Élections israéliennes : Netanyahou en passe de perdre son pari ?
Jusqu’au bout, il aura tenté de mobiliser ses électeurs… Jusqu’à prendre un mégaphone dans la gare centrale de Jérusalem pour crier à ses soutiens que les « Arabes » et les « gauchistes » avaient voté en masse. Pour espérer l’emporter, Benyamin Netanyahou a promis l’annexion d’une partie de la Cisjordanie occupée, il a été voir le président russe Vladimir Poutine pour s’attirer les bonnes grâces des électeurs russo-israéliens, il a tenté d’arracher une énième faveur au président américain Donald Trump.
Et il a une nouvelle fois présenté les Arabes israéliens, la minorité palestinienne restée en Israël après 1948, qui représente 20 % de la population, comme des ennemis. Mais rien n’y a fait. Aujourd’hui, l’indéboulonnable Premier ministre, au pouvoir depuis treize ans, dont dix années consécutives, n’a jamais été aussi près de la sortie.
Son parti, le Likoud, remporte 32 sièges, selon les résultats quasi-définitifs du comité central des élections israélien. Pas assez pour former une coalition capable de gouverner avec les seuls partis religieux et l’extrême droite, Yamina, la nouvelle alliance de Naftali Bennett et Ayelet Shaked.
En face, son rival Benny Gantz, ancien chef de l’armée israélienne qui se définit comme centriste, rafle lui aussi 32 sièges avec sa liste Bleu Blanc. Lui non plus ne peut pas former une coalition viable avec seulement ses alliés naturels, les partis de gauche.
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Les résultats dessinent le tableau d’un pays polarisé, et les élections, qui s’étaient transformées en référendum « pour ou contre Netanayhou », semblent ne dégager aucun grand courant capable de l’emporter.
Restent alors deux possibles « faiseurs de roi ». D’un côté, l’ancien allié de Benyamin Netanyahou, son ex-ministre de la Défense, Avigdor Liberman, qui a fait chuter le précédent gouvernement, en novembre dernier, en démissionnant. Il claque alors la porte, en colère, contre la politique qu’il juge trop « laxiste » de Netanyahou vis-à-vis de la bande de Gaza.
C’est encore cet ex-videur de boîte de nuit, qui compte sur un solide électorat russe en Israël, qui a fait échouer les négociations en vue de former une coalition après les élections d’avril dernier, obligeant les Israéliens à retourner aux urnes ce mardi, pour la seconde fois en moins de six mois.
Hier soir, le massif dirigeant de Israel Beytenou, connu pour ses coups d’éclat et ses diatribes anti-arabes, a remporté neuf sièges. Et il l’a répété encore une fois : pas question qu’il siège dans un gouvernement avec des partis religieux.
« Il n’y a qu’une seule option : c’est la formation d’un large gouvernement d’union nationale », a-t-il clamé hier soir devant ses supporters. « Je dirai au président qu’il invite immédiatement Gantz et Netanyahou à déjeuner pour mettre sur pied ce gouvernement. »
Mais Gantz l’a dit très clairement : lui ne prendra pas part à un gouvernement si Netanyahou y siège aussi.
Invité surprise
Un autre allié possible s’est imposé dans les urnes hier, sans être décisif : la Liste unie, qui rassemble les partis arabes et le parti communiste. Créditée de douze sièges, c’est la troisième force politique du pays, mais c’est insuffisant pour assurer une majorité absolue à Gantz.
Jamais un député arabe n’a été membre d’un gouvernement israélien et il semble peu probable que ce soit le cas encore cette fois-ci, mais la Liste unie peut apporter son soutien à une coalition, comme les élus de la minorité palestinienne l’avaient fait en 1993 au gouvernement Rabbin au moment des accords d’Oslo.
« L’ère Netanyahou est terminée », a clamé peu après les premiers résultats l’une des figures de la liste, le député arabe israélien Ahmad Tibi. « Nous ne voulons pas faire partie d’un gouvernement dirigé par Gantz », a-t-il ajouté, tout en précisant : « Tout repose entre les mains de Bleu Blanc » à condition qu’ils acceptent les demandes qui leur ont été formulées.
Car pour les députés arabes, s’allier à Gantz pour contrer Benyamin Netanyahou peut s’avérer dangereux. Le dirigeant de Bleu Blanc, présenté comme centriste, a, sur la politique à l’égard des territoires palestiniens, des positions très proches de celle du Premier ministre. Israël doit conserver la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée, que voudrait annexer Netanyahou, avait-il annoncé avant les élections d’avril.
Et surtout, le grand militaire aux yeux bleus a lancé sa précédente campagne par une série de clips chocs sur ses années en tant que chef de l’armée israélienne et notamment lors de la guerre à Gaza en 2014. « J’ai renvoyé certaines zones de Gaza à l’âge de pierre », se vantait-il alors, racontant avoir tué 1 324 « terroristes » – bien plus que ce que chiffre un rapport indépendant commandé par l’ONU qui parle de 800 combattants tués aux côtés de 1 462 civils palestiniens dont 551 enfants.
Benyamin Netanyahou, lui, s’est aussitôt empressé de disqualifier son adversaire en désignant les députés arabes comme les ennemis : « Il n’y aura pas et il ne peut pas y avoir de gouvernement qui s’appuie sur des partis arabes antisionistes. Des partis qui nient l’existence d’Israël en tant qu’État juif et démocratique ».
Pourtant, forts de cette nouvelle victoire, les députés de la minorité palestinienne espèrent avoir davantage d’influence sur les politiques du nouveau gouvernement après les années Netanyahou, lors desquelles intimidations, discours de haine, lois et propos discriminants se sont multipliés à l’égard de leur communauté.
Mais le Premier ministre sortant n’a pas encore dit son dernier mot. En avril, il avait préféré reconduire le pays aux urnes plutôt que de laisser son siège. Il est probable qu’il tente encore par tous les moyens de conserver son poste – la clé pour faire voter son immunité. Et éviter ainsi les poursuites judiciaires, s’il est mis en examen dans les prochains mois pour l’une des affaires de corruption qui le menacent...
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