Skip to main content
Live blog update| France

LIVE BLOG : La présidentielle française vue d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient - update 7th May 2017

Israël : entre rejet de l’antisémitisme du FN et soutien à sa politique anti-migratoire

par Yuval Abraham à Haïfa, Israël

Le soldat franco-israélien Elor Azaria qui a été filmé tirant sur un Palestinien blessé (AFP)

Quelque 200 000 juifs franco-israéliens vivent en Israël, et beaucoup d’entre eux sont éligibles pour voter lors des élections présidentielles françaises.

Selon Yves Wahl, responsable du département d’Études françaises de l'Université de Tel Aviv, la grande majorité des Franco-Israéliens ne voteront pas pour Marine Le Pen.

« D'après les données que j’ai recueillies, seulement 3,8 % des Franco-Israéliens ont voté pour Le Pen au premier tour, et je ne m'attends pas à ce que ce chiffre augmente beaucoup lors du deuxième tour des élections », a-t-il déclaré à Middle East Eye.

« Seulement 3,8 % des Franco-Israéliens ont voté pour Le Pen au premier tour »

Outre « une opposition générale à l’extrême droite », le chercheur franco-israélien offre deux autres explications à cela : « Le Pen peut certes nier les accusations d'antisémitisme, mais il est clair qu'elle déteste tous ceux qui ne sont pas chrétiens.

« Par ailleurs, les gens estiment qu'ils ne peuvent pas compter sur l'extrême droite pour maintenir une bonne connexion avec Israël, ce qui est une considération importante pour les électeurs franco-israéliens », a-t-il ajouté.

« Le Pen est une fasciste qui n'aime pas les juifs »

Une juive française qui a quitté la France pour Israël il y a dix ans a partagé avec MEE ses réflexions sur les élections en tant que Franco-Israélienne. « Je vais voter pour Macron uniquement parce que je ne veux pas de Le Pen. Ce n'est pas comme si on avait vraiment le choix », a-t-elle déclaré sous le couvert de l’anonymat.

« En ce qui me concerne, le problème principal dans cette élection est la communauté juive restée en France, car Le Pen est une fasciste qui n'aime pas les juifs. Une candidate antisémite ne peut pas être bien pour les juifs ou pour Israël », a-t-elle poursuivi.

« Même si j'aime la culture française, le traitement xénophobe des juifs ne semble pas changer. C'est pourquoi je ne me sens plus connectée à la France. »

Toutefois, pour elle comme pour beaucoup d'autres Franco-Israéliens, l'opposition aux politiques de Le Pen ou à l'antisémitisme ne signifie pas nécessairement un vote à gauche.

« J'aurais aimé que Fillon gagne », a-t-elle confié. « Il est de droite mais pas extrême comme Le Pen. Il aurait fait davantage pour améliorer l'économie et repousser les terroristes. »

« Tous ces immigrés en France, c’est bien de les aider, mais je crois qu'ils ont ruiné le pays et nous avons besoin de quelqu'un pour y mettre fin. » Selon la recherche de Yve Wahl, une majorité de 65 % des Français-Israéliens ayant voté lors du premier tour des présidentielles ont choisi François Fillon.

À LIRE : Ces citoyens français complices de la politique israélienne en Palestine

Joseph Emmanuel, journaliste franco-israélien qui a immigré en Israël il y a six ans, a expliqué ce choix à MEE : « En tant que juifs français, nous sommes très connectés à Israël, et si vous êtes un candidat qui dit n’importe quoi sur Israël, et bien nous ne voterons pas pour vous. C’est pour cela que la plupart ont voté pour Fillon au premier tour, il représente la ‘’droite classique’ et il est le moins critique envers Israël. »

« Personnellement, j’ai décidé par principe de ne pas voter », poursuit-il. « Je veux reléguer la France derrière moi et m’assimiler à la société et à la culture israéliennes, tout comme mes parents l’ont fait en France après avoir quitté le Maroc. »

« Mais même si je votais, je mettrais dans l’urne un bulletin blanc – je n'aime aucun des deux candidats », a-t-il confié, expliquant : « En tant que juifs français, nous ne pouvons pas voter pour Le Pen. Nous ne pouvons pas oublier les choses que son père nous a faites, et le nom Le Pen porte ce poids. Cela dit, je ne pense pas qu'elle soit comme lui, et je ne suis pas certain qu'elle serait mauvaise pour la France. »

« Le Pen […], c'est une chose très étrange à dire, mais elle a des similitudes avec Israël »

« Le débat principal dans cette élection concerne l'UE et les frontières de la France », a rappelé le journaliste. « Macron est pro-UE et Le Pen ne l’est pas, elle veut fermer les portes de la France aux autres. Les points de vue de Macron sont similaires à ceux d’Angela Merkel et Le Pen ressemble plus... eh bien, c'est une chose très étrange à dire, mais elle a des similitudes avec Israël. »

« Elle veut un État fermé, ouvert culturellement et économiquement mais fermé aux immigrés. De même, en Israël, nous ne voulons pas ouvrir nos portes aux autres. Dix minutes plus tard, tout le pays serait rempli d'Arabes ‘’très gentils’’ avec des armes et toute cette pagaille », a affirmé Joseph Emmanuel.

Israël-Palestine : aucun changement à attendre

La société israélienne semble avoir des opinions contradictoires en ce qui concerne les prochaines élections. D’une part, il y a une large opposition à Marine Le Pen en raison de son association avec l'antisémitisme, mais de l'autre, ses positions sur l'immigration, l'islam et les frontières sont partagées par beaucoup, surtout auprès de la droite israélienne.

Cette contradiction se reflète au niveau des responsables politiques. Ainsi, Yaïr Lapid, chef du populaire parti centriste Yesh Atid, a publié lundi dernier un post sur Facebook accompagné d’une photo de lui-même et d’Emmanuel Macron avec la légende :

« Toute personne éligible en Israël ou en France doit soutenir au second tour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen [...] c’est le moment de prendre position entre un véritable ami du peuple juif et celle qui a nié la responsabilité de la France durant la Shoah », était-il écrit en hébreu et en français. Le 9 avril dernier, Marine Le Pen avait choqué en déclarant que l’État français « n’était pas responsable » des rafles de citoyens juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

Emmanuel Macron, candidat à la présidentielle française, et Yaïr Lapid, chef du parti centriste Yesh Atid (page Facebook de Y. Lapid)

Bien qu’apprécié par certains, ce post largement partagé sur les réseaux sociaux a été critiqué par d'autres pour son soutien à Macron, un candidat, selon eux, qui a une approche trop indulgente à l'égard de l'immigration et de l'islam.

« Le Pen sera bien pour les juifs et pour Israël. J’ignore quand Yaïr Lapid s’est rendu en France pour la dernière fois, mais [le pays] s’est depuis transformé en ‘’bande de Gaza’’ ! L'ennemi de mon ennemi, dans ce cas-là, est mon ami », pouvait-on lire dans l'un des commentaires les plus populaires.

À LIRE : « Tous unis contre les musulmans : Israël flirte avec l’extrême droite européenne »

D'autres voix à gauche ne partagent pas cet avis. Mosi Raz, secrétaire général du parti de gauche Meretz, a déclaré à MEE que « le fait que Le Pen soit au deuxième tour n'est pas positif du tout ».

« Si elle gagne, les vents racistes en France deviendront plus forts. Je suppose qu'ils quitteront l'UE, peut-être qu’un plus grand nombre de juifs immigreront en Israël, et la France suivra une politique plus proche de celle du Likoud, le parti de Netanyahou. »

En revanche, a-t-il poursuivi, « si Macron gagne, je suppose que les choses resteront à peu près les mêmes ».

Cela s’applique notamment à la position de la France sur le conflit israélo-palestinien, selon lui : « Nous assistons déjà à un retrait de l’Initiative de paix française proposée en 2016 par François Hollande, donc je pense que tout résultat électoral, que ce soit Le Pen ou Macron, entraînera une altération définitive de l'initiative. »

À gauche, beaucoup sont sceptiques quant à l’intention de chacun des deux finalistes à la présidentielle française de maintenir cette initiative visant à mobiliser la communauté internationale pour revitaliser le processus de paix moribond.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’était montré très critique à son encontre. « Le chemin de la paix passe uniquement par des négociations directes entre les deux parties », avait-il déclaré, ajoutant que l’initiative de Paris « éloignait la paix et étendait les revendications palestiniennes ».