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L’Iran et le Hezbollah sous pression en Syrie après le retrait russe

La plupart des analystes ne voient pas l’Iran retirer son soutien de longue date à la Syrie, mais les négociations de Genève pourraient offrir à l’Iran une porte de sortie négociée

L’Iran et le Hezbollah sont davantage pressés de soutenir le gouvernement syrien après le retrait de la Russie à un moment où le pays et la milice libanaise peuvent en ressentir les effets, selon les analystes.

Lundi 14 mars, le dirigeant russe Vladimir Poutine a surpris les dirigeants du monde entier en annonçant qu’une grande partie des forces de Moscou se retiraient après six mois de bombardements en Syrie.

Cette décision a soulevé des questions sur le degré de soutien que le Kremlin continuera d’apporter au président syrien Bachar al-Assad – mais les analystes se demandent également si l’Iran et le Hezbollah peuvent supporter la charge supplémentaire en l’absence de la Russie.

« Si ce retrait se produit véritablement, il rend la Syrie très dépendante de l’Iran et met la pression sur le Hezbollah », a déclaré Geneive Abdo, chercheuse pour l’Atlantic Council, à Middle East Eye.

Comme pour la Russie, l’économie iranienne est fortement basée sur le pétrole et la baisse des prix ont eu un impact majeur sur son économie et sa capacité à dépenser en Syrie.

Hezbollah est, lui aussi, soumis à une pression croissante en raison de son implication en Syrie.

Plus tôt ce mois-ci, l’Arabie saoudite a annulé une aide de 3,6 milliards d’euros en faveur de l’armée libanaise du fait de l’implication du Hezbollah en Syrie et, quelques jours plus tard, le CCG a classé la milice comme un « groupe terroriste ».

Outre le fardeau financier, certains analystes suggèrent que l’Iran pourrait être tenté de retirer son soutien au président syrien Bachar al-Assad, tout en continuant à soutenir le pays qui a longtemps eu une importance géopolitique pour Téhéran.

Des liens qui unissent ?

La relation stratégique entre la Syrie et l’Iran remonte à la guerre froide. L’un des liens clés est le rôle de la Syrie en tant que zone de transit pour l’envoi d’armes et d’aide au Hezbollah au Liban que Téhéran soutient pour défier Israël.

L’Iran a été un fervent partisan d’Assad et du gouvernement syrien tout au long de cette guerre civile, qui est entrée mardi dernier dans sa sixième année.

Lorsque la crise syrienne a éclaté en 2011, l’Iran a envoyé des conseillers, du matériel et de l’aide financière à Damas afin d’empêcher le renversement du gouvernement par les manifestants.

Les Forces de défense nationale pro-Assad, l’un des plus grands réseaux de milices en Syrie, auraient également été formées et financées par l’Iran.

Lorsque le conflit syrien s’est propagé au Liban en 2012, le Hezbollah s’est mobilisé – envoyant des milliers de combattants de l’autre côté de la frontière pour soutenir Assad.

L’essor du groupe militant État islamique (EI) et d’autres groupes armés sunnites a constitué une préoccupation majeure pour l’Iran, s’ajoutant aux menaces pesant sur Damas et l’État syrien.

En juin 2015, Bloomberg a signalé qu’il est probable que l’Iran dépense au moins 5,4 milliards d’euros par an pour consolider le gouvernement d’Assad, mais ce chiffre pourrait être bien plus élevé.

Mardi dernier, le président du Parlement iranien, Ali Larijani, a félicité le gouvernement syrien pour sa lutte continue contre les « terroristes » lors d’une rencontre avec le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Faisal al-Mekdad à Téhéran.

La réunion aurait été organisée suite aux déclarations du ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem la semaine dernière, quelques jours avant la reprise des négociations de paix, au sujet desquelles il a déclaré qu’évincer Assad constituait une « ligne rouge ». Des analystes se sont demandé si ces commentaires étaient l’étincelle qui avait conduit au retrait de la Russie.

« La nation syrienne est une nation résistante qui a, par sa persévérance et sa résistance, réussi à mettre derrière elle des conditions critiques et sensibles », a déclaré Larijani.

Saeed Jalili, alors chef du Conseil suprême iranien de sécurité nationale, s’entretient avec le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem lors d’une réunion à Damas en 2013 (AFP)

« Avec ou sans Assad »

Cependant, la lutte syro-iranienne contre les « terroristes » se poursuivra-t-elle avec Assad à la barre ?

Abdo, comme l’Atlantic Council, a dit ne pas prévoir que l’Iran retire son soutien au gouvernement syrien malgré ses fardeaux financiers ; toutefois, il se peut que les choses soient différentes concernant son soutien à Assad.

« L’Iran retirera-t-il son important soutien au régime ? Je ne vois pas cela se produire, mais je pense qu’il renoncerait facilement à Assad afin de maintenir le régime en place », a-t-elle précisé.

Arshin Adib-Moghaddam, professeur au SOAS (Université de Londres) et auteur de On the Arab Revolts and the Iranian Revolution, convient que ce soutien concernait plus le gouvernement qu’Assad lui-même.

« L’Iran et la Russie ne soutiennent pas Assad en soi. Ils soutiennent la souveraineté de l’État syrien, notamment face à des mouvements terroristes tels que l’EI ou le Front al-Nosra », a-t-il expliqué.

« Les deux pays veulent un État syrien qui continue d’être leur allié, avec ou sans Assad. »

Majid Rafziadeh, président du think tank américain International American Council et membre du conseil d’administration de Harvard International Review, a déclaré que la sortie russe ne devrait pas affecter de manière significative la relation syro-iranienne.

« La Syrie est essentielle pour l’Iran sur les plans géopolitique et stratégique. Assad n’a pas besoin de demander plus de soutien de l’Iran puisque le sort de Damas est une question de sécurité nationale de l’Iran », a indiqué Raziadeh.

« En conséquence, la République islamique ne renoncera pas à l’État syrien et fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir l’élément majeur de l’État alaouite au pouvoir. »

Pour lui, la Syrie est peut-être plus dépendante de l’Iran qu’auparavant, « mais rappelons-nous que la Russie ne supprime pas totalement son soutien militaire ».

Liens croissants avec la Russie

Mais même étant donné l’importance géopolitique de la Syrie pour l’Iran et la défense continue par Téhéran du gouvernement face à l’opposition de la Turquie et de l’Arabie saoudite, la République islamique a également de plus en plus de liens avec la Russie en tant que fournisseur de ses installations nucléaires. Cela pourrait devenir un facteur motivant sa façon de procéder.

En outre, le rapprochement de Téhéran avec l’Occident depuis l’accord nucléaire de l’été dernier signifie qu’il est désireux d’améliorer davantage les relations et qu’il peut être à la recherche d’une solution négociée au conflit.

« L’Iran est plus susceptible que jamais de faire une sorte de compromis concernant Assad – surtout si l’on considère qu’il y a beaucoup d’autres facteurs en jeu en ce qui concerne ses relations avec la Russie », a déclaré Sara Bazoobandi, chercheuse associée au programme MENA du Royal Institute of International Affairs, à Middle East Eye.

« Si l’Iran voulait faire un compromis, ce serait le moment. »

Elle a ajouté que compte tenu des liens entre l’Iran et la Russie, qui ont été alliés en Syrie face aux pressions des Américains et Européens, il était difficile de dire si le retrait de Vladimir Poutine était aussi unilatéral qu’il le semblait.

« Compte tenu du contexte, je n’imagine pas que la Russie initie une telle étape importante sans la moindre coordination avec l’Iran », a-t-elle dit.

Elle a ajouté que, en raison du fardeau financier pesant sur l’Iran, il était difficile de dire ce qui se passera ensuite, mais que l’Iran demeure un élément essentiel pour la Syrie.

« Je ne pense pas que la Syrie veuille remplacer la Russie par l’Iran – elle a toujours été essentielle et le restera », a déclaré Bazoobandi.

« L’Iran et la Russie ont offert un soutien très important à la Syrie et maintenant des décisions sont prises au sujet de ce soutien. Si du point de vue de l’Iran ce soutien a changé, cela affectera certainement la confiance de la Syrie dans les négociations de Genève. »

Photo : Les membres de la Garde révolutionnaire iranienne portent les cercueils du brigadier général Mohsen Ghajarian et d’autres « volontaires » iraniens qui ont été tués dans la province d’Alep, dans le nord de la Syrie, au cours de leur cortège funèbre dans la capitale Téhéran, le 6 février 2016 (AFP).

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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