embargo sur les armes.

Avec Middle East Eye, plusieurs autres journaux ont indiqué lundi et mardi derniers que certaines des questions qui avaient été considérées comme les plus litigieuses avaient été résolues dans les jours précédents.

Ces questions comprennent les « dimensions militaires possibles », l'accès des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique, le calendrier, la procédure de lever des sanctions et la vérification de l'application par l'Iran de ses obligations nucléaires. Dans un briefing aux journalistes occidentaux à Vienne lundi, un « haut responsable de l'administration » a déclaré : « Nous faisons vraiment faire des progrès ; il ne fait aucun doute à ce sujet ».

La conférence de presse ne contenait aucune allusion au fait que les Etats-Unis était sur le point de faire un effort important de communication sur la question de l'embargo sur les armes dans une nouvelle résolution du Conseil de sécurité sur la politique régionale ou de ralentir les négociations de façon spectaculaire avec pour conséquence de ne pas avoir d’accord le jour de la date limite.

En fait, en réponse à une question sur une vidéo du ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif suggérant que l'accord nucléaire pouvait conduire à traiter « les défis communs » dans la région, le haut fonctionnaire a nié que les négociations soient liées de quelque façon que ce soit à la menace de l’Etat islamique au Moyen-Orient. Cela signifie implicitement que la délégation américaine avait l'espace politique nécessaire pour négocier une formule et de résoudre la question de l'embargo sur les armes du Conseil de sécurité.

De toutes les questions en suspens depuis le début de la réunion de Vienne, l'embargo sur les armes était certainement celui qui aurait dû être la plus facile à résoudre. Il était de toute évidence un problème de politique étrangère qui n'a rien à voir avec la création d’un programme d'armes nucléaires en Iran et, comme les fonctionnaires iraniens l’ont fait valoir à Vienne, cette question n’aurait jamais dû avoir fait partie d'une résolution du Conseil de sécurité sur la question nucléaire dès le départ.

En outre, la communication dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité sur l'embargo sur les armes et l’interdiction de l'Iran de continuer à travailler sur les missiles balistiques, étaient basées sur l’idée fausse que les résolutions du Conseil de sécurité avaient effectivement un effet réel sur les politiques iraniennes.

En effet, l'Iran a été presque complètement auto-suffisant en ce qui concerne les armes classiques depuis longtemps, et la résolution du Conseil de sécurité n’a jamais empêché l'Iran de fournir des armes au Hezbollah ou au Hamas, et encore moins à ses alliés chiites en Irak.

L’intérêt d'une politique des Etats-Unis de rétablir l'embargo sur les armes dans une réelle nouvelle résolution avait pour objectif, en fait, de démontrer leur soutien à Israël et à l'Arabie saoudite et les autres alliés du Golfe. Ils souhaitaient mettre en place une telle communication pour gagner la faveur des sénateurs démocrates bellicistes qui avaient été exposés à la propagande du lobby israélien. Ces motifs politiques expliquaient certainement la série d’évolutions qui ont eu lieu lundi et mardi qui avaient pour fin d’adopter une position américaine plus dure dans la négociation des pourparlers et à les ralentir délibérément de sorte que le délai du 10 juillet soit manqué.

A 13 heures (17 heures GMT) lundi à Washington, le porte-parole de la Maison Blanche Josh Earnest a suggéré dans une conférence de presse que l'administration pourrait accroître son pouvoir de négociation en continuant les négociations indéfiniment jusqu'à ce qu'elle soit satisfaite des concessions de l'Iran. Il a cité le plan d'action conjoint en vertu duquel l'Iran avait accepté des restrictions temporaires sur l'enrichissement en précisant qu’il pourrait être maintenu en place, ce qui impliquerait que les Etats-Unis n'aient pas vraiment besoin d'un accord rapidement dans un proche avenir.

Josh Earnest déclare que l'administration disposait d’« un accord bipartisan, et que cette disposition est une approche qui pourrait bénéficier aux Etats-Unis et à notre position de négociation de manière à maintenir la pression sur l'Iran pour parvenir à un accord final ».

C’était une façon plutôt autoritaire de transmettre l'intention de l'administration de jouer les difficiles à convaincre à Vienne. Les conséquences de cette stratégie étaient apparentes lors d'une réunion lundi soir à Vienne des cinq membres permanents du Conseil de sécurité avec l'Iran. Le but était de discuter le texte de la nouvelle résolution du Conseil de sécurité - en particulier sur la question de l'embargo sur les armes. Lors de cette réunion, la Russie et la Chine ont déclaré catégoriquement qu'ils ne soutiendraient pas un effort pour rétablir l'embargo sur les armes, selon une source diplomatique européenne familière de cette réunion.

Néanmoins, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont accusé l'Iran de semer le trouble dans la région à travers les échanges d'armes conventionnelles, selon un compte rendu de la réunion publié par l’agence de presse officielle iraniennes IRNA et sur une discussion de Zarif qui ne devait pas être publiée. Lors de ce briefing, Zarif aurait rétorqué qu'il aurait pu traîner chacun des pays accusant l’Iran devant la Cour Internationale, chacun d’entre eux fournissant des armes de destruction massive à Irak pour attaquer l'Iran.

La cheffe de la politique étrangère de l'Union européenne Frederica Mogherini a déclaré que si l'Iran n'était pas été prêt à accepter le renouvellement de l'embargo, ils pourraient tous tout aussi bien « rentrer à la maison », ce à quoi Zarif a répondu en mettant en garde de ne « jamais menacer un Iranien ». Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a immédiatement ajouté, « ni un Russe ».

Le résultat de la réunion a clairement indiqué que la politique de l'administration Obama de pousser une ligne dure sur la question de l'embargo sur les armes n’avait aucune chance d'être acceptée même par le P5 + 1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l'Allemagne) eux-mêmes.

Lorsque les négociations ont repris mercredi, il est vite devenu clair pour les responsables iraniens que l'administration Obama avait délibérément ralenti les progrès dans les négociations de manière à manquer le 10 juillet, date limite du Congrès, qui avait semblé précédemment très importante pour elle.

Ils ont révélé lors de rencontres avec des écrivains et autres journalistes que les Etats-Unis dépensaient soudainement beaucoup plus de temps à organiser la « coordinatio » avec leurs partenaires du P5 + 1 que de négocier avec l'Iran sur les questions en suspens. Soudain, tous les autres membres du groupe des six puissances, qui avaient été presque complètement silencieux pendant la réunion de Vienne, ont déclaré avoir leurs propres « lignes rouges » compliquant les négociations.

Ce processus lourd a coïncidé avec un nouveau paquet de propositions à réviser sur les questions en suspens qui avaient été approuvées par la Maison Blanche. Il était plus intransigeant que le précédent, ramené par la délégation américaine, selon des responsables iraniens qui ont parlé avec cet auteur la semaine dernière.

Ils ont rappelé que la même combinaison de propositions plus extrêmes des Etats-Unis suivie d’un ralentissement dans les négociations avait eu lieu pendant les pourparlers dans le même hôtel à Vienne en Novembre  2014.

Les implications de la décision délibérée de l'administration Obama de reporter un accord pour émousser la critique interne de la droite et, apparemment, pour essayer d'arracher plus de leviers diplomatiques, sont très larges et très graves.

Il n’est pas impensable que la conseillère à la sécurité nationale, Susan Rice, ait su convaincre Obama qu'il valait mieux maintenir le statu quo - y compris le régime des sanctions contre l'Iran - que de l’abandonner pour un accord. Cela signifierait que Kerry a été débordé et qu’il n’a pas de pouvoir réel dans la stratégie de négociation des États-Unis.

Bien que les intentions d'Obama puissent être de revenir à des négociations sérieuses à nouveau, il peut être temps d'envisager sérieusement les possibilités sombres inhérentes à cette soudaine embardée vers une charade diplomatique qui a remplacé les véritables négociations.

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry parle à des journalistes dehors de l’hôtel du Palais Coburg, où les négociations sur le nucléaire iranien ont lieu, à Vienne (AFP)

Traduit de l’anglais (original) par Margaux Pastor.

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