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Au pays du cèdre, les Franco-Libanais s’inquiètent des périls qui guettent la « mère patrie »

par Philippine de Clermont-Tonnerre à Beyrouth, Liban

Marine Le Pen rencontre le cardinal Bechara Boutros Rahi, le patriarche maronite d’Antioche et de tout l’Orient au siège du patriarcat maronite de Bkerké, au Liban, le 21 février 2017 (AFP)

Ils sont les deux seuls candidats à s’être rendus au Liban durant cette campagne. Les voilà, in fine, de retour dans les isoloirs.

Lors de son déplacement en janvier, Emmanuel Macron s’était contenté de prôner « une politique d’équilibre et d’indépendance […] dans la tradition gaullo-mitérrandienne », veillant à ne pas trébucher sur les dossiers glissants de cet « Orient compliqué », pour reprendre la formule du général De Gaulle.

Les Libanais gardent en revanche un souvenir moins poli de la venue de Marine Le Pen, un mois plus tard. Les discours favorables au président syrien Bachar al-Assad de la candidate frontiste, qui avait placé sa visite sous la bannière de la protection des chrétiens d’Orient, ont agacé plus d’un responsable politique, y compris parmi les dirigeants chrétiens, sans oublier le tollé provoqué par son refus de se plier au protocole du port du voile lors d’une rencontre officielle prévue avec le mufti de la République.

À LIRE : Les chrétiens d’Orient, objets de toutes les attentions des politiques français

Au premier tour de ce scrutin, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont respectivement récolté 16,02 et 12,29 % des voix parmi les 18 000 Français du Liban, des binationaux pour la plupart.

Jusqu’à présent, c’est surtout François Fillon, plébiscité à hauteur de 60,97 %, qui a convaincu dans cette circonscription historiquement ancrée à droite, où le général de Gaulle, qui séjourna pendant deux ans à Beyrouth (de 1929 à 1921), a laissé des traces presque indélébiles.

Quelques soient leurs sensibilités, les électeurs franco-libanais s’accordent au moins sur un point : la nécessité pour la France de retrouver son aura sur la scène étrangère et de conjurer les menaces de déstabilisation sur son propre sol.

Le futur président devra « restaurer la place de la France dans le monde et éviter la guerre civile »

« La France doit accroître sa légitimité dans les prises de décisions au Moyen-Orient et avoir une compréhension plus profonde des dossiers chauds », estime Farid Chehab, ancien banquier d’affaire reconverti en chef cuisinier. Il y a deux semaines, il votait Fillon. Ce dimanche, ce sera Macron, affirme le trentenaire : « Son programme est bien plus solide que celui de MLP – économiquement, socialement et à l'international ».

Après un bulletin Mélenchon au premier tour, Claude el Khal a prévu pour sa part de s’abstenir ou de voter blanc. « Je crois en la démocratie et je ne supporte pas qu'on me prive de ma liberté de choisir », justifie ce bloggeur auteur de My Beirut Chronicles.

En tant que Franco-Libanais, une question en particulier le préoccupe : « Le fait que le prochain gouvernement ne donne pas de chèque en blanc à Israël pour attaquer le Liban ». De manière générale, poursuit-il, le futur président devra « restaurer la place de la France dans le monde et éviter la guerre civile ».

« Les divisions françaises me rappellent nos échecs libanais »

Vu du Liban, l’autre défi majeur du prochain mandat sera de conserver la cohésion nationale et la stabilité sécuritaire de la France, deux registres que les Libanais ne connaissent que trop bien.

Samedi, à la veille du scrutin, l’éditorialiste franco-libanais Issa Goraieb résumait l’enjeu du scrutin d’aujourd’hui dans les colonnes de L’Orient-Le Jour : « Pour concluant que soit le test, force est de constater l'énormité de la tâche de rassemblement qui attend le prochain quinquennat. Car ce sont deux idées certaines et contradictoires de la France, de son identité, de sa société et de sa place dans le monde qui divisent aujourd'hui le peuple de ce pays, de manière plus dramatique que ne l'a jamais fait la classique émulation entre gauche et droite ».

Président du Centre libanais des droits humains et membre du collectif « You Stink ! » (Vous puez), Wadih el Asmar ne cache pas non plus ses craintes face au programme de Marine Le Pen, qu’il juge « discriminatoire ». 

À LIRE : François Fillon, le candidat de la droite française qui fait frémir les musulmans

« Fracturer l’unité française comme elle le propose me rappelle trop nos échecs libanais dus à ces divisions », confie l’activiste à MEE.

Après avoir soutenu François Fillon fin avril, Nicolas Delage s’apprête à déposer un bulletin FN dans l’urne ce dimanche. « En France, la dégradation se situe surtout au niveau de la sécurité, c’est la question principale », assène-t-il.

Sa femme en revanche, dont il porte la procuration, ne votera pas Le Pen mais Macron. « Elle a changé d’avis » à cause de la proposition de la candidate d’abroger la double nationalité hors UE, précise-t-il.  

En France, la dégradation se situe surtout au niveau de la sécurité, c’est la question principale

Peu de Franco-Libanais sont favorables à cette mesure, y compris parmi les sympathisants FN.

Militante frontiste de longue date, Sophie Akl souhaiterait que les dossiers soient négociés au « cas par cas » et ce, « quelle que soit l’appartenance religieuse ». Toutefois, « cela ne m’empêchera pas de voter dimanche pour madame Le Pen », assure-t-elle.

« À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle […]. L’intérêt de la France prime sur les intérêts personnels […]. On ne saurait accepter des taux d’immigration étrangère qui mettent en péril l’équilibre démographique de la France, la communautarisation de la société qui en découle et les dérives de l’islam en France […] », justifie cette Française installée au Liban depuis plus de dix ans.