Libye : Le Caire souhaite remplacer Haftar à la tête de l’ANL
Les récentes débâcles du patron de l’Armée nationale libyenne (ANL), avec surtout la perte de la base aérienne d’al-Watiya, à 130 km au sud-ouest de la capitale Tripoli, dans la nuit du 17 au 18 mai, a été la goutte qui a fait déborder le vase de l’amertume égyptienne.
Aux côtés des Émirats arabes unis (EAU), l’Égypte est un allié de poids de Khalifa Haftar, mais Le Caire semble décidé à lâcher son protégé libyen. Au point que, selon la lettre confidentielle Africa Intelligence, Sissi pense désormais à faire remplacer Haftar à la tête de l’ANL.
« Malgré la proximité de Khalifa Haftar avec Le Caire – où résident son épouse et sa fille –, le président égyptien Abdelfattah al-Sissi n’a jamais apprécié la personnalité du général, jugé impulsif et colérique », explique la lettre confidentielle, qui révèle que des noms circulent déjà pour remplacer Haftar.
« Pour le moment, deux noms sont sur toutes les lèvres : celui du chef d’état-major Abderrazak Nadhouri et celui du général Ahmed Aoun, ex-général de division de l’armée libyenne sous Mouammar Kadhafi », révèle Africa Intelligence.
« Or le premier, resté très en retrait à Benghazi depuis la perte fin juin d’une position stratégique en Tripolitaine, Gharyan, manque de crédibilité à l’Est. A contrario, Ahmed Aoun, originaire de Tripoli, dispose d’une assise populaire à l’Ouest et reste apprécié à l’Est. Mais Haftar continue de bénéficier du soutien de ses parrains émiratis et saoudiens, principaux bailleurs de sa campagne militaire », poursuit la même source.
En janvier, Middle East Eye révélait que l’Égypte était, selon une source algérienne proche du dossier libyen, « en train de revoir sa position » concernant Haftar.
« Le niveau de communication » entre l’homme fort de la Libye et Le Caire s’étant « considérablement détérioré », la présidence égyptienne avait décidé de « transférer le dossier Haftar au renseignement militaire ». Abdel Fattah al-Sissi avait même, selon nos sources, « annulé une rencontre programmée » avec le maréchal libyen.
Il faut rappeler que Le Caire est à son tour sous la pression de Moscou : en janvier 2020, le président russe Vladimir Poutine ne s’était pas privé de sermonner Abdel Fattah al-Sissi, « allant jusqu’à le violenter verbalement ».
Selon les sources du quotidien paraissant à Londres Al Araby, la sécheresse des propos de Poutine envers Sissi reflétait un agacement de la Russie face au positionnement du Caire, plus proche d’Abou Dabi, qui soutient Haftar loin de l’axe russe.
Des combattants russes se retirent de Tripoli
La perspective du « lâchage » égyptien pèsera beaucoup sur les ambitions du maréchal libyen autoproclamé, d’autant que les revers militaires sur le terrain des opérations se multiplient.
Samedi 23 mai, les forces loyales au Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU, ont annoncé avoir repris au maréchal Haftar trois importants camps militaires au sud de la capitale Tripoli.
« Nos forces ont repris le contrôle des camps de Yarmouk, Hamza et al-Sawarikh et continuent à pourchasser le reste des milices de Haftar en fuite », a déclaré dans un communiqué le porte-parole des forces pro-GNA, Mohamad Gnounou.
Ces trois camps sont les plus importants de la banlieue sud de Tripoli. Ils ont été au cœur de violents combats et ont changé de mains à plusieurs reprises avant que les forces soutenant Haftar ne s’y installent en octobre 2019.
Par ailleurs, des combattants russes ont été exfiltrés, ce week-end, via l’aéroport de Bani Walid, situé à environ 150 km au sud-est de la capitale, par leurs alliés libyens de l’ANL après s’être retirés des lignes de front avec leur équipement lourd, a déclaré Salem Alaywan, maire de Bani Walid.
Il a déclaré à Reuters que les Russes avaient été transportés dans la région reculée d’al-Djoufrah, un bastion de l’ANL dans le centre du pays.
« Le retrait des Russes de la grande région de Tripoli est un événement très significatif car il prive l’ANL de ses forces de combat étrangères les plus efficaces et les mieux équipées sur ce front clé », a précisé à Reuters Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael.
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