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Les Français d'origine maghrébine votent Macron

par Lilia Blaise à Paris

Emmanuel Macron a su attirer un électorat auprès de la diaspora maghrébine, souvent issue de la classe moyenne ou supérieure (AFP)

« Il est moins hypocrite que d’autres politiques et n’a jamais stigmatisé les immigrés alors que la gauche a toujours eu ce discours un peu infantilisant par rapport aux personnes issues de l’immigration. » Hella, 44 ans, est fonctionnaire territoriale dans les Yvelines. Pour cette Franco-tunisienne qui a le droit de voter depuis 2002, l’engagement a toujours été du côté du parti socialiste. D’ailleurs, elle a voté Hamon au premier tour tandis que « [sa] fille de 18 ans était à 300 % pro-Macron dès le début, notamment pour les 500 euros qu’il veut donner aux jeunes pour l’accès à la culture » déclare-t-elle.

Et pourtant, ce dimanche, la socialiste convaincue votera Macron avec bonne volonté. « Le vote du premier tour, c’était vraiment pour soutenir Hamon mais aujourd’hui je n’y vais pas à reculons », ajoute-t-elle. Le principal atout de Macron, selon elle, pour séduire l’électorat des Français d’origine maghrébine, réside dans sa volonté de changement. « On sent qu’il s’adapte à l’ère du temps et qu’il va un peu à l’encontre des populismes » affirme-t-elle.

Un vote pour Macron en réaction

En France, l’immigration maghrébine représentait plus de 8 % de la population en 2011 tandis que l’islam est devenu la seconde religion de France avec près de 5 % de musulmans. Si dans certaines banlieues françaises où de nombreux électeurs ont des origines maghrébines, le vote a plutôt été en faveur de Mélenchon, Macron est souvent arrivé deuxième avec une moyenne de 20/25 % des suffrages, montrant aussi que son discours libéral avait parfois réussi à convaincre même dans les périphéries urbaines défavorisées. Du côté des musulmans qui votent aussi traditionnellement à gauche, Macron a aussi su séduire en réaction au gouvernement de Hollande et surtout aux discours de Manuel Valls durant le quinquennat.

Pour Madjid Si Hocine, médecin franco-algérien de 47 ans, « Macron est arrivé dans le paysage politique au moment du burkini, un peu comme une voie de sortie » (AFP)

Madjid Si Hocine, médecin franco-algérien de 47 ans, s’est intéressé à Macron dès le début de sa campagne. « Le mythe du vote musulman pro-Hollande en 2012 a été ébranlé pendant le quinquennat, il y a eu beaucoup de déceptions aussi bien sur le sort des chibanis que sur le vote des étrangers. Je pense aussi aux propos de Valls sur le voile. Donc si les Musulmans avaient voté pour Hollande en 2012 surtout pour se débarrasser de Sarkozy et du débat sur l’identité nationale, aujourd’hui, c’est fini » déclare-t-il. « Macron représente un peu le Trudeau français et c’est vrai que pour des bourgeois comme moi, il reste un candidat intéressant qui a fait valser les étiquettes politiques traditionnelles. Je suis engagé depuis plusieurs années et c’est vrai qu’il y a une mémoire qui est devenue gênante aujourd’hui du rapport musulmans/Français d’origine maghrébine et socialistes. Il y a eu la manipulation de la question des Beurs etc.… et Macron est arrivé dans le paysage politique au moment du burkini, un peu comme une voie de sortie » avance-t-il.

À LIRE : À la découverte du « paradoxe français » : le burkini et l’hypocrisie envers les musulmans

Pour d’autres, c’est l’aspect économique qui orienté le choix. Oweis Seddiki, 22 ans, et Franco-marocain, est originaire de Stains en Seine-Saint-Denis où Mélenchon a mené largement le vote avec 41,23 % des voix. Oweis fait partie des 22,22 % qui ont voté pour Macron dès le premier tour, surtout convaincu par son programme. « Pour moi c'était le moins dangereux. C'était le candidat qui représentait le mieux le changement. Il avait bien cerné les problématiques des entreprises françaises et je ne me suis pas arrêté à son image médiatique seulement » dit-il. Déjà à la tête de sa propre startup alors qu’il étudie encore, Oweis a été attiré par son discours sur l’entrepreneuriat. « J’ai pu me projeter dans son programme, sur les questions de compétitivité des entreprises et du travail, le fait que pour des salariés payés au SMIC on leur donne aussi le 13e mois de salaire, l'augmentation des revenus de mes salariés, le rétablissement des cotisations sociales, ensuite j'ai bien aimé l'ouverture des droits à l'assurance chômage même quand le salarié démissionne » ajoute-t-il.

Sur des questions plus liées à la religion ou au sort des immigrés, Oweis reste dans l’expectative. « On va voir s’il va vraiment mettre en place l’égalité hommes-femmes, au cas où il est élu. Sur la religion, moi j'ai ressenti qu'il était ouvert sur la laïcité mais est-ce qu'il fera en sorte que la communauté musulmane ait de vrais représentants par exemple ? », s’interroge-t-il en faisant référence au fait que la communauté est déjà mal représentée à l’assemblée mais aussi dans la politique où Stains est l’une des seules communes de France à avoir un maire français d’origine maghrébine (un Franco-algérien).

Les questions de laïcité et d’immigration finalement plus secondaires

C’est finalement d’avantage sur des thématiques économiques ou politiques que Macron s’est démarqué pour l’électorat français d’origine maghrébine plus que sur ses positions par rapport à la religion ou à l’immigration. Pourtant, il s’était démarqué pendant sa campagne en allant en Algérie et en affirmant que la « colonisation était un crime contre l’humanité ». Durant l’entre-deux-tours, l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) lui a exprimé un soutien fortement reproché par Marine Le Pen.

Pour Hela, une pharmacienne franco-tunisienne qui vit à Bondy en Seine-Saint-Denis mais qui travaille dans le 17e arrondissement de Paris, ce n’est pas sur des thématiques parfois clivantes que Macron s’est démarqué. « Par exemple, moi j’ai éliminé Mélenchon de fait en raison de son regard limite pro-Assad sur la guerre en Syrie ou sur la femme voilée. Macron de son côté a déclaré qu’il n’était pas vraiment pour la reconnaissance d’un État palestinien donc finalement ce qui m’a décidée, c’était plus son programme » déclare-t-elle. Elle admet que dans son milieu d’activité, le vote Macron n’est pas très populaire, la profession penchant plutôt pour Fillon au premier tour.

« Aujourd’hui, je vote aussi pour Macron au second tour pour contrer Marine Le Pen, après je ne suis pas naïve, je ne vais pas lui donner ma confiance pendant cinq ans et je ne suis pas sûre qu’il changera grand-chose à la situation des immigrés en France » déclare Hela.

Les Français d’origine maghrébine et des musulmans se sont finalement tournés vers Macron par réaction plus que par conviction, illustrant ainsi cette idée de la chercheuse Fatima Khemilat que le vote musulman s’affirme souvent par « pour qui ne pas voter ». « C’est sûr que l’on ne va pas voter pour des gens qui nous insultent donc on élimine de facto des candidats comme Le Pen ou Fillon qui ont toujours été hostiles à l’islam ou aux immigrés » conclut Madjid Si Hocine.