EN IMAGES – Le Yémen n’est plus qu’un enfer sur Terre
Ta’izz, sur la ligne de front. La ville est complètement détruite. Entre les ruines, des camionnettes transportent des hommes lourdement armés. Les séparatistes du sud, les partisans du gouvernement et même les membres d'al-Qaïda au Yémen… Toutes les forces du conflit ont été prévenues de notre arrivée – je suis sur place avec la Croix-Rouge internationale – et veulent toutes nous escorter. Surtout les fidèles du gouvernement qui nous suivent pas à pas.
Pas d’eau courante, des hôpitaux fermés, des ordures qui s’entassent, des écoles bombardées, des toilettes qui fonctionnent mal et pas d’électricité : la destruction des infrastructures les plus élémentaires, à Ta’izz comme dans tout le pays, ont provoqué une véritable crise de santé publique. Les vingt millions de Yéménites confrontés à une « insécurité alimentaire aiguë et grave » représentent 67 % de la population. Durant les trois dernières années de guerre, le nombre d’enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère a augmenté de 90 % selon le CICR, entraînant un retard de croissance chez 50 % des enfants. L’ONG Save the Children estime que plus de 85 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sont sans doute décédés entre 2015 et 2018. « Au Yémen, un enfant meurt toutes les dix minutes d’une maladie qui aurait pu être évitée », a déclaré Geert Cappalaere, représentant de l’UNICEF pour le Moyen-Orient.
Quartier en ruines à Ta’izz, troisième plus grande ville du pays, qui compte environ trois millions d’habitants. Elle est en grande partie sous contrôle gouvernemental mais les Houthis en contrôlent aussi certaines zones et la périphérie. Pour les Yéménites qui y vivent, les conditions sont terribles : depuis quatre ans, il n’y a plus d’électricité et l’eau est distribuée une fois tous les cinquante jours.
Sanaa, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, a été en grande partie bombardée, y compris dans la vieille ville. En février 2018, des données radar satellitaires de l'Agence spatiale européenne ont montré l’ampleur des destructions, confirmant que la ville était touchée dans son ensemble. Depuis, la situation ne s’est pas arrangée, d’autant qu’en janvier, la coalition menée par l’Arabie saoudite a mené une nouvelle série de raids aériens contre la ville.
Dans la vieille ville d’Aden, près du marché, les femmes sont nombreuses à faire la manche, la plupart du temps avec leurs enfants. Selon des agences de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture, du Fonds pour l’enfance (UNICEF) et du Programme alimentaire mondial (PAM), quelque « 15,9 millions de personnes se réveillent déjà affamés » au Yémen. C’est à Aden que se trouve la Banque centrale du Yémen depuis son déménagement de Sanaa en 2016. Mais l’institution peine à soutenir la monnaie nationale, le riyal, qui a perdu deux tiers de sa valeur depuis 2015. Depuis 2015 et l’intervention militaire saoudienne dans le conflit, l’économie nationale s’est contractée de 50 % : le taux de chômage culmine à plus de 30 % et l’inflation devrait être de 42 %. La majorité des fonctionnaires ne sont pas payés. « Une large proportion de la population, même dans les régions les plus stables, ne peut accéder aux denrées alimentaires les plus basiques car leur prix a bondi de 150 % par rapport aux niveaux d’avant la crise », déplore l’ONU.
À Fedj Attan, dans la banlieue de Sanaa, dévastée par les bombes, des enfants jouent parmi les ruines. L’UNICEF s’alarme régulièrement du sort des enfants au Yémen, confrontés, au-delà de la malnutrition, à la violence, aux privations et à la maladie. Les familles au Yémen se voient obligées de prendre des mesures extrêmes si elles veulent survivre, souvent au détriment du bien-être de leurs enfants. Certaines ne voient pas d’autres alternatives que d’envoyer leurs enfants au front, d’autres dans la rue pour mendier ou travailler, ou même de marier leurs filles à un âge inapproprié. Près de deux millions d’enfants ne vont pas à l’école, 2 500 écoles ne sont plus en état de fonctionner : endommagées, détruites ou occupées par des militaires. La scolarité de près de 4,5 millions d’enfants est menacée en raison de l’absence de rémunération des enseignants.
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