Un retournement de situation pour le régime de Bachar el-Assad ?
La prise de contrôle grandissante de la province d'Idlib par l'opposition syrienne a été décrite comme un tournant majeur dans le déroulement actuel de la sanglante guerre civile en Syrie.
Alors que la position du Président Bachar el-Assad et de son gouvernement semblait s’être renforcée, il y a maintenant des signes clairs que les vents du conflit pourraient être sur le point de se retourner contre eux, en partie grâce à une coordination accrue de la part des ennemis de Bachar el-Assad.
Le retournement de situation a également renouvelé les rumeurs selon lesquelles Bachar el-Assad, autour duquel le gouvernement a façonné depuis plus de dix ans un véritable culte de la personnalité, pourrait se retrouver dans une position intenable.
Lundi, le Daily Telegraph a cité des sources internes indiquant qu’Ali Mamlouk, le chef du Bureau de la sécurité nationale du pays, aurait été écarté suite à une tentative de coup d'Etat.
Prétendument placé en résidence surveillée, Ali Mamlouk, un musulman sunnite, se serait inquiété de l'influence de l'Iran sur la société syrienne et du nombre croissant d'officiers iraniens conseillant le Président.
« La plupart des conseillers au palais présidentiel sont maintenant iraniens ». L’article en question cite « une source proche du palais » déclarant : « Mamlouk déteste l’idée que la Syrie est en train d’abandonner sa souveraineté à l’Iran. Il souhaitait un changement qu’il jugeait nécessaire ».
Ce compte-rendu a été accueilli avec scepticisme dans certains milieux, particulièrement les allégations selon lesquelles Ali Mamlouk aurait été en contact avec l’opposition syrienne.
Joshua Landis, professeur associé à l'Ecole des hautes études internationales de l'université d'Oklahoma, cite des sources à Damas qui auraient vu Mamlouk marcher dans les rues de la ville – disposant manifestement de toute sa liberté.
« Depuis dix ans, on entend toutes sortes d’histoires sur comment les piliers du régime seraient à couteaux tirés, comment le beau-frère de l’un essaie de tuer celui-là, ou comment il risque d’y avoir un coup d’Etat », déclare Joshua Landis à Middle East Eye.
« Le problème est que ce genre de propos circule constamment et les dirigeants du régime ne le nie pas, parce que s’ils devaient le faire, ils passeraient leurs journées entières à faire des annonces disant qu'ils ne sont pas en train de s’entre-tuer. »
Carol Mahlouf, l'une des auteurs de l'article du Telegraph, a plus tard tweeté que le gouvernement syrien avait prévu de publier un communiqué niant tout ce qui avait été imprimé.
Joshua Landis critique également les suggestions selon lesquelles Ali Mamlouk aurait vu d’un mauvais œil les influences iraniennes.
« Cela n’a aucun sens - l'Iran est la seule puissance qui soit venue au secours de ce régime, en dehors de la Russie », note-t-il. « Où la Syrie irait-elle chercher de l'aide ailleurs qu’en Iran ? Et pourquoi le pays se serait-il maintenant refroidi vis-à-vis de cette aide ? ».
Cependant, le soupçon d’un conflit interne et d’un malaise face à la présence écrasante des responsables iraniens dans le pays a gagné en intensité l’année dernière.
La conquête de la ville de Jisr al-Shughur, dans la province d'Idlib, par la coalition de la « Bataille de la Victoire » (qui inclut le Front al-Nosra, affilié à al-Qaïda) a été un coup dur pour le gouvernement syrien. En effet, cette ville occupe une position stratégique, située entre l’importante ville de Hama et la ville de Lattaquié, bastion du gouvernement mais surtout berceau familial ancestral des Assad.
Alors que la position d'Assad comme figure de proue du régime demeure publiquement incontestée, on observe depuis quelques temps des manifestations de mauvaise humeur en raison de l'échec à obtenir une victoire décisive sur les rebelles.
« Nous avons vu Assad se débarrasser de tous ceux qui pourraient constituer une source de menace », affirme Randa Slim, directrice de l'initiative Track II Dialogues au Middle East Institute.
« Sa position est certainement affaiblie, mais pas au point d’entraîner la chute complète du régime. Je pense qu'il dispose encore d’assez de pouvoir, grâce à l’aide de ses soutiens régionaux », déclare-t-elle à MEE.
Randa Slim précise que l'objectif primordial de l'Iran et du Hezbollah depuis le début du conflit syrien a été d'empêcher la défaite militaire du gouvernement Assad et qu'ils étaient prêts à prendre les choses en main pour atteindre cet objectif.
« Maintenant, l'Iran et le Hezbollah prennent de plus en plus l'initiative dans les décisions, et marginalisent ainsi progressivement les chefs des agences de sécurité qui menaient la danse jusqu’alors », explique-t-elle.
Elle indique qu’il existe aussi une volonté de limiter le pouvoir de personnes comme Ali Mamlouk, perçues comme s’opposant à tous les futurs plans de paix en raison de leur rôle dans la répression contre les manifestants lors des soulèvements anti-régime de 2011.
« Ils ont toujours conseillé à Bachar el-Assad de limiter leur pouvoir et de leur couper les ailes. Cela a été le conseil du Hezbollah à Bachar el-Assad. Ces agences de sécurité ont été une source de problèmes pour les citoyens syriens, mais aussi en ce qui concerne la corruption, et elles se sont engagées dans de nombreuses luttes pour le contrôle des ressources », a-t-elle ajouté.
« Il s’agit pour Bachar el-Assad de faire le ménage dans ses rangs et sa façon de s’y employer a été de limiter leur pouvoir et de se débarrasser d'elles. »
Traduction de l’anglais (original) par Hassina Mechaï.
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