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Syrie : les propriétaires de Raqqa se battent contre la confiscation illégale de leurs biens

Des habitants déplacés accusent les Forces démocratiques syriennes de prendre illégalement le contrôle des maisons vacantes dans l’ancien bastion de l’État islamique
Une petite fille à côté d’un mur criblé de balles à Raqqa, l’ancienne capitale syrienne de Daech qui est désormais sous le contrôle des FDS (AFP)

Pour Wael, un Syrien originaire de Raqqa, la situation dans sa ville natale a un air de déjà-vu. 

Lorsqu’il a fui la ville pour Homs en 2014, c’était pour échapper au groupe État islamique (EI), qui avait pris le contrôle de Raqqa, en avait fait sa capitale syrienne de facto et l’avait gouvernée avec une main de fer sous son « califat » autoproclamé.

En octobre 2017, l’EI a été chassé de son bastion syrien par les Forces démocratiques syriennes (FDS) – une alliance de combattants kurdes et arabes soutenue par les États-Unis – qui ont « libéré » Raqqa et mis en place des unités de police pour sécuriser la ville.

« Les FDS ont commencé à reproduire les erreurs commises par l’EI avant eux »

- Maher, habitant de Raqqa

Ces derniers temps, les FDS agissent de la même façon que leurs prédécesseurs, confie Wael à MEE.

Ce quinquagénaire chrétien ne comprend pas pourquoi la maison dans laquelle il a vécu pendant trente ans a été confisquée par les autorités locales.

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« J’ai demandé à certains de mes voisins de demander aux autorités de me rendre ma maison, mais la réponse a été : “Pourquoi vit-il à Homs ? Dites-lui de venir, nous pouvons le protéger de l’EI.”

« L’ironie, c’est que la famille qui vit désormais dans ma maison est la famille de l’un des juges des FDS. Donc si les gens qui sont supposés être en charge de la justice agissent ainsi, que pouvons-nous attendre des autres au pouvoir ? », demande Wael à MEE par téléphone.

Lorsque l’EI a quitté Raqqa, les habitants espéraient la paix et un nouveau départ. Aujourd’hui, ils craignent les autorités de la ville.

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Maher, un voisin qui a tenté d’aider Wael à récupérer sa maison, explique que la population locale continue de souffrir sous le contrôle des FDS.

« Les FDS ont commencé à reproduire les erreurs commises par l’EI avant eux. Par exemple, rien que dans notre quartier, les FDS ont saisi 25 appartements civils sur 64 », rapporte Maher à MEE.

Tout groupe armé qui prend le contrôle de Raqqa est pire que le précédent, estime ce père de trois enfants, ajoutant que ce sont les civils qui ont payé le plus lourd tribut de cette guerre.

« Les FDS ont commencé à confisquer les maisons des civils il y a environ un an et demi. Ce sont les mêmes violations que l’EI, l’Armée libre syrienne [faction armée opposée au gouvernement] et le régime d’Assad avaient commises par le passé », déplore Maher.

Confiscation « illégitime » d’habitations

Raqqa a connu les plus lourds combats en 2017, lesquels ont endommagé la plupart des infrastructures de la ville et contraint de nombreux habitants à fuir, vidant des centaines de maisons de leurs occupants.

Le 5 août, le conseil civil de Raqqa soutenu par les FDS a adopté une loi controversée visant à « protéger les biens des absents ». Elle contenait 21 articles autorisant l’administration autonome à contrôler les biens vacants dans les zones sous le contrôle des FDS, soit environ 70 % à 80 % de la ville, et empêchant leurs propriétaires de les louer ou de les vendre.

Cependant, cette loi a été brusquement suspendue quelques jours plus tard, après l’ire et la condamnation de la population sur les réseaux sociaux, en grande partie de la part de Syriens déplacés qui avaient été contraints d’abandonner leurs foyers pour se mettre à l’abri.

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Abdulrazzak al-Hussein, ancien juge syrien qui est désormais chercheur en droit, considère que cette initiative des autorités à Raqqa était inconstitutionnelle.

« Tout d’abord, on ne peut appeler ça une loi car les lois doivent faire partie d’une Constitution officielle découlant de la volonté du peuple. Donc dans ce cas, il s’agissait seulement d’une décision prise par une autorité illégitime, même s’ils l’ont qualifiée de “loi” », explique-t-il à MEE.

Aucune autorité ne peut priver ses citoyens du droit de mandater des tiers pour gérer leurs biens, rendant ainsi cette loi « totalement illégale », poursuit Abdulrazzak al-Hussein.

En outre, une personne ne peut être qualifiée d’« absente » seulement « si personne n’est en mesure de connaître l’endroit où elle se trouve ou si elle est morte ou en vie ». 

« Un absent – selon l’article 203 du code civil syrien – est une personne dont le sort est inconnu », résume-t-il.

MEE a interrogé à plusieurs reprises le responsable de la municipalité de Raqqa, Ahmad Ibrahim, pour tenter de connaître le motif de cette loi, mais n’a pas obtenu de réponse.

Qui possède quoi ?

En janvier 2019, Ayham Jarady s’est rendu à Raqqa pour récupérer sa maison située dans le quartier de Masaken Alhoud, après sa saisie sans motif légal par les FDS. 

Quand ce Syrien, qui a fui sa ville en 2016 pour rejoindre la Turquie au début de la guerre contre l’EI, est retourné à Raqqa, une famille de déplacés kurdes originaires d’Afrin vivaient chez lui.

Les FDS ont refusé de lui rendre son domicile et lui ont alloué une autre maison dans la ville – une proposition que Jarady a d’abord déclinée. 

« Je ne veux pas faire la même erreur et vivre dans une maison qui ne m’appartient pas, sans la permission des propriétaires »

- Ayham Jarady

« Je ne veux pas faire la même erreur et vivre dans une maison qui ne m’appartient pas, sans la permission des propriétaires », indique-t-il par téléphone à MEE

Pendant plusieurs mois, l’homme a loué un logement à Raqqa tout en essayant de récupérer sa maison. Il a fini par devenir évident qu’il n’avait que deux options : attendre que la famille de déplacés quitte sa maison ou accepter celle offerte par les FDS. 

Jarady vit désormais dans une maison qui appartient à une famille syrienne réfugiée en Allemagne. Cette maison est plus grande et mieux que la sienne, alors il se sent coupable d’y vivre. 

« Les FDS n’ont pas parlé [aux propriétaires] avant de me donner leur maison. Alors je les ai contactés et leur ai raconté toute l’histoire et ils ont accepté que je reste chez eux. C’est de la confiscation cumulative », raconte-t-il. 

Wael, lui, a décidé de rester à Homs pour l’instant, surtout maintenant que des informations signalent que l’EI fait son retour en Syrie et en Irak voisin. 

« La situation à Raqqa n’est pas assez sûre pour moi pour que j’y retourne maintenant. Des assassinats sont perpétrés chaque semaine par des cellules de l’État islamique et j’ai commencé une nouvelle vie ici à Homs », indique-t-il.

« Mais tout ça n’est pas une raison pour que les FDS confisquent ma maison à Raqqa. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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